Adama Traoré: la Défenseure des droits demande des "poursuites disciplinaires" contre les gendarmes

Des manifestants portant un portrait d'Adama Traoré - DOMINIQUE FAGET / AFP
La Défenseure des droits a rendu sa décision concernant l'affaire Adama Traoré, ce jeune homme de 24 ans qui est décédé lors de son interpellation en juillet 2016. Claire Hédon relève des "manquements" et a demandé des "poursuites disciplinaires" à l'encontre de quatre gendarmes impliqués dans cette opération.
Adama Traoré, alors âgé de 24 ans, est décédé le 19 juillet 2016, dans la cour de la caserne de gendarmerie de Persan, dans le Val-d'Oise, peu après son arrestation au terme d'une course-poursuite. Sa mort a été présentée par des associations comme un emblème des violences policières.
"Manquement de rigueur"
Si Claire Hédon ne relève pas de "manquements à la déontologie" concernant le motif du contrôle d'Adama Traoré ce jour-là - ce dernier étant à proximité d'une personne recherchée - elle ne remet pas non plus en cause "la proportionnalité de l'usage de la force" lors de la première interpellation. Ainsi, un homme était venu s'interposer lors de ce contrôle. Lui, le gendarme et Adama Traoré étaient tombés au sol. Ce dernier avait alors pris la fuite.
Adama Traoré s'était alors réfugié dans un appartement. Mais le récit de l'unique témoin fluctue. "Claire Hédon considère en revanche qu’elle ne peut se prononcer sur la proportionnalité de l’usage de la force par les gendarmes à l’égard" du jeune homme, est-il précisé dans cette décision. La Défenseure des droits invite toutefois à la diffusion d'une "note" au sein de la gendarmerie sur "les risques de l'immobilisation ventrale".
Claire Hédon estime en revanche que les gendarmes ont fait preuve de "défaut d'attention" après l'interpellation, alors qu'Adama Traoré leur avait dit qu'il avait du mal à respirer. L'adjudant-chef a ensuite "manqué de rigueur et d'objectivité" dans son compte-rendu aux pompiers, omettant de préciser que le jeune homme s'était uriné dessus et laissant entendre qu'il simulait peut-être son malaise.
La famille salue le "courage" de Claire Hédon
Ces manquements ont pu "limiter les moyens mis en œuvre pour préserver la vie", poursuit Claire Hédon, qui reproche aussi aux gendarmes de n'avoir pas démenotté Adama Traoré au moment de le mettre en position latérale de sécurité (PLS) et de ne pas avoir préparé l'arrivée des pompiers. Ceux-ci ont en effet trouvé le portail fermé, puis ont dû faire plusieurs manœuvres pour entrer dans la caserne, retardant leur intervention de une à trois minutes, selon les différentes déclarations.
"Nous saluons le courage et l’honnêteté de cette autorité indépendante", a réagi Yassine Bouzrou, l'avocat de la famille d'Adama Traoré.
"Il s’agit là d’un désaveu d’une violence inouïe à l’égard des juges d’instruction qui sont les seuls au monde à estimer que les gendarmes n’ont commis ni faute ni infraction pénale", poursuit-il. L'instruction sur la mort d'Adama Traoré est terminée depuis l'automne dernier et les parties attendent les réquisitions du parquet et la décision des juges d'instruction sur un éventuel renvoi des gendarmes devant un tribunal.
Une instruction terminée
Cette décision est davantage attendue par les trois gendarmes qui ont été placés sous le statut de témoin assisté dans ce dossier. "Cette décision de la Défenseure des droits reconnaît que sur l'essentiel dans ce dossier, à savoir l'usage légitime de la force, les gendarmes ont réalisé des gestes conformes à ce qui est enseigné", insiste Me Rodolphe Bosselut, qui défend avec Pascal Rouiller et Sandra Chirac-Kollarik, les militaires.
Les observations de la Défenseure des droits portent "que sur la mise en œuvre de la prise en charge médicale". "Les gendarmes ne sont pas médecins", conclut l'avocat.