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Cinéma

Maroc: le réalisateur de Much Loved surpris par la "violence" des réactions à son film

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Le dernier film de Nabil Ayouch suscite une vive polémique au Maroc. Much Loved y est interdit de diffusion et son équipe est l'objet de menaces de mort. BFMTV a rencontré le réalisateur franco-marocain.

Nabil Ayouch est sans nul doute l'un des réalisateurs marocains les plus respectés à travers le monde. Seulement son dernier film, Much Loved, suscite une vive polémique dans son pays.

Cette œuvre de Nabil Ayouch, qui aborde la prostitution à travers le portrait de quatre femmes, ne devait initialement sortir en salles qu'à l'automne. Mais la publication d'extraits sur Internet, comportant des danses suggestives et des propos à connotation sexuelle, a immédiatement suscité la controverse, dans un pays aux mœurs conservatrices.

Violentes attaques contre l'équipe du film sur les réseaux sociaux et lors d'un sit-in, plainte (sans suite) d'une association locale: Much loved a été vivement pris à partie dans l'opinion, tandis que le gouvernement islamiste décidait d'interdire préventivement sa diffusion, évoquant "un outrage grave aux valeurs morales et à la femme marocaine".

"C'est avant tout un portrait de femmes"

Au milieu de ce tumulte, Nabil Ayouch se défend de tout sensationnalisme, indiquant avoir rencontré près de "200 travailleuses du sexe" pour préparer son film de la manière la plus réaliste.

"Ce n'est pas un film sur la prostitution mais sur quatre femmes qui sont des prostituées", insiste-t-il auprès de BFMTV. "C'est avant tout un portrait de femmes qui raconte le combat et la vie de ces femmes, leur solitude, la souffrance et l'âpreté de leur vie, l'isolement qu'elles vivent (…) alors que paradoxalement elles aident leurs familles".

"Je suis tombé de très très haut"

"Le film n'est pas moralisateur, il ne prend pas partie, il montre. Et montrer aujourd'hui le réel, ça me semble essentiel", explique Nabil Ayouch. Dans son précédent film, Les Chevaux de Dieu, le réalisateur engagé s'était penché sur un autre sujet sensible: le terrorisme.

En s’attaquant cette fois au sujet tabou de la prostitution au Maroc, il se retrouve au cœur de la tourmente. Le réalisateur et ses actrices font en effet l'objet de menaces de mort. Une fausse version du film (à savoir les scènes les plus “dérangeantes” pour les extrémistes marocains: scènes de nus, scènes au langage fleuri, scènes avec de l’alcool) et surtout sorties de leur contexte ont, “fuité” sur Internet avant même la projection du film au Festival de Cannes, en mai.

"Quand j'ai commencé à lire ce qui s'écrivait sur les réseaux sociaux, je suis tombé de très très haut, je voulais que ce film ouvre un débat de société", nous livre Nabil Ayouch(...) "J'imaginais qu'il pouvait y avoir une polémique mais pas qu'elle prenne une telle ampleur et qu'elle soit d'une telle violence".

Depuis quelques jours, c’est l’escalade. Mais le réalisateur compte se battre pour que son film sorte en salles au Maroc. Il espère ainsi être jugé sur son travail et non sur des rumeurs.

Une pétition de soutien au réalisateur a d'ores et déjà été signée par près de 80 cinéastes et producteurs français et européens.

Pour le moment, la sortie du film en France est prévue le 16 septembre.

K. L avec Claire Fleury et Anna Ravix