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Paris Île-de-France

"J'ai craint pour ma vie": Pierre Botton dénonce les conditions de détention du quartier "VIP" de la prison de la Santé

La prison de la Santé, le 10 septembre 2014 à Paris

La prison de la Santé, le 10 septembre 2014 à Paris - Joël SAGET © 2019 AFP

L'ancien homme d'affaires a constaté l'évolution des conditions de détention dans cette maison d'arrêt parisienne après y avoir été incarcéré à deux reprises, à 25 ans d'intervalles.

"Il y a vingt-cinq ans, je ne m’étais jamais senti en danger. Cette fois, j’ai craint pour ma vie à plusieurs reprises". Libéré de la prison de la Santé en juin dernier, l'ancien homme d'affaires Pierre Botton a raconté les conditions de vie des détenus dans cet établissement du 14e arrondissement de Paris dans un entretien accordé au Parisien.

Après avoir été condamné en 1996 à cinq ans de prison dont 18 mois avec sursis pour abus de bien sociaux, Pierre Botton a récidivé en détournant les dons adressés à son association d'aides aux détenus et a écopé d'une nouvelle peine de prison en 2020. L'homme a ainsi pu constater l'évolution du quartier bas numéro 4, réservé aux détenus vulnérables, ou parfois appelés "VIP".

Une "ultra-violence" "permanente et palpable"

Si Pierre Botton reconnaît avoir vu lors de son dernier séjour une certaine entraide se développer avec ses co-détenus, il raconte aussi avoir constaté "une ultra-violence qui règne", "permanente et palpable".

"Il y a vingt-cinq ans, je n’avais jamais assisté à des bagarres. Là, je les ai eues à un mètre. Ma cellule donnait sur la cour du QB1 (quartier bas n° 1). Les bagarres, c’est deux à trois fois par semaine", déplore Pierre Botton auprès du journal.

Il raconte aussi avoir été menacé par des détenus après s'être plaint d'un appel à la prière diffusé dans l'un des hauts parleur de la prison à 4h30 du matin.

"Le personnel pénitentiaire est totalement désemparé"

Pour expliquer ces situations, Pierre Botton pointe le manque de surveillants et leur "désemparement".

"Le personnel pénitentiaire est totalement désemparé, pris en étau entre des procédures inapplicables et des directeurs bardés de diplômes mais ne connaissant pas le terrain. Il y a des mesures qu’on peut appliquer à quelqu’un comme moi, qui n’est pas dangereux. [...] En revanche, d’autres détenus connaissent du monde à l’extérieur, et font comprendre aux agents qu’ils peuvent menacer leur famille, les faire suivre ou brûler leur voiture. Imaginez ce qui pèse sur eux."

Pour cette raison, il existe selon lui un fort taux d'absentéisme parmi les surveillants. Un fait qu'il "comprend" car "il faut être fou pour faire ce métier aujourd'hui", ajoute-t-il.

Et ce manque de surveillants entraîne des restrictions de déplacements pour les détenus, et notamment l'accès aux parloirs et aux activités, des moments dont ils ont pourtant "besoin pour tenir".

"Si vous restez 22 heures/24 en cellule, vous devenez dingue, envers tout et tout le monde, envers votre propre famille, envers vos proches. Moi-même, à un moment, j’en avais tellement marre que je pouvais péter les plombs."

"Il y a toujours des cafards et des coupures d'eau"

Hormi la violence des détenus et le manque de personnel, Pierre Botton déplore aussi l'état des cellules, malgré la rénovation de la prison.

"La Santé a beau être rénovée, il y a toujours des cafards, et des coupures d’eau ou d’électricité permanentes" assure-t-il.

L'isolement des cellules laisse aussi à désirer puisque l'été "c'est une telle fournaise que vous êtes obligé de laisser la fenêtre ouverte".

"Il y avait tellement de fumeurs de cannabis autour de moi que les effluves rentraient dans ma cellule et finissaient par me tourner la tête", se souvient l'ancien homme d'affaires.

164% de densité carcérale

La prison de la Santé connaît une forte surpopulation. 1160 détenus y sont incarcérés, pour seulement 707 places, soit un taux de 164%, selon les chiffres donnés par le procureur général de Paris Rémy Heitz ce jeudi.

Mais pour Pierre Botton, "le problème n'est pas la surpopulation, le problème c'est l'oisiveté" et appelle à "ouvrir le débat du travail en détention" pour permettre la réinsertion de certains détenus.

Emilie Roussey