Charles III de retour aux affaires, huit mois après l'annonce de son cancer

Le roi Charles arrivant à Sydney en Australie le 18 octobre 2024. - Brook Mitchell / POOL / AFP
Une vingtaine d'heure de vol, 10 fuseaux horaires... Le voyage qu'a entrepris Charles III est long et éprouvant pour un roi de 75 ans atteint d'un cancer. Sa visite officielle en Australie, où il vient de mettre le pied, marque un retour aux affaires pour le monarque qui a dû restreindre ses activités depuis l'annonce de son cancer le 5 février dernier.
Pour ce faire, le roi hyperactif a sollicité l'avis de ses médecins pour interrompre son traitement contre le cancer le temps de ce voyage d'une dizaine de jours.
"Le roi a vraiment envie de bouger, il a vraiment envie de remplir son rôle", analyse dans le Podcast royal le journaliste britannique chronique international à France 24 Philip Turle. "Il sait que le temps lui est compté. À 75 ans, c'est un vieux monsieur. Il a envie de laisser une trace".
Lien avec la monarchie britannique
"Il ne veut pas se contenter d'être une sorte de roi intérimaire, attendant en quelque sorte sa propre mort et l'avènement de William", estime auprès de AP Anna Whitelock, professeur d'histoire de la monarchie à la City University de Londres, ajoutant: "Il veut être impliqué dans la marche du monde".
Ce voyage revêt en effet une importance particulière. Le roi, qui va assister dans les îles Samoa au sommet des chefs d'État du Commonwealth, en profite pour se rendre en visite d'État en Australie.

L'Australie est un royaume du Commonwealth, qui a Charles III pour chef de l'État. Tout comme le Canada ou la Nouvelle-Zélande, et au total 14 royaumes en plus du Royaume-Uni. La visite du roi y relance d'ailleurs le débat du lien du pays avec la monarchie britannique.
"C'est important pour Charles de faire ce déplacement pour être vu, montrer que malgré la maladie, il est leur roi et est prêt à faire le voyage pour les saluer en personne".
À la disparition de la reine, la question s'était également posée de la pertinence de rester sous la houlette d'un chef d'État qui vit à l'autre bout du monde. Le gouvernement australien a d'ailleurs remplacé le visage du monarque sur le billet de cinq dollars du pays par un motif autochtone.
36% des Australiens s'identifient toujours comme "Anglais"
Et si en 1999, l'Australie a rejeté par référendum un changement de Constitution pour devenir une République, "c'est une idée qui revient de temps à autres", souligne Philip Turle. Le Premier ministre australien Anthony Albanese a beau lui-même être pour une république, aucune réforme en ce sens n'est à l'ordre du jour.
De récents sondages indiquent que l'opinion publique est assez partagée sur la question. Un tiers des Australiens sont pour le maintien du lien avec la monarchie britannique. Un autre tiers se prononce pour s'en affranchir et un dernier tiers est plus indécis.
À la veille de son arrivée, Charles III a soigneusement contourné la question, déclarant qu'il appartenait au public australien d'en décider.
Son arrivée en Australie se déroule dans une relative indifférence. Cindy McCreery, historienne à l'université de Sydney, estime que le peu d'attention porté à la visite royale s'explique par un contexte d'inquiétudes liées à la guerre, au changement climatique et au coût de la vie. "Nous vivons un moment complexe avec tous les problèmes mondiaux". Il est "naturel de s'attendre à une attitude plus variée face à la monarchie", note-t-elle.
Ce changement de perception de la monarchie est aussi façonné par les évolutions démographiques du pays. Selon le recensement de 2021, environ 36% des 26 millions d'Australiens s'identifient toujours comme "Anglais", le groupe le plus important du pays. Soit une baisse de 10 points par rapport à 1986.
"Lors des précédentes visites royales, les gens avaient peut-être un lien plus fort avec la Grande-Bretagne", souligne Cindy McCreery.
Programme allégé
Il s'agit pour son premier voyage dans le pays en tant que roi de resserrer les liens avec ce pays, qui a vu un souverain britannique pour la dernière fois en 2011, c'était la reine Elizabeth II. Avec ce voyage, Charles "veut faire valoir le lien étroit entre l'Australie et la Grande-Bretagne, un lien qui remonte à des centaines d'années", et prépare aussi le terrain pour son successeur, William, analyse Philip Turle.
"Il est intéressant de voir si ce voyage aura suscité un regain de soutien pour la monarchie britannique".
Le roi voulait à l'origine également se rendre en Nouvelle-Zélande, mais ses médecins ont préconisé d'alléger le programme du monarque et de réduire la durée de ce voyage.
Son périple s'achèvera dans les îles Samoa, à plus de 4.000 kilomètres de l'Australie, avec la participation de Charles au sommet des chefs d'État du Commonwealth, qui se tient tous les deux ans. S'il était présent au Rwanda, en 2022, pour le dernier sommet, il n'était encore que prince de Galles et représentait sa mère, la reine Elizabeth.
"On va découvrir une nouvelle approche. Il est intéressant de voir comment il compte gérer le Commonwealth, comment cela va changer par rapport à l'époque de sa mère."
