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Police-Justice

Le président de la Cour de cassation appelle à un débat sur la place du juge judiciaire

Le président de la Cour de cassation regrette un recul du juge judiciaire au profit du juge administratif.

Le président de la Cour de cassation regrette un recul du juge judiciaire au profit du juge administratif. - Fred Dufour - AFP

Préoccupé par "le recul" de l'ordre judiciaire, Bertrand Louvel, le président de la Cour de cassation a appelé mercredi  un débat  sur la place du juge judiciaire.

"Le glissement qui nous préoccupe le plus, c'est le recul de la compétence de l'ordre judiciaire dans le contrôle des atteintes aux libertés individuels", a expliqué le haut magistrat devant quelques journalistes réunis à la Cour de cassation.

C'est la troisième fois en moins d'un mois que le plus haut magistrat de France sort ainsi de sa traditionnelle réserve pour exprimer tout haut l'inquiétude de l'institution judiciaire sur cette question.

Cette rencontre intervenait le jour même de la présentation en Conseil des ministres de projets de loi prorogeant l'application de l'état d'urgence et renforçant la lutte contre le crime organisé et le terrorisme. Des mesures critiquées des avocats et des magistrats qui dénoncent des atteintes aux libertés individuelles et une marginalisation des juges judiciaires.

Le juge judiciaire gardien des libertés

"Notre interrogation est plus vaste que ces derniers projets de loi", a précisé Dominique Lottin, présidente de la cour d'appel de Versailles représentant les premiers présidents de cour d'appel, faisant allusion à un lent recul du rôle du juge judiciaire ces dernières années au profit du juge administratif. L'article 66 de la Constitution confère théoriquement à l'autorité judiciaire le rôle de gardienne "de la liberté individuelle".

"En confiant l'ensemble des libertés fondamentales à la garde de l'autorité judiciaire, le constituant avait entendu les placer sous la protection d'un magistrat indépendant du pouvoir exécutif comme du parlement et présentant des garanties statutaires fortes", a souligné Bertrand Louvel dans un texte d'analyse publié sur son blog.

Mais, au fil du temps et surtout à partir des années 2000, son rôle de gardien de toutes les libertés s'est peu à peu érodé jusqu'à ne plus rester que le gardien de la détention arbitraire, et encore, à partir de la 13e heure de rétention, a souligné la magistrat. Ce qui permet aujourd'hui au juge administratif de pouvoir statuer pendant les 12 premières heures, notamment sur les assignations à résidence. "En quoi le juge judiciaire a-t-il failli pour qu'on transfère ainsi progressivement ses prérogatives à un autre juge?", s'est interrogé Bertrand Louvel pour qui la jonction sur une même ligne des ordres judiciaires et administratifs contribue à "brouiller le paysage".

la rédaction avec AFP