"De rockstar à tueur: le cas Cantat": pour les auteurs du documentaire Netflix, "les temps n'ont pas du tout changé"

Le documentaire De rockstar à tueur: le cas Cantat, diffusé sur Netflix depuis 27 mars, revient sur l'affaire, et veut initier une réflexion sur la responsabilité collective de la société dans les féminicides.

On l'a longtemps qualifié de "crime passionnel", de "mort accidentelle". Un documentaire Netflix revient sur la mort de la comédienne Marie Trintignant sous les coups de son compagnon, le musicien Bertrand Cantat, à Vilnius en 2003. Gros travail d'enquête, le documentaire De rockstar à tueur: Le cas Cantat réunit de nombreux protagonistes et témoins de l'époque, en France, mais aussi en Lituanie.

"Il était nécessaire aujourd’hui d’en parler, pour encore interroger les gens et qu’on puisse encore avancer sur le sujet", souligne auprès de BFMTV Nicolas Lartigue, l'un des réalisateurs de la série. Mais si le fil conducteur du documentaire est l'affaire en elle-même, "le but n'est pas juste de raconter l'histoire".

Les auteurs ont en effet voulu "décrypter le traitement médiatique de l’époque, les mentalités de l’époque" et surtout "montrer que cette histoire avait encore toute sa place aujourd’hui". "Parce que c’est une histoire qui est malheureusement encore actuelle", précise Anne-Sophie Jahn, qui a publié Désir noir, sur l'affaire, en 2023, et est co-réalisatrice du documentaire.

Car si aujourd'hui, comme le souligne Anne-Sophie Jahn, "il y a des évolutions" grâce au mouvement #metoo, la vigilance reste de mise.

"C’est dangereux de dire 'c’est l’époque, les temps ont changé'. Mais les temps n‘ont pas du tout changé. Il y a des évolutions, on ne parle plus de ‘crime passionnel’ on parle de féminicide, mais ça ne suffit pas."

"Il est resté une idole, malgré le fait qu’il ait tué une femme"

"Collectivement, en tant que société, on a refusé de voir que cet homme qui était une rockstar idôlatrée, avec une image extrêmement positive, c’était un chanteur engagé, qui luttait pour des causes justes, l’écologie, les sans-papiers, un homme bien, était en réalité un tueur", estime-t-elle.

"Ça a pris des décennies pour accepter ça. Quand il est sorti de prison, il a fait une tournée des zéniths complète, disque de platine. Il est resté une idole, même une icone politique, malgré le fait qu’il ait tué une femme. C’est exactement ce qu’on interroge dans cette série. C’est pourquoi alors qu’il y a des faits irréfutables, extrêmement violents et durs, malgré tout on refuse de la voir, nous tous en tant que société."

Le documentaire qui ne se veut "ni militant ni sensationnaliste", donne la parole à la fois aux proches de Marie Trintignant et à ceux de Bertrand Cantat. "Les gens ne veulent pas parler. Il est encore protégé par ses proches", estiment les auteurs, qui parlent d'une véritable "omerta".

"Une question de vie ou de mort"

En évoquant cette histoire, les auteurs du documentaire veulent "faire avancer beaucoup de choses sur le sujet des violences faites aux femmes". La défense de Bertrand Cantat, qui a rapidement invoqué l'accident, est "restée dans l'imaginaire collectif".

La lecture des commentaires sous la bande annonce de la série le montre. Les gens se déchirent encore sur le sujet, certains parlant d'ailleurs d'acharnement sur Bertrand Cantat.

"Il faut que tous collectivement on redéfinisse l’amour, ce que c’est un homme, la passion, qu’on commence par en parler", avance Anne-Sophie Jahn.

"Si le nombre de féminicides ne baisse pas, c’est aussi parce que les gens ne parlent pas. Les proches, souvent, se disent ‘ce qui se passe à l’intérieur de la chambre à coucher ça ne me regarde pas' et laissent les victimes toute seules. Il y a urgence à parler, à débattre et à changer les choses, c'est une question de vie ou de mort."

"De rockstar à tueur: le cas Cantat", série documentaire en 3 épisodes, réalisée par Anne-Sophie Jahn, Zoé de Bussierre, Karine Dusfour et Nicolas Lartigue. A voir sur Netflix

Magali Rangin et Jean-Marie Marchaut