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Jeux paralympiques 2024: Paris et la région Île-de-France sont-elles prêtes à relever le défi de l'accessibilité?

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Alors que les JO sont considérés comme un "booster" pour de nombreux aspects économiques et sociaux, la question de l'accessibilité pour les personnes porteuses de handicap(s) est centrale en Île-de-France.

C'est la mi-temps à Paris et en Île-de-France. Non sans une pointe de nostalgie, le premier chapitre olympique de ces Jeux à la sauce tricolore s'est clos dimanche 11 août, laissant place à une courte pause d'un peu moins de deux semaines.

Les Jeux Paralympiques marqueront une nouvelle fois l'opportunité de porter les valeurs d'inclusion et d'accessibilité de la société pour les porteurs et porteuses de handicap. Qui plus est au sortir des Jeux olympiques de Paris, qui ont vu émerger de nombreuses éloges… et des critiques.

Des Jeux "fantastiques" dans un environnement pourtant difficile

Lors de ces JO 2024, où près de 350.000 spectateurs porteurs de handicap sont accueillis, les retour d'expériences d'usagers sur les réseaux sociaux permettent déjà de prendre la température. À l'instar des publications de Martin Petit, un créateur de contenus suivi par plus de 100.000 personnes sur Instagram.

Porteur de la flamme olympique le 23 mai dernier en Aquitaine, celui qui est devenu tétraplégique à l'âge de 25 ans en se tapant la tête lors d'un plongeon, ne voulait pas manquer l'occasion unique d'assister aux Jeux.

Stade de France, Bercy, Tour Eiffel… une place perfectible pour les PMR

En ville, Martin se déplace avec une "trottinette", une sorte de scooter électrique à trois roues adaptée à sa tétraplégie partielle. S'il se réjouit d'une "ambiance hyper festive, conviviale, solidaire, fantastique", Martin regrette d'avoir été confronté à des situations difficiles lors des Jeux. Premier exemple au Stade de France.

L'accès à l'arène dyonisienne ne semble pas avoir été un problème, des dispositifs ayant été mis en place pour différents handicaps. C'est à l'intérieur du stade que l'expérience n'a pas été optimale. Placés au premier étage, certains PMR comme Martin ont été dirigés vers la barrière située au-dessus des premiers sièges en tribune. Résultat, "dès que les gens se lèvent, notamment quand les athlètes arrivent sur la ligne d'arrivée, je ne vois plus rien".

Sur d'autres sites comme le stade Tour Eiffel, où se tenait le tournoi de volleyball de plage, ou encore l'arena de Bercy, théâtre récent des épreuves finales de basket, Martin reste très majoritairement satisfait de son expérience, même s'il a à plusieurs reprises eu la vision obstruée par des spectateurs qui se levaient devant lui.

"Mais tu n'as pas envie de gâcher la fête non plus pour ces gens-là. Ils ont payé leur place, ils sont en finale… C'est ça aussi le discours qu'il faut avoir, ne pas être dans le truc vindicatif et l'animosité tout de suite, même si émotionnellement des fois il y a des choses qui me coûtent", admet Martin Petit.

À Paris, des investissements... et un chemin encore long

En dehors des sites olympiques, c'est aussi la capitale et sa région qui sont scrutées pour leur accessibilité. En ce sens, les autorités compétentes ont mis un coup de boost sur les investissements et les travaux destinés à faire progresser l'accessibilité des commodités. A la mairie de Paris, l'initiative fait partie du plan "Transformations olympiques".

Sur la thématique unique de l'accessibilité, lors d'une présentation à la presse de la mairie de Paris en compagnie, notamment, du président du Comité international paralympique (CIP), Andrew Parsons, Lamia El Aaraje, adjointe à la maire en charge de l’accessibilité universelle et des personnes en situation de handicap, a précisé que 125 millions d'euros avaient été posés sur la table pour l'accessibilité de la capitale.

"Il faut veiller à ce que, pour les Parisiens et les Français, l’accessibilité et l’inclusion soient au premier plan. Il reste difficile de remédier aux lacunes en sept ans. Mais je suis impressionné de ce que vous avez fait. Tout n’a pas été comblé, mais vous avancez", s'est félicité Andrew Parsons lors de ce brief.

17 quartiers ont été ciblés pour devenir "hyper accessibles", c'est-à-dire qu'ils "permettront aux personnes en situation de handicap d'accéder à l'ensemble des services et fonctionnalités utiles: hébergements, commerces, écoles, services publics, espaces culturels et sportifs". Des aides en tous genres ont petit à petit été déployées dans la capitale, à l'instar de boîtiers sonores disposés près des passages piétons faisant des annonces en français et de plus en plus en anglais.

Reste la question de la mobilité dans les rues parisiennes, indissociable de celle des transports, par exemple mise à mal lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux, où de nombreux grillages apposés sur les trottoirs ont causé du trouble aux personnes à la mobilité réduite.

Les progrès remarqués des lignes de bus

Pour ce qui est des transports, le bilan est, là encore, contrasté. Pour les bus, la mairie de Paris assure avoir rendu accessibles 100% des lignes, le chiffre est à nuancer: ce sont en réalité 91% des stations de bus, selon une enquête de nos confrères de Franceinfo, qui détiennent les dispositions nécessaires à l'accueil de personnes handicapées. Pour qu'une ligne soit considérée accessible, la loi stipule que 70% des stations qui la compose doivent être aux normes d'accessibilité.

Interrogée sur la question, Île-de-France Mobilités, par la voix de son administrateur Pierre Deniziot, explique à BFMTV.com qu'il "n'y a pas d'objectif de 100% des stations de bus accessibles, tout simplement car ce n'est pas réalisable". Le bus est notamment dans le viseur de tous les acteurs du sujet puisqu'il représente l'un de moyens les plus efficaces pour transporter les personnes porteuses d'un handicap touchant la motricité, la vision, ect. Et comme souligné par beaucoup, comme Stéphanie Xeuxet, fondatrice et directrice générale d'Action Handicap France, la situation est certes bien meilleure depuis une poignée d'années… mais les couacs existent encore.

"Il y a par exemple le chauffeur de bus qui parfois ne va pas vouloir descendre la rampe à tel endroit (...). Sur certaines lignes, on met deux fois plus de temps que si l'on était en métro, et certains de mes collègues du coup anticipent deux, voire trois heures avant d'arriver sur site", explique Stéphanie Xeuxet.

Aux yeux de Pierre Deniziot, il y a donc "encore du travail à faire en Île-de-France sur l'accessibilité des lignes de bus au global, puisque là on est à 540 lignes accessibles et la cible est de 900 lignes".

La maintenance, aspect primordial du progrès

Au-delà des lignes de bus, Stéphanie Xeuxet rappelle que plusieurs autres points nécessiteraient une attention particulière des autorités compétentes, comme l'entretien des dispositifs élévateurs installés dans les gares franciliennes. Tout en louant une "prise de conscience politique", Stéphanie Xeuxet déplore qu'il n'y ait parfois "pas de ligne budgétaire pour la maintenance" d'un système d'élévateur proposé pour les PMR.

"Je pense par exemple au Panthéon où ils ont mis une rampe temporaire… mais ça fait trois ans qu'elle est temporaire. On n'a pas pensé qu'elle pourrait rester là tout le temps", souligne-t-elle.

Une autre priorité est là encore partagée par le conseiller régional délégué chargé du handicap Pierre Deniziot. "C'est quelque chose de très frustrant lorsqu'on a mis 11 millions d'euros sur la mise en accessibilité d'une gare (...) et que la chaîne de déplacement est rompue parce qu'il y a par exemple un ascenseur, qui va sur un quai, être en panne. On a tout à fait conscience de l'importance d'avoir une maintenance qui soit plus précise, plus rapide, plus réactive sur les équipements d'accessibilité (...) il faut qu'on soit au niveau", analyse Pierre Deniziot.

Et c'est notamment dans le métro que cet aspect de maintenance des équipements s'observe, dans ce qui est le point le plus difficile d'adaptation aux différentes problématiques de mobilité.

Le métro, point noir de la thématique

Le réseau du métro est le plus compliqué à mettre en conformité, celui-ci se situant par endroit dans des zones exigües, sans véritable marge de manœuvre pour construire entre autres des ascenseurs.

Dans les faits, ce sont seulement 6% des stations de métro qui sont considérées comme pleinement accessibles, et 3% comme partiellement accessibles, selon les données d'IDFM collectées par Franceinfo. Alors, là encore, tandis que des lignes comme la 14 peuvent servir de porte étendard, un énorme travail reste à accomplir pour augmenter ces faibles pourcentages. Selon Lamia El Aaraje, comme pour Pierre Deniziot, il est clairement impensable de rendre toutes les stations de métro accessibles.

Du côté de l'adjointe à la mairie de Paris, l'objectif pourrait plutôt se diriger vers, à terme, un objectif de cinq à six lignes à prioriser pour mettre les stations aux normes. "Un plaidoyer que nous porterons dans l'héritage post-Jeux olympiques", assure-t-elle.

Du côté d'Ile-de-France Mobilités, tout en continuant de souligner le travail opéré jusqu'ici sur la formation du personnel, ainsi que l'attachement de Jean Castex et de Valérie Pécresse au sujet, on reconnaît qu'avec 29 stations sur 303 accessibles, "c'est peu".

Mais "on a les 68 gares accessibles du Grand Paris Express qui vont arriver et être une révolution pour les Franciliens en fauteuil roulant, à l'horizon 2030", rappelle Pierre Deniziot. Globalement, "les associations spécialisées sur le handicap savent qu'on ne peut pas mettre le réseau 100% accessible, mais elles ne veulent pas qu'on reste en l'état et elles ont raison".

Et d'assurer que la région a "tendu la main et à l'Etat, et à la mairie de Paris en disant: on met chacun un euro, on finance tous au tiers". Malheureusement selon Pierre Deniziot, sur l'exemple de la ligne 6, dont la mise en conformité reviendrait aux environs d'un milliard d'euros, les projets ont été soumis par l'instance régionale à l'Etat et à la mairie de Paris… mais le tout est resté sans réponse.

Alexis Lalemant Journaliste