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INFO BFMTV. Meurtre d’Estelle Mouzin en 2003: l’État condamné pour "faute lourde"

Estelle Mouzin, lors de sa disparition (gauche), et vieillie par ordinateur (droite)

Estelle Mouzin, lors de sa disparition (gauche), et vieillie par ordinateur (droite) - Police - AFP

Le tribunal judiciaire de Paris explique ce mercredi que le "manque de moyen de la justice" et les "dysfonctionnements" qui ont émaillé l’instruction constituent une "faute lourde" que l’État doit réparer.

Le tribunal judiciaire de Paris a condamné l’État, ce mercredi 3 septembre, à verser 50.000 euros à Éric Mouzin, père d’Estelle Mouzin, fillette assassinée en 2003 par Michel Fourniret qui a avoué l'enlèvement et le crime en 2020. La fillette de 9 ans avait disparu le 9 janvier 2003, à Guermantes, alors qu’elle rentrait de l’école et son corps n'a jamais été retrouvé.

Selon le jugement que BFMTV a pu consulter, les juges parisiens estiment que le "manque de moyens de la justice" et les "dysfonctionnements" qui ont émaillé l’instruction constituent une "faute lourde" que l’État doit réparer.

"L'inaptitude du service public de la justice à remplir (s)a mission"

Éric Mouzin a assigné l'État en juin dernier afin d'obtenir réparation, déplorant déjà des défaillances dans l'enquête. Dans leur décision, les juges du tribunal de Paris reconnaissent d’abord "un retard particulièrement préjudiciable" accumulé par la justice dans cette affaire. Celle-ci "résulte d'un manque de moyens humains en nombre suffisant".

Autres défaillances constatées, la justice cite entre autres "la succession de dix magistrats instructeurs" pendant ces 17 années d’instruction. Mais aussi "une cotation tardive et peu intelligible" et "anarchique" du dossier d’instruction par les enquêteurs. À quoi s’ajoute "l'absence de procès-verbaux réguliers synthétisant les directions et les avancées" de l’enquête par la police judiciaire de Versailles.

Autre défaillance, le manque d'intérêt pour la piste menant à Michel Fourniret. "Ce manque de moyens a empêché les magistrats de se coordonner ou à tout le moins d'échanger plus rapidement avec les autres services ou tribunaux chargés de l'instruction de disparitions similaires, alors que les dossiers Fourniret/Olivier étaient alors instruits en parallèle dans plusieurs tribunaux (Meaux, Auxerre, Charleville-Mézières et Paris), en France comme en Belgique", précisent les juges.

"Ces dysfonctionnements caractérisent l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission qui lui était confiée", tranchent-ils.

Le tribunal estime que "le manque de moyens humains et les dysfonctionnements [décrits] constituent une faute lourde et engagent à ce titre la responsabilité de l'État".

Monique Olivier condamnée en décembre 2023

Néanmoins, tout au long de l’instruction, "des actes d'investigations d'une ampleur exceptionnelle ont été réalisés", nuancent néanmoins les magistrats. "Aucun élément ne permet de démontrer que la culpabilité de Michel Fourniret et Monique. Olivier aurait pu être établie avant la reconnaissance de sa responsabilité par Monique Olivier", ajoute le tribunal.

Le père de la victime avait demandé 350.000 euros de dommages et intérêts lors de l'audience le 11 juin dernier qualifiant les actes du service enquêteur d'"amateurisme".

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15:40

Durant elle-ci, le procureur avait déjà reconnu "des manquements du service public de la justice à l'égard de la partie civile". Mais "il n'y a pas de causalité directe entre cette faute lourde et le fait que Michel Fourniret n'a pas été mis en examen", d'après les termes du procureur en juin. La piste de "l’Ogre des Ardennes" avait pourtant été évoquée en début d’enquête, mais avait vite été mise de côté.

Le tueur en série français a reconnu le meurtre d'Estelle Mouzin en mars 2020, 17 ans après les faits. "L'Ogre des Ardennes" est mort en mai 2021, sans avoir été jugé dans cette affaire. Seule son épouse, Monique Olivier, a été jugée pour "complicité" et condamnée, en décembre 2023 à la réclusion criminelle à perpétuité. Au cours de son procès, elle était revenue sur l'enlèvement du 9 janvier 2003 à Guermantes (Seine-et-Marne), partageant ses "regrets", estimant qu'elle "aurait dû réagir".

Si l’Etat est "tenu de réparer le dommage résultant de ces dysfonctionnements", il ne se prononce néanmoins pas sur un éventuel "déni de justice", estimant que cela ne s’avère pas "nécessaire".

Paul Conge, Vincent Vantighem avec Matthieu Heyman