Mariage annulé : le couple remarié en appel

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En avril dernier, une décision du Tribunal de Grande Instance de Lille avait suscité une vive polémique : à la demande de l'époux, un mariage avait été annulé pour cause d' « erreur sur les qualités essentielles du conjoint ». Le mari reprochait à son épouse d'avoir menti sur sa virginité. Cette décision de justice faisait donc de la virginité une qualité essentielle du conjoint.
L'affaire avait alors pris de l'ampleur dans les médias. Politiques et associations s'étaient relayés dans un concert de réactions indignées, dénonçant une « discrimination » entre les époux. La Garde des sceaux avait finalement demandé au Parquet de faire appel, en juin.
Ainsi, la Cour d'Appel de Douai a statué ce lundi et, en cassant la première décision, a remarié de fait les deux époux musulmans. Dans sa décision, elle estime que « la virginité n'est pas une qualité essentielle, que son absence n'a pas d'incidence sur la vie matrimoniale ».
Un pourvoi en cassation du mari
Maître Xavier Labbée, l'avocat de l'époux, se montre déçu de cette décision. Il estime que « la Cour d'Appel organise ainsi un mariage forcé, contre la volonté des époux ». Selon lui, « à l'heure où tout va très vite dans les séparations et où on ne contrôle pas les divorces, on instaure un mariage forcé ». Il regrette l'intervention du ministère public, qui a fait appel dans cette affaire et « qui n'a rien à faire dans le domaine de l'intime, du privé ». Le mari, contrarié par cette décision, pourrait se pourvoir en cassation. Il dispose de deux mois pour le faire.
Du côté de l'épouse, comme l'explique son avocat Maître Charles-Edouard Mauger, le soulagement prime. Elle est « décontenancée », mais « de toute façon il fallait que ce parcours judiciaire puisse toucher à sa fin ». Il précise également qu'elle devrait se diriger vers une procédure de divorce. Selon lui, « elle était devenue une cause judiciaire, le symbole de quelque chose de lourd, de grave. Elle a parfaitement perçu que sans doute de très nombreuses jeunes femmes allaient avoir à subir des procédures humiliantes et moralement dévastatrices. Ce qu'elle a vécu elle-même lui a permis de se rendre compte de ce qui allait se passer sans doute pour beaucoup d'autres ».
Politiques satisfaits, magistrats mécontents
Chez les politiques, nombreux sont ceux qui se sont félicités de cette décision. Ainsi, Corinne Lepage, qui s'était vivement opposée à l'annulation décidée en première instance à Lille, s'en « réjouit beaucoup ». Selon elle, la première décision allait « poser des problèmes considérables à toutes les jeunes femmes, en particulier d'origine musulmane ». Elle pense à « toutes ces jeunes femmes qui vont se faire opérer car précisément elles ne sont plus vierges avant le mariage ».
Mais le président de l'Union Syndicale des Magistrats Christophe Régnard regrette que l'on ait « caricaturé » la décision d'annulation. Selon lui, « il n'a jamais été question de faire de la non-virginité une des conditions essentielles du mariage ». Il déplore une « envolée mediatico-politique » qui débouche sur une « situation ubuesque ».