Paris: une agente RATP risque le licenciement après avoir été droguée à son insu et sexuellement agressée

Le quai de la station Saint-Lazare, sur la ligne 14 du métro parisien. (Photo d'illustration) - François Guillot - AFP
Une salariée de la RATP risque le licenciement après avoir accusé un de ses collègues de l'avoir droguée à son insu et agressée sexuellement en février dernier. Islem témoigne dans les colonnes du Parisien ce mercredi 14 mai, encore secouée par les faits.
Le 9 février, la trentenaire qui travaille au sein de la station de Bercy sur la ligne 14 prend une pause avec deux collègues, un homme et une femme. Le premier lui propose un gâteau maison qu'il présente comme un brownie. Après l'avoir mangé, elle raconte avoir vécu quatre heures de malaises, nausées voire de vomissements et tremblements.
Elle sera alors mise à l'écart par son collègue dans une pièce fermée loin des voyageurs, tandis que sa consœur fait les cent pas non loin. "Quand il me voit il me dit 'mais t'as un super beau cul, tu me l'avais pas dit'", explique-t-elle auprès du Parisien. "Il s'approche, me prend les hanches et se frotte à moi."
Une enquête interne ouverte par la RATP
Le soir, alors qu'Islem est rentrée chez elle, son collègue lui avoue alors au téléphone qu'elle a mangé en réalité un "space cake", soit un gâteau contenant du beurre de cannabis, et la menace pour qu'elle ne révèle par l'incident à leur employeur.
Le lendemain, Islem parle toutefois de l'incident à la RATP mais n'évoque que les faits de drogue et non les faits d'agressions sexuelles. Une enquête interne est ouverte.
Deux mois plus tard, le 15 avril, Islem décide finalement de porter plainte pour agressions sexuelles et en informe immédiatement la RATP. Elle souligne également que l'attitude déplacée de son collègue était de coutume.
Trois jours plus tard, son collègue est licencié pour "faute grave", même chose pour la seconde salariée qui est renvoyée pour "non-assistance à personne en danger". Mais c'est aujourd'hui Islem qui risque à son tour de perdre son emploi.
Car l'enquête interne concernant le gâteau drogué en a conclu qu'Islem était au courant de la composition du brownie avant de le manger sur son lieu de travail, a détaillé la régie parisienne au Parisien: "De tels agissements sont inacceptables."
"On ne me croit pas"
Pourtant, Islem nie en bloc et assure que des témoignages prouvent qu'elle n'était au courant de rien. "Je vais être licenciée parce que j'ai dit la vérité", s'exclamait la jeune femme le 8 mai dernier lors d'une projection du documentaire "RATP: la peur doit changer de camp". "On ne me croit pas."
"J'ai deux enfants. Mon mari est conducteur sur le RER A. Ils nous ont brisés, ils ont brisé une famille. On n'a plus de force."
De plus, selon elle, de nombreux agents de la ligne 14 se sont ligués contre elle, car l'homme mis en cause a dix ans d'ancienneté de plus qu'elle. Une version soutenue par Ahmed Berrahal, référent harcèlement au CSE de la RATP et syndicaliste CGT, qui assure avoir pu consulter un enregistrement audio de l'agent mis en cause, où il avoue avoir drogué Islem et s'en excuser.
L'enquête concernant les faits d'agressions sexuelles est quant à elle encore en cours.
"La RATP n'est pas du côté des victimes!"
Mardi 13 mai, la RATP a demandé sa révocation devant un conseil de discipline. Pour la soutenir, les syndicats ont organisé un rassemblement le même jour. "Ce qui est en train de se passer à la RATP est très grave", avait alors déclaré Anasse Kazib, délégué syndical à Sud Rail. "Au-delà du cas d'Islem, ils profitent d'une forme de résignation qui peut exister au sein de la RATP."
"La RATP n'est pas du côté des victimes!", avait également lancé Ahmed Berrahal. "On te drogue, on te laisse dans une salle pendant plus d'une demi-heure en train de vomir, on l'agresse sexuellement, et elle finit au conseil de discipline", dénonce-t-il.
"Ils veulent camoufler cette agression, nous on sera là pour la dénoncer. (...) La peur doit changer de camp."
"Ce n'est plus les victimes que l'on protège, mais les agresseurs", a insisté à son tour le syndicaliste Anthony lors du rassemblement. Cheminot et agent commercial sur la ligne H, ce militant dit avoir été confronté à une situation similaire à la SNCF.
En effet, début avril, il a été convoqué dans un entretien disciplinaire après avoir soutenu une collègue intérimaire qui avait dénoncé le harcèlement sexuel qu'elle subissait de la part d'un autre agent. Des cas similaires qui participent, selon les syndicalistes, a étouffé les affaires d'agressions et de harcèlement au sein de l'entreprise et poussent inévitablement les victimes à se taire.