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Police-Justice

Le procès du maire de Saint-Étienne pour chantage à la vidéo intime s'ouvre lundi

Le maire et président de la métropole de Saint-Étienne Gaël Perdriau lors d'un conseil municipal, le 26 septembre 2022 à Saint-Etienne

Le maire et président de la métropole de Saint-Étienne Gaël Perdriau lors d'un conseil municipal, le 26 septembre 2022 à Saint-Etienne - OLIVIER CHASSIGNOLE © 2019 AFP

Gaël Perdriau va être jugé, aux cotés de sept autres prévenus, à partir de ce lundi 22 septmbre pour chantage, association de malfaiteurs et détournement de fonds publics. Il est accusé d'avoir utilisé une vidéo intime d'un rival pour le museler.

Escort-boy, caméra cachée et accusations de chantage: la justice entame lundi 22 septembre l'examen de l'affaire dite de la "sextape" à la mairie de Saint-Étienne qui, à bien des égards, dépasse les scénarios de fiction les plus sulfureux.

Au coeur du procès prévu toute la semaine à Lyon, le maire de la ville ligérienne, Gaël Perdriau, 53 ans, exclu du parti Les Républicains, est jugé avec d'anciens proches pour chantage, association de malfaiteurs et détournement de fonds publics.

Accusé d'avoir utilisé une vidéo intime pour museler un rival, l'édile assure avoir été victime d'une instruction "à charge" et espère convaincre de son innocence le tribunal judiciaire de Lyon, où il risque une peine de prison et inéligibilité.

"J'ai besoin d'être débarrassé de cette épée de Damoclès" avant les municipales de mars 2026, a-t-il déclaré à quelques jours de l'audience. Sinon, "la campagne de mes opposants" ne portera que sur les éléments du dossier ayant fuité de manière "partielle et partiale", a-t-il ajouté.

Un rival filmé à son insu dans une chambre d'hôtel

Car, malgré les poursuites le visant et le lâchage d'une grande partie de la classe politique stéphanoise, Gaël Perdriau envisage de briguer un nouveau mandat. Il reste ainsi sur la ligne combative qu'il a adoptée quand le scandale a éclaté, en août 2022, avec une enquête de Médiapart.

Sur la base des confessions d'un acteur-clé, le site d'informations en ligne a révélé l'existence d'un complot ourdi à la mairie pour museler Gilles Artigues, alors premier adjoint du maire.

Ce centriste catholique, qui s'était opposé au mariage homosexuel, a été filmé à son insu en janvier 2015 dans une chambre d'hôtel parisien avec un escort-boy. Les années suivantes, la vidéo a servi à brimer ses velléités d'indépendance, écrit le site en publiant des extraits de cet enregistrement volé. L'affaire étant alors publique, Gilles Artigues porte plainte pour "chantage aggravé".

Gardes à vue et mises sur écoute

Gardes à vue, mises sur écoute, perquisitions s'enchaînent. En juin, les juges d'instruction estiment avoir suffisamment de preuves pour renvoyer le maire devant la justice avec son ancien directeur de cabinet Pierre Gauttieri, son ancien adjoint à l'Éducation Samy Kéfi-Jérôme, et l'ex-compagnon de celui-ci Gilles Rossary-Lenglet.

Ce dernier, un personnage atypique qui fréquentait les milieux politiques sans avoir de mandat, est l'homme par lequel le scandale est arrivé. C'est lui qui, séparé, au chômage et malade, est allé voir Médiapart avec la "sextape".

Selon son récit, le maire et son directeur de cabinet, un duo soudé, cherchaient les moyens de "tenir" le premier adjoint avec lequel ils avaient conclu un accord électoral de circonstance pour reprendre la ville à la gauche en 2014, mais dont ils redoutaient qu'il cherche à s'émanciper.

Ils s'en étaient ouverts au jeune et ambitieux adjoint à l'Éducation, qui avait sollicité son conjoint. Gilles Rossary-Lenglet admet avoir alors eu l'idée de piéger Gilles Artigues "sur le plan des moeurs".

Un piège à 40.000 euros

Devant les enquêteurs, Samy Kéfi-Jérôme reconnaît avoir attiré Gilles Artigues dans la chambre d'hôtel et planqué la caméra.

Après de premières dénégations, le directeur de cabinet reconnaît son implication et avoue avoir envisagé de compromettre un autre adversaire, l'ancien maire de Saint-Étienne Michel Thiollière, avec une prostituée mineure, sans aller jusqu'au bout cette fois. Surtout, Pierre Gauttieri lâche Gaël Perdriau qui, dit-il, a donné son "feu vert" au complot et a pris en main son volet financier.

Selon les conclusions des enquêteurs, le piège a en effet été financé à hauteur de 40.000 euros par des fonds municipaux, via des subventions accordées sur "la réserve du maire" à deux associations, ayant servi de "société taxi".

Deux couples, à la tête de ces associations, seront jugés pour "abus de confiance". Sans être au courant de l'existence de la vidéo, ils ont reversé les subventions à Gilles Rossary-Lenglet, qui s'en est notamment servi pour payer l'escort-boy avec lequel Gilles Artigues a été filmé.

Face aux huit prévenus, Gilles Artigues, Michel Thiollière, l'escort-boy, la ville de Saint-Étienne et l'association Anticor se sont constituées parties civiles.

E.R. avec AFP