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La légende du théâtre Peter Brook est morte à 97 ans

La légende du théâtre Peter Brook est morte à 97 ans.

La légende du théâtre Peter Brook est morte à 97 ans. - Lionel Bonaventure - AFP

Il était l'un des metteurs en scène les plus influents du XXe siècle. Le maître de théâtre britannique est mort ce samedi à l'âge de 97 ans, selon son entourage.

Le Britannique Peter Brook, légende du théâtre et un des metteurs en scène les plus influents du XXe siècle, est décédé samedi à l'age de 97 ans, a appris dimanche l'AFP auprès de son entourage, confirmant une information du journal Le Monde.

Le maître aux yeux bleus d'acier, né en Grande-Bretagne dont il avait la nationalité bien qu'il ait mené une grande partie de sa carrière en France, à la tête de son théâtre parisien Les Bouffes du Nord, a réinventé l'art de la scène en dépassant les formes traditionnelles et en revenant aux fondamentaux: un acteur face à son public.

"L'espace vide"

Souvent comparé à Stanislavski (1863-1938) qui avait révolutionné le jeu d'acteur, Peter Brook est le théoricien de "l'espace vide", une sorte de bible pour le monde du théâtre, parue pour la première fois en 1968.

"Je peux prendre n'importe quel espace vide et l'appeler une scène. Quelqu'un traverse cet espace vide pendant que quelqu'un d'autre l'observe, et c'est suffisant pour que l'acte théâtral soit amorcé": ces célèbres premières lignes deviendront un "manifeste" pour un théâtre alternatif et expérimental.

Sa pièce la plus connue est Le Mahabharata, épopée de neuf heures de la mythologie hindoue (1985), adaptée au cinéma en 1989. Il l'a créée en France, où il s'est installé dès le début des années 70 et où il fonde le "Centre international de recherche théâtrale", dans un théâtre à l'italienne sur le point d'être démoli, le Théâtre des Bouffes du Nord.

Période expérimentale

Né à Londres le 21 mars 1925, ce fils d'immigrés lituaniens juifs signe sa première mise en scène à 17 ans.

S'il rêve de cinéma, il se dirige rapidement vers le théâtre. À 20 ans, diplômé d'Oxford, il est déjà metteur en scène professionnel et, deux ans plus tard, ses productions à Stratford-upon-Avon, ville natale de Shakespeare, déchaînent les passions. À 30, il dirige déjà de gros succès à Broadway.

Pour la Royal Shakespeare Company (RSC), il met en scène de nombreux textes du "Barde", qui est pour lui "le filtre par lequel passe l'expérience de la vie". Son Marat/Sade fascine Londres et New York et lui vaut un Tony Award en 1966.

Mais à la fin des années 60, après 40 succès théâtraux dans lesquels il a dirigé les plus grands, de Laurence Olivier à Orson Welles, Brook affirme avoir "épuisé les possibilités du théâtre conventionnel" et entre dans une période expérimentale.

Pour beaucoup, sa surprenante production de "Songe d'une nuit d'été" (1970) pour la RSC dans un gymnase en forme de cube blanc a été un tournant. Elle pousse l'actrice Helen Mirren à abandonner ses débuts de carrière grand public pour rejoindre sa compagnie naissante à Paris où, dès le départ, il aspire à travailler avec des acteurs de différentes cultures.

"Le meilleur metteur en scène que Londres n'a pas"

En quête incessante d'authenticité, il part en Afrique, en Iran ou aux Etats-Unis et y mène des travaux expérimentaux axés sur le "déconditionnement" de l'acteur et le rapport au spectateur.

Il rapporte de ses voyages des spectacles d'anthologie tels que Les Iks (1975), La Conférence des oiseaux (1979) ou Le Mahabharata. Au fil des créations, (Timon d'Athènes (1974), Mesure pour Mesure (1978), La Cerisaie (1981), La Tempête (1990), L'Homme qui (1993), Hamlet (2000) ou 11 and 12 (2009), il se forge un style de plus en plus pur, et dépouillé.

En 1997, lorsqu'il triomphe au Royaume-Uni avec Oh les beaux jours de Samuel Beckett, les critiques le saluent comme "le meilleur metteur en scène que Londres n'a pas". Après une aventure de plus de 35 ans aux Bouffes du Nord, Peter Brook quitte la direction du théâtre en 2010, à 85 ans, tout en continuant d'y monter des mises en scène.

"Toute ma vie, la seule chose qui a compté, et c'est pour cela que je travaille dans le théâtre, c'est ce qui vit directement dans le présent", dit-il alors à l'AFP.

Le charismatique metteur en scène a été ébranlé en 2015 par le décès de son épouse, la comédienne Natasha Parry. "On tente de négocier avec le destin en lui disant: Ramenez-la juste pour 30 secondes..."

Outre des pièces de théâtre, il a mis en scène plusieurs opéras comme La Flûte enchantée et réalisé une douzaine de films dont Moderato Cantabile (1960) et Sa majesté des mouches (1963), tous deux adaptés de romans. Il laisse derrière sa fidèle collaboratrice Marie-Hélène Estienne ainsi que ses deux enfants, le réalisateur Simon Brook et la metteure en scène de théâtre Irina Brook.

C.L avec AFP