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Paris Île-de-France

Ile-de-France: la RATP à la recherche de 1800 chauffeurs de bus

Bus de la RATP, à Paris.

Bus de la RATP, à Paris. - -

Cet été, de nombreux usagers des bus franciliens ont constaté des temps d'attente très longs à certains arrêts, excèdant parfois les 30 minutes.

"On croirait que 91, 46, c'est le numéro des bus. En réalité, non!" s'exclame un usager de banlieue parisienne sur Twitter. Il s'agit des temps d'attente affichés à la mi-journée à un arrêt de bus, désespérément longs cet été dans la région parisienne.

"On en a marre d'attendre"

Au hasard dans les rues de Paris jeudi soir, il fallait attendre 29 minutes pour prendre le bus 95 - pourtant une ligne importante -au Louvre, et 42 minutes pour le suivant. Sachant que le précédent était déjà visiblement passé depuis un certain temps. La fiche horaire indique pourtant un intervalle de huit à 12 minutes.

Même constat dans le Val-de-Marne, à Maisons-Alfort, où des utilisateurs ont constaté eux aussi des durées d'attente supérieures à 30 minutes. Les retards sont fréquents, ce qui agace de plus en plus fortement les usagers.

"On en a marre d'attendre ce bus. Moi je travaille, à chaque fois que je viens, le bus il est imprévisible. Il n'est jamais à l'heure", fustige d'un ton amer l'un de ces utilisateurs au micro de BFM Paris-Ile-de-France.

"Prendre un bus sans attente excessive relève de plus en plus de l'exploit", a déploré l'association d'usagers FNAUT Ile-de-France, tandis que son homologue Plus de trains, sortant de son domaine ferroviaire habituel, a dénoncé des temps d'attente "lunaires".

Une pénurie de personnel

"On est dans une situation particulièrement difficile qui est liée à la pénurie de personnel" chez les opérateurs, observe Laurent Probst, le directeur général d'Ile-de-France Mobilités (IDFM).

"Ce qui était alarmant en mai-juin devient très préoccupant en juillet-août", déplore-t-il.

C'est surtout la RATP, exploitant des bus au coeur de l'agglomération, qui est concernée. Quelque 1.800 postes de chauffeurs de bus sont actuellement à pourvoir en Ile-de-France, sur 30.000 emplois sur les lignes régulières (18.000 à la RATP et 12.000 en grande couronne), note M. Probst.

La RATP s'explique

Contactée par l'AFP, la Régie met d'abord en avant l'allègement de l'offre, définie par IDFM, pendant l'été pour expliquer les temps d'attente rencontrés ces dernières semaines. Elle évoque aussi l'impact des nombreux travaux de voirie, qui peuvent rallonger les parcours des bus.

Autre explication liée à la chaleur cette année: "Le temps de pause des conducteurs de bus a été adapté entre deux départs afin de leur permettre de se rafraîchir et s'hydrater, conformément aux recommandations sanitaires", ce qui n'avait pas été prévu... et n'a visiblement pas été corrigé puisque la RATP indique que "ces mesures peuvent ponctuellement diminuer l'offre offerte aux voyageurs".

Enfin, la RATP dit faire face à "des difficultés de recrutement inédites de conducteurs de bus".

"L'ensemble de ces raisons, pouvant se cumuler sur certaines lignes, peuvent générer des difficultés d'exploitation", conclut pudiquement son argumentaire.

"La priorité de la RATP pour cette rentrée est d'assurer un service de qualité", assure-t-elle, prévoyant une amélioration "d'ici le 1er septembre", jour de la rentrée des classes.

"C'est une vraie problématique qui nous inquiète", souligne Laurent Probst chez IDFM. Les opérateurs ont commencé à manquer de conducteurs pendant la crise sanitaire de Covid-19 pour cause d'arrêts maladie, et la situation ne s'est pas améliorée depuis, dit-il. "En juillet-août, ça a explosé, et ça a entraîné des suppression de courses, voire des interruptions temporaires de lignes entières."

Le manque d'effectifs a fait fondre les réserves de conducteurs, rendant plus sensible le moindre aléa, dès que quelqu'un est malade par exemple.

Du pessimisme pour la suite

Les désordres actuels s'expliquent aussi par la récente remise à plat des conditions de travail chez les conducteurs de bus à la RATP, qui a démotivé les troupes, selon Arole Lamasse, secrétaire général de l'UNSA-RATP.

"Aujourd'hui, j'ai des amis qui ne viennent plus au travail. Il y a des bus qui sont abandonnés au terminus. il y a des salariés qui ont décidé de démissionner, j'ai des potes qui sont allés faire les betteraves", raconte-t-il.

Comme ailleurs en France, les opérateurs (RATP, Transdev et Keolis, surtout) cherchent à recruter, et le font savoir, primes de cooptation et financement des formations à l'appui.

"Aujourd'hui, ils ne sont pas très optimistes", constate Laurent Probst. Contacté par BFM Paris-Ile-de-France Arole Lamasse estime lui aussi que le "phénomène va s'amplifier".

"Malheureusement, les queues que nous observons sur les trottoirs et les amplitudes entre les bus vont s'accentuer et la situation va être de plus en plus difficile", prévoit le syndicaliste.

Un manque d'attractivité

Le métier subit un manque d'attractivité notamment chez les jeunes. Selon l'Unsa, le salaire net pour les chauffeurs arrivant dans le métier se situe à hauteur de 1400 euros tandis que le nombre de jours de repos est en baisse.

Les horaires décalés peuvent également désinciter de potentielles recrues tandis que la crainte de la privatisation et ses conséquences ne facilite pas le recrutement.

"Il faut vraiment que l'ensemble des opérateurs se mobilisent pour que ce manque de conducteurs impacte le moins possible la régularité des lignes, qu'il y ait au moins 90% du service. C'est un problème de ressources humaines!", insiste le directeur général d'IDFM.

D'après les syndicats, 850 services ne sont pas assurés à l'heure actuelle mais ce nombre pourrait encore augmenter prochainement.

Gauthier Hartmann avec AFP