Manifestation pro-Palestine à Paris: pourquoi le rassemblement a-t-il finalement été autorisé?

La justice a tranché en faveur des manifestants. À l'appel de l'association CAPJO-Europalestine et du Nouveau parti anticapitaliste, des milliers de personnes ont pu se rassembler place de la République, jeudi soir à Paris, pour apporter leur soutien à la population palestinienne.
Le tribunal administratif de Paris, saisi avant la tenue de la manifestation, a décidé de suspendre l'interdiction préfectorale qui la frappait, estimant que celle-ci représentait "une atteinte grave" à la liberté de manifester.
La décision du tribunal est intervenue vers 19 heures alors que 4.000 personnes étaient déjà sur place depuis 18 heures, selon la préfecture de police.
"Aucun élément" ne montre un soutien "aux attaques terroristes"
"Le respect de la liberté de manifestation et de la liberté d'expression, qui ont le caractère de libertés fondamentales (....) doit être concilié avec l'exigence constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public", a estimé le tribunal dans son ordonnance dont l'AFP a obtenu copie.
Le juge administratif a mis en avant que le préfet de police de Paris n’apportait "aucun élément de nature à étayer" que la manifestation visait "à soutenir les attaques terroristes du Hamas qui se sont déroulées à compter du 7 octobre" s'agissant de la CAPJPO-Europalestine.
Et "si le préfet fait valoir que le NPA est visé par une enquête pour apologie du terrorisme", après des propos d’Olivier Besancenot et de Philippe Poutou selon lesquels la lutte du peuple palestinien est "légitime", "cette circonstance ne saurait être tenue pour suffisante pour établir que le NPA 'plateforme C', qui affirme (...) avoir fait scission avec le NPA dirigé par Philippe Poutou, (...) soutiendrait le Hamas", souligne le tribunal.
Pas de "risque particulier de violences"
Par ailleurs, "il ne résulte pas de l’instruction, et en particulier de la note des services spécialisés établie en vue de la présente manifestation, que le rassemblement projeté présenterait un risque particulier de violences, à l’encontre d’autres groupes ou des forces de l’ordre", argue-t-il.
Les arrêtés préfectoraux attaqués portent donc "une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de manifester", conclut le tribunal, en ordonnant leur suspension.
"Je suis un Républicain, j'applique les décisions de justice. Ce qui est sûr, c'est que les manifestations, quand elles seront autorisées, elles doivent se tenir dans le bon ordre public", a réagi le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin sur BFMTV, en apprenant la décision du tribunal administratif.
Une manifestation globalement calme
Dès que la nouvelle s'est propagée dans la manifestation place de la République, les forces de police qui avaient "nassé" la foule se sont totalement retirées. Selon les informations de BFMTV, ces dernières avaient procédé à 56 verbalisations avant la décision d'autorisation.
La manifestation s'est globalement déroulée dans le calme. La préfecture de police fait état de trois interpellations.
Parmi les slogans entendus dans la foule: "Israël assassin, Macron complice", "Vive la Palestine" ou encore "Nous sommes tous des Palestiniens". Certains manifestants ont également crié "Allahou Akbar", "Dieu est le plus grand" en arabe, une formule courante dans la religion musulmane et utilisée par certains terroristes islamistes avant de commettre un attentat.
Le Conseil d'État s'oppose à une interdiction systématique
Mercredi, le Conseil d'Etat avait rappelé au gouvernement que les manifestations pro-palestiniennes ne pouvaient être interdites systématiquement et qu'il revenait aux seuls préfets d'apprécier s'il y avait localement un risque de troubles à l'ordre public.
Dans un télégramme adressé aux préfets le 12 octobre, cinq jours après l'attaque sanglante perpétrée en Israël par le Hamas, consigne avait été donnée d'interdire les "manifestations pro-palestiniennes, parce qu'elles (étaient) susceptibles de générer des troubles à l'ordre public".
De son côté, Emmanuel Macron a justifié l'interdiction de précédentes manifestations pro-palestiennes en France par la nécessité d'un "délai de décence" après les massacres d'Israéliens par le Hamas et le risque d'infiltration par des "éléments ultraradicaux".
"Je pense qu'il y avait un délai de décence, il y avait eu une attaque terroriste, c'était pas bon", a-t-il expliqué lors d'un échange avec des étudiants dans la rue à Paris, dont un journaliste de l'AFP a été témoin.
"Je vois des gens qui veulent manifester de manière pacifique mais dedans se greffent des éléments hyper radicaux qui vont aller brûler les drapeaux d'Israël, défendre le Hamas", avait-il ajouté.