EN DIRECT - Procès du 13-Novembre: "On a donné le meilleur de nous-même", assure François Molins

Les forces de l'ordre à l'extérieur de la salle d'audience accueillant le procès des attentats du 13-Novembre, le 8 septembre 2021. - Alain JOCARD / AFP
Ce live est maintenant terminé
Ce live est terminé. Bernard Cazeneuve, pendant plus de 4 heures, plus François Molins, pendant 2h30, ont témoigné devant la cour d'assises spéciale de Paris.
Ils ont fait état de la menace avant les attentats, des moyens qui avaient été mis en place pour déjouer les projets d'attaque, mais aussi sur leur sentiment personnel eux qui ont été au plus près des événements. "Une attaque que l'on redoutait", ont fait savoir les deux hommes.
L'ancien ministre et l'ancien procureur de la République de Paris ont également balayé l'idée qu'ils savaient que des menaces pesaient sur le Bataclan, comme l'estiment certaines parties civiles. "Nous n'avions pas d'éléments pour préciser une menace ciblée sur le Bataclan", a expliqué le magistrat.
Ils sont également revenus sur les critiques sur l'intervention au Bataclan et la lenteur de l'assaut soit lancé. "On n'est pas au far west, on rentre et on tire partout", a rappelé François Molins, expliquant qu'une intervention est "adaptée à la situation".
Le risque "trop important" d'interpeller Abaaoud à Aubervilliers
C'est une question qui revient à de nombreuses reprises dans le débat: pourquoi l'ordre 'na pas été donné d'interpeller Abdelhamid Abaaoud, le coordinateur des attentats, alors qu'il avait été localisé caché dans un buisson à Aubervilliers?
"Le risque était trop important dans la mesure où on s'intéressait à des gens qui ont fait 130 morts. On pensait qu'ils avaient un armement beaucoup plus lourd que ce qu'ils avaient."
François Molins évoque le "risque majeur sur la voie publique, dans un contexte qu'on ne maitrisait pas" d'interpeller le terroriste qui était alors sous surveillance policière.
"Il aurait pu y avoir des passants", maintient l'ancien procureur de Paris qui précise que les autorités attendaient "qu'il soit fixé dans un endroit particulier".
"La priorité absolue" d'identifier les victimes
François Molins est revenu sur les heures qui ont suivi les attentats et "la priorité absolue" donnée à l'identification des victimes. Pourtant, tout n'a pas été parfait, loin de là, le procureur évoquant des "couacs, des erreurs d'identification", malgré la mise en place de bracelets "souillés par le sang". Il se souvient aussi des magistrats du parquet de Paris contraints d'annoncer les décès aux proches des victimes, faute de policiers présents.
"Je mesure le caractère insupportable pour les victimes", insiste l'ancien procureur de Paris, qui se souvient "de familles complètement désemparées qui cherchaient des informations depuis des heures".
Afin de réaliser des autopsies sur les 130 corps, 15 jours aurait été nécessaire à la médecine légale. "C'était inacceptable" pour les familles qui n'auraient pas pu récupérer les corps de leurs proches tués dans les attaques.
Le choix a été fait de réaliser des autopsies dans certains cas, et des examens externes approfondis, dans d'autres cas. Ainsi, des autopsies ont été réalisées sur les corps non identifiés, sur ceux présentant des projectiles incorporés, dans les cas où l'examen externe ne permettait pas de donner les causes de la mort, et sur les corps des terroristes.
"J'ai mis une pression maximale sur le directeur de l'Intitut médico-légal", se rappelle François Molins qui évoque la quinzaine de familles qui n'étaient pas encore fixées plus de 48 heures après les attentats.
"J'ai compris tout de suite": François Molins revient sur les faits du 13 novembre
François Molins se souvient d'une semaine intense alors que le 13 novembre il revenait de trois jours à Marrakech pour des rencontre multipartites sur le terrorisme.
"Vendredi soir, je suis fatigué je vais me coucher tôt", se souvient l'ex-procureur, indiquant avoir reçu très rapidement un appel pour lui signaler la première explosion à la porte D au Stade de France.
François Molins contacte la cheffe de la section antiterroriste de son parquet, puis le patron de la DGSI. "Ils n'en savaient pas plus que moi." Le magistrat va alors apprendre pour les fusillades en allumant sa télévision.
"J'ai compris tout de suite qu'on y était, on était dans l'attaque qu'on redoutait", explique-t-il.
Rapidement, François Molins se rend sur les lieux des fusillades. D'abord à la Bonne bierre où il n'y avait pas encore d'enquêteurs, seulement des primo-intervenants. "En arrivant sur la scène j'ai été mis dans l'ambiance un brigadier du 11e a enlevé son gilet par balle pour me le mettre, ça donne une idée de l'ambiance".
Puis au Carillon. "Là c'était pareil, des corps couchés sur le trottoir". Enfin le magistrat se rend au Bataclan. L'assaut est donné par l'autorité administrative "en concertation avec l'autorité judiciaire.
François Molins confie alors "l'horreur" au sein de la salle de spectacle. "C'est dantesque, jamais je n'aurai imaginé un bilan aussi lourd, il y a des corps partout."
"Je n'oublierai jamais le corps d'une dame avec les cheveux au carré assise la tête sur un sac à main où il y avait un téléphone qui sonnait tout le temps. Je suis rentré 3 fois dans le Bataclan. Je ne sais pas si je n'arrivais pas à y croire ou si je ne voulais pas y croire."
L'audition de François Molins a commencé
L'audition de François Molins a débuté. L'ancien procureur de la République de Paris dit s'être interrogé sur place devant la cour estimant que "quand on est directeur d'enquête on n'est pas vraiment témoin des faits". Il dit être là pour "dire ce qu'il a vécu".
"L'attentat terroriste n'a pas pu être évité, j'ai toujours vécu ça comme un échec, débute François Molins, assis en raison de douleurs au dos. Tout n'a pas été parfait, on a fait au mieux en donnant le meilleur de nous même au parquet de Paris. Il est sain et normal d'expliquer tout cela."
L'inventaire de Bernard Cazeneuve
Tout au long de son audition, Bernard Cazeneuve est revenu sur les actions menées par le gouvernement auquel il appartenait concernant la lutte contre le terrorisme.
L'ancien ministre de l'Intérieur rappelle que deux dispositifs ont été mis en place: le centre national de prévention de la radicalisation avec un numéro vert et la loi de novembre 2014 qui créée un police administrative, l'interdiction de sortie du territoire "dont nous ne disposions pas".
"Cette loi ne suffisait pas à prévenir les risques d'attentat, les individus qui préparaient les attentats communiquaient par des moyens chiffrés, cryptés, les services de renseignement peinaient à les intercepter", explique Bernard Cazeneuve, indiquant avoir "engagé un débat qui a conduit à la loi du 18 juillet 2015".
Pour justifier ce besoin de moyens législatifs, Bernard Cazeneuve précise qu'à la veille des attentats de novembre 2015, 941 terroristes étaient particulièrement suivis. Environ 300 avaient été interpellés, dont la moitié était incarcérée et une quarantaine sous contrôle judiciaire.
Pour finir son bilan, l'ancien ministre indique qu'il y avait eu 2.600 effectifs supplémentaires pour le renseignement, 8.900 policiers et gendarmes en plus et un milliard d'euros consacré pour améliorer les moyens des forces de sécurité sous le quinquennat de François Hollande.
Les services ont-ils "loupé" Abdelhamid Abaaoud?
Me Eleini, avocat de parties civiles, questionne Bernard Cazeneuve sur un éventuel "loupé" dans le suivi d'Abdelhamid Abaaoud.
"Abdelhamid Abaaoud n'a jamais résidé en France, il a quitté la Belgique en 2013 et il a été identifié en 2015 comme étant à l'origine de la préparation d'attentats potentiellement meurtriers", rappelle l'ancien ministre de l'Intérieur.
Il poursuit alors: "c'est en 2015 qu'il y a une très grande préoccupation sur son rôle, mais les services qui sont sous ma responsabilité n'ont pas vocation à suivre tous les terroristes qui sont sur le territoire d'autres pays."
"Il arrive sur le territoire national la veille, pas 10 jours avant, la veille, tout le reste se passe à l'extéreur", insiste-t-il, "bien entendu c'est une réalité préoccupante qui a eu des conséquences tragiques".
Bernard Cazeneuve assure n'avoir jamais eu d'informations concernant une menace à l'encontre du Bataclan
L'ancien ministre de l'Intérieur est pressé par plusieurs questions concernant des menaces qui pesaient contre le Bataclan avant les attentats. Il est notamment interrogé par Me Ducrocq, l'avovat de Patrick Jardin dont la fille a été tuée le soir du 13-Novembre, qui rappelle que lors de l'audition de Reda Hame qui évoquait à l'été 2015 des menaces contre une salle de rock.
"Il y a beaucoup de salles de spectacles, le Bataclan n'est pas cité", rétorque Bernard Cazeneuve.
Il répète que "si à un moment ou un autre, j'avais eu la moindre alerte, bien entendu des dispositions auraient été prises". "J'aimerai comprendre quelle eut été la logique de laisser de côté des informations fondamentales pour laisser des individus commettre des attentats alors que nous mettions tout en oeuvre pour déjouer ces attaques?", finit-il.
"La relation de confiance" entre Cazeneuve et Molins
Bernard Cazeneuve est interrogé par la cour sur la localisation d'Abdelhamid Abaaoud dans un buisson à Aubervilliers où le terroriste s'est caché pendant plusieurs jours, et le choix de ne pas le neutralier immédiatement. L'ex-ministre rappelle qu'à ce moment-là, "la situation d'Abdelhamid Abaaoud est judiciarisée", l'autorité revient donc à François Molins.
L'ancien locataire de Beauvau en profite pour rappeler "la relation de très grande confiance avec François Molins", une relation étroite dans un climat de confiance exceptionnel".
"Nous étions l'un et l'autre comptable de la protection des Français", assure Bernard Cazeneuve.
"J'ai fait ce que j'ai pu", assure Bernard Cazeneuve
Bernard Cazeneuve a-t-il des regrets par rapport à la gestion de cette crise? "Il ne s'est pas passé un jour depuis les premiers attentats sans que je me suis posé la question de savoir ce que j’aurais du faire et que je n’ai pas fait, cette question me hante", dit l'ex-ministre.
"Je m'interrogerai jusqu'à mon dernier souffle sur ce qui aurait pu être fait", insiste-t-il encore.
L'ancien ministre balais les critiques
Avant que le président de la cour d'assises, le ministère public ou les avocats ne posent des questions, Bernard Cazeneuve balaie une série de critiques adressées aux services de l'Etat.
A commencer par des forces de police qui auraient pu intervenir plus rapidement au Bataclan: "On ne peut pas faire intervenir des forces de police qui n'ont pas été formées, tranche l'ex-ministre. L'intervention pour sauver des otages est difficile et doit être faite par des forces préparées et formées".
Concernant le fait que les forces Sentinelle n'ont pas été sollicitées: "Pour que les Sentinelle puissent utiliser leurs armes dans les conditions de légitime défense, il aurait fallu que les terroristes fussent visibles, tous les éléments disent qu'ils ne l'étaient pas."
Le Bataclan était-il l'objet de menaces? Bernard Cazeneuve n'en a pas eu connaissance. "Je n’ai jamais, et je le dis solennellement, été destinataire d’une note émanant des services m’informant d’une menace présente sur le Bataclan. J'aurais évidemment pris des dispositions."
Et enfin, pourquoi, alors qu'il a été contrôlé par des policiers et des gendarmes sur la route vers la Belgique le 14 novembre 2015 au matin, Salah Abdeslam, n'a-t-il pas été inteprellé: la base de données européenne sur les individus signalés par les différentes polices avait été documentée par des éléments relatifs à des infractions de droit commun, et non terroristes.
Bernard Cazeneuve revient sur le 13 novembre 2015
Bernard Cazeneuve a fait un descriptif très précis et chronologique de la journée du 13 novembre 2015. Ce jour-là, le ministre a participé à une réunion de préparation pour la présentation d'un plan national sur le trafic d'armes dans l'après-midi, puis à une rencontre à l'ambassade d'Allemagne, et enfin une cérémonie de décoration aux collègues de Clarissa Jean-Philippe, tuée à Montrouge par Amedy Coulibaly avant de rentrer à Beauvau.
"Je devais passer la soirée à lire 250 notes" émises par les services du ministre. "Au moment de la pause du dîner que je reçois un coup de fil du président de la République, il est entre 21h20, il me dit 'je viens d'entendre une explosion à l'extérieur du Stade de France, pourriez-vous vous renseigner auprès du préfet de police pour que nous soyons informés de la nature de cette explosion."
Au même moment le préfet l'appelle pour l'informer de cette explosion, "les informations dont nous disposions sont encore confuses", explique Bernard Cazeneuve.
Sur le chemin vers le Stade de France, "le préfet de police m'informe qu'une 2e explosion a eu lieu, que des fusillades ont lieu dans Paris."
"Lorsque j'arrive j'ai la conviction que nous sommes confrontés à une attaque terroriste massive", confie l'ancien ministre, expliquant qu'il n'est pas décidé d'évacuer le stade de France car ils ont "la conviction qu'il n'y a pas de pénétration de terroristes dans le stade de France".
Bernard Cazeneuve est informé en temps réel par le péfet de police. "A ce moment-là, dès lors que nous savons que cette attaque a occasionné un nombre de morts importants, qu'une prise d'otages a lieu, il est décidé que nous ferons intervenir des forces spécialisées à un moment ou à un autre quand les conditions seront réunies."
La priorité du ministre est aussi d'"éviter des sur-attentats, ou que des problèmes se posent pour les services de secours".
"La menace s'intensifiait" en 2015, dit Bernard Cazeneuve
L'ancien ministre de l'Intérieur revient sur l'état de la menace terroriste en 2015. "Lorsque je suis arrivé Place Beauvau en avril 2014, Manuel Valls a évoqué un sujet dont je n'avais pas connaissance", indique Bernard Cazeneuve évoquant "un nombre de plus en plus important de ressortissants français et européens qui partaient sur le théâtre des opérations".
"70% des départs sur zone ont eu à ce moment-là", dit-il.
D'un ton calme et précis, l'ancien ministre énumère de nombreux chiffres. A l'époque, il y avait 300 personnes revenues d'Irak et de Syrie, 700 velléitaires, 141 jihadistes tombés sur zones, et des centaines de jihadistes sur zone.
Un deuxième indicateur révélait une "menace qui s'intensifiait", à savoir "le nombre d'attentats déjoués". Bernard Cazeneuve cite l'arrestation de Tyler Vilus en juillet 2015, celle d'individus prévoyant d'attaquer des militaires à Toulon en octobre 2015, ou encore celle de Reda Kriket en février 2016.
"C'est dire l'ampleur M. le président des questions qui se posaient à nous et le niveau très élevé de la menace."
Bernard Cazeneuve balaie lui-aussi la théorie de la légitime défense, défendue par les terroristes. "La menace s'était exprimée en France et en Europe bien avant que les frappes de la coalition ne commence", plaide l'ancien ministre. En avril 2014 jusqu'aux frappes, le nombre de notes de démantèlement de filières étaient nombreuses".
Bernard Cazeneuve salue la "dignité" des victimes
L'audition de Bernard Cazeneuve a débuté avec une déclaration liminaire de l'ancien ministre de l'Intérieur. Dans ses fonctions, il dit avoir "eu à voir de près le choc occasionné de ces attentats sur les victimes".
"J'ai suivi de près le témoignage des victimes devant votre cour, je suis très impressionné et touché au coeur par la force de ces témoignages, par la violence révélée, et aussi par la dignité des propos qui ont été tenus par la victime".
"Cette dignité nous oblige, m'oblige à être extremement précis et rigoureux", dit encore Bernard Cazeneuve, avant de rendre hommage aux magistrats "qui ont permis que ce procès ait lieu" et aux policiers tués par des teorristes. Il cite alors Ahmed Merabet, Franck Brinsolaro, Jessica Schneider, Jean-Baptiste Salvaing, et Arnaud Beltrame.
Bernard Cazeneuve puis François Molins témoignent ce mercredi
La cour poursuit l'audition des témoins ce 41e jour de procès des attentats du 13-Novembre.
Après François Hollande, président de la République au moment des faits, Bernard Cazeneuve, le ministre de l'Intérieur de l'époque, va témoigner.
A partir de 17 heures, ce devrait être François Molins, le procureur de la République de Paris, qui viendra prendre la parole.
Ces témoignages servent notamment à comprendre l'état de la menace en 2015 et les réponses policières et judiciaires qui y ont été apportées.