Affaire Montigny-lès-Metz: le procès Heaulme renvoyé, et maintenant?

Dossier de l'affaire Montigny-lès-Metz, mardi, dans la salle d'audience de la cour d'assises de Metz. - Crédits photo : nom de l'auteur / SOURCE
Qui a tué Cyril Beining et Alexandre Beckrich, le 28 septembre 1986 à Montigny-lès-Metz? Vingt-huit ans après, au désespoir des familles des victimes, la justice est toujours impuissante à donner une réponse. Mardi, le quatrième procès de ce qui est devenu "l'affaire de Montigny-lès-Metz" a été renvoyé à une date ultérieure.
Le tueur en série Francis Heaulme, dont la présence a été établie sur les lieux et le jour du crime, devait être jugé seul pour ces deux meurtres. Mais au deuxième jour de son procès, un témoignage de dernière minute a mis en cause un homme qui était jusqu'alors simple témoin: Henri Leclaire. La Cour, parce qu'il "pourrait exister des charges contre une autre personne", a donc décidé de renvoyer le procès.
Vers une nouvelle enquête
Après l'audience, les familles des victimes n'ont pas caché leur déception. Jean-Claude Beining, le père du petit Cyril, n'a pas caché sa tristesse: "J'espère qu'on connaîtra la vérité un jour. Mais serai-je encore là pour l'avoir?"
De fait, le cinquième procès dans cette affaire pourrait être reporté à fin 2015 au plus tôt, voire 2016. Car, selon les mots de l'avocat général à l'audience, il existe des "indices graves et concordants" contre Henri Leclaire.
La justice doit désormais se pencher sur le cas de cet homme pour savoir si ces indices débouchent sur des preuves, ou infirmer les soupçons qui pèsent contre lui. En termes de procédure, la cour d'assises invite le parquet de Metz à ouvrir une nouvelle information judiciaire dans cette affaire, cette fois contre Henri Leclaire.
Cela fait, un juge d'instruction sera donc chargé d'enquêter sur l'implication ou non de Henri Leclaire dans l'affaire. S'il estime les charges contre lui suffisantes, le magistrat pourra renvoyer à son tour cet ancien manutentionnaire de 65 ans devant la cour d'assises.
Heaulme reste mis en examen
Pour venir à bout de cette procédure, il faut compter au minimum 18 mois. Et sans doute plus, puisque la justice a tout intérêt à avancer avec prudence: dans ce dossier, une erreur judiciaire a déjà été commise. Patrick Dils, âgé de 16 ans au moment des faits, a passé 15 ans derrière les barreaux avant d'être définitivement blanchi au bout de trois procès. "Puisse une telle catastrophe judiciaire ne jamais se reproduire", a imploré mardi le président des assises, Gabriel Steffanus, au moment de renvoyer le procès.
Francis Heaulme, lui, reste mis en examen: de lourdes charges pèsent toujours sur le "routard du crime", déjà condamné pour neuf meurtres. Mardi, celui-ci a réitéré être passé à Montigny-lès-Metz à deux reprises ce jour-là, et avoir aperçu les deux petits garçons vivants, puis morts. De leur côté, deux pêcheurs affirment avoir croisé Heaulme le visage ensanglanté, peu de temps après le meurtre, à quelques kilomètres du lieu du crime.
Deux accusés dans le box?
Lors du cinquième procès, et si les charges contre eux sont jugées suffisantes, Henri Leclaire et Francis Heaulme pourraient se retrouver dans le même box.
Les enquêteurs doivent donc s'attacher à déterminer si tous deux se connaissaient et s'ils auraient pu agir de concert. Car l'hypothèse de deux tueurs reste vraisemblable. Les enfants ont été tués avec des pierres différentes, et rien ne montre sur leur corps qu'ils se sont débattus, ce qui accréditerait un effet de surprise rendu possible par la présence de deux agresseurs.
Henri Leclaire a cependant toujours nié avoir connu Francis Heaulme, et rien n'est venu prouver l'inverse. Mais les deux hommes travaillaient dans deux entreprises situées à 300 mètres seulement l'une de l'autre, toutes deux à proximité de la scène de crime.
Chronologie d'un marathon judiciaire
• Le 28 septembre 1986, les corps de Cyril Beining et d'Alexandre Beckrich, deux garçons de huit ans, sont découverts à Montigny-lès-Metz, en Moselle, le crâne fracassé à coups de pierres sur un talus SNCF.
• Le 28 avril 1987, Patrick Dils, un adolescent introverti de 16 ans habitant à proximité de l'endroit du crime, est arrêté. Deux jours plus tard, il passe aux aveux. Il est inculpé d'homicides volontaires et écroué. Il se rétractera par la suite.
• Le 27 janvier 1989, Patrick Dils est condamné à la réclusion à perpétuité par la cour d'assises des mineurs de la Moselle. Son pourvoi en cassation sera rejeté.
• Le 24 avril 2002, Patrick Dils est acquitté et libéré après 15 ans de prison. La même année, un rapport d'enquêteurs déclare que le crime de Montigny-lès-Metz porte la "quasi-signature criminelle" de Francis Heaulme.
• En 2006, Francis Heaulme, déjà condamné pour neuf meurtres, est mis en examen dans cette affaire, mais il bénéficie d'un non-lieu l'année suivante faute de preuves suffisantes. Après un appel de ce non-lieu par Gabrielle Beining, la mère de Cyril, il est finalement renvoyé devant les assises de la Moselle le 31 mars 2014.
• Le 1er avril 2014, la cour d'assises de Moselle renvoie le procès à une date inconnue, le président estimant qu'il pouvait "exister des charges à l'encontre d'une autre personne", en l'occurrence Henri Leclaire.