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Le châtelain qui rêvait de "beaux mecs barbus musulmans" jugé pour association de malfaiteurs terroriste

Le tribunal judiciaire de Paris, le 17 avril 2018 (PHOTO D'ILLUSTRATION).

Le tribunal judiciaire de Paris, le 17 avril 2018 (PHOTO D'ILLUSTRATION). - ALAIN JOCARD / AFP

Serge D. est jugé ce mercredi pour association de malfaiteurs terroristes après avoir échangé avec des individus radicalisés et évoquer des projets de départ vers la Syrie. Il nie toute envie de passer à l'acte ou toute proximité à l'idéologie islamiste mais évoque son attirance pour les hommes musulmans barbus.

Quand les policiers de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) sont avertis le 17 janvier 2020 de l'existence d'un certain Abou Marc très actifs sur les réseaux, ils sont loin d'imaginer qui se cache derrière ce pseudonyme. Serge D., 67 ans, rénovant et résidant dans un château du Pas-de-Calais, est jugé ce mercredi par le tribunal correctionnel de Paris pour participation à une association de malfaiteurs terroriste.

La justice lui reproche d'avoir visionné des contenus portant sur le salafisme ou le jihad, sur l'achat de Kalachnikov mais surtout d'avoir eu des conversations avec d'autres hommes sur la haine des "mécréants" et sur les détails d'un financement et des conditions d'un départ vers la Syrie.

"Beaux barbus musulmans"

À l'origine, Serge D., marié à un dentiste de la région, rêvait de "beaux mecs barbus musulmans", comme il l'explique aux enquêteurs de la DGSI quand ils viennent l'interpeller. Pour cela, il s'inscrit sur des sites de rencontres. Cette attirance est uniquement sexuelle, nullement religieuse pour cet homme se définissant comme catholique non-pratiquant. "C'était très virtuel, c'était du fantasme (...) Ce n'est pas mon monde, je n'ai pas d'amis musulmans."

Dans ses échanges sur "Entre muslims", il se présente sous le pseudonyme Abou Marc Reconverti. Les conversations n'ont pourtant rapidement rien de sentimentales. Il y parle de "conseils" pour "renforcer " sa foi. Il évoquait un départ pour le Sahel, pour le Mali ou le Niger, en passant par le Sénégal "moins surveillé", écrivait-il, ou un achat d'armes. Il livrait aussi ses conseils de discrétion avec la création d'une fausse boîte mail ou l'obtention d'un numéro américain.

Il faut dire que Serge D. est bien renseigné pour un homme de 62 ans au moment des faits vivant dans son château du Pas-de-Calais. Le châtelain s'est documenté pendant de longs mois. "Initialement conçus comme un moyen de rencontre, le partage de l'idéologie jihadiste et la diffusion d'informations pratiques se rapportant à un départ vers l'étranger pour rejoindre un groupe armés sont ainsi devenus au fil des mois la finalité des échanges entre Serge D. et ses interlocuteurs", note la juge d'instruction dans son ordonnance de renvoi.

Un moyen de rompre la solitude

Au cours de ses rencontres virtuelles, Serge D. tombe sur Hossain M. Lui est Belge et dans les viseurs des services de renseignement de son pays dans le cadre d'une mission d'infiltration. Rapidement, les deux hommes évoquent de se rencontrer. A deux reprises, Serge D. va annuler au dernier moment. "Il n'en demeure pas moins que la seule planification de telles rencontres qui impliquait des déplacements dans des pays étrangers ne pouvait être interprétée par ses interlocuteurs que comme un gage supplémentaire de crédibilité de projets conçus", note la magistrate.

Serge D. a toujours nié toute intention terroriste. Ses discussions multiples avec des hommes? Un moyen de rompre la solitude alors qu'il était séparé géographiquement de son mari gravement malade. Sa consultation régulière de sites en lien avec le jihad? Une manière de rentrer un peu plus dans son personnage, lui qui est adepte des "jeux de rôles", comme l'ont attesté ses proches. Ses projets de départ très détaillés? Une certaine façon de procureur une excitation. Il encourt jusqu'à 10 ans de prison.

https://twitter.com/justinecj Justine Chevalier Journaliste police-justice BFMTV