Vote de confiance au Royaume-Uni: une victoire au goût très amer pour Boris Johnson

Boris Johnson le 25 mai 2022 suite à la publication du rapport de Sue Gray. - LEON NEAL / POOL / AFP
Les 359 députés conservateurs britanniques étaient appelés à s'exprimer lundi à l'occasion d'un scrutin interne. Ils devaient trancher le sort politique de Boris Johnson, englué depuis de longs mois dans le scandale dit du "partygate", déclenché par l'organisation de fêtes au 10, Downing Street en pleine période de confinement anti-Covid. Par 211 voix pour, et 148 voix contre, les parlementaires tories ont choisi de maintenir leur confiance à Boris Johnson qui peut donc conserver son poste de Premier ministre.
Mais le chef du gouvernement sort affaibli de cette épreuve qui aura donc vu 41% des membres de sa majorité lui tourner le dos, un pourcentage d'autant plus important que la consultation s'effectuait à bulletin secret. Au point que son avenir à moyen terme paraît désormais bouché, comme sa capacité à continuer de diriger l'exécutif.
Johnson étrillé dans la presse
Dans la foulée du vote pourtant, constatant que le quorum de 180 députés réclamant son départ n'était pas atteint, Boris Johnson s'est félicité d'un "résultat convaincant", poussant tout un chacun à "passer à autre chose".
Qu'on se le dise donc: Boris Johnson est pressé de tourner la page... Et on le comprend au vu des unes des quotidiens britanniques au lendemain de ce succès à la Pyrrhus. En première page, le Times le dépeint ainsi en "vainqueur blessé". Plus factuel encore, le Daily Telegraph a titré sur une "victoire en trompe-l'oeil qui déchire les conservateurs". Le Guardian a quant à lui déploré: "Le Premier ministre s'accroche au pouvoir après un vote humiliant". Le Daily Express a avancé pour sa part: "Méfiant et indocile... Boris: 'Je mènerai le Parti à la victoire".
D'autres ont tenté le jeu de mots. Ainsi, le Daily Mirror a bombardé en capitales: "Party's over, Boris", formule qu'on peut traduire par "Le Parti, c'est fini, Boris" ou "La fête est finie, Boris". Même idée ou presque du côté du Daily Mail: "Boris jure: 'Ça se fête!'".
"Le début de la fin"
La presse peut bien l'accabler: Boris Johnson est en principe tranquille pour l'année à venir. En effet, la règle en vigueur interdit à une formation d'organiser une seconde motion de défiance avant un an en cas de rejet de la première. Un membre du gouvernement, cité par le Guardian, a d'ailleurs taclé les opposants à Boris Johnson au sein de sa famille politique: "Une victoire est une victoire. Soit ils changent les règles, soit ils la ferment".
Mais il est des réalités politiques qu'un texte officiel ne suffit pas à évacuer. Ainsi, en décembre 2019, les Tories avaient renouvelé leur confiance à Theresa May... mais celle-ci avait cependant dû jeter l'éponge en mai suivant, décision ouvrant d'ailleurs la voie du pouvoir à "BoJo". Et avec 63% des suffrages en sa faveur, Theresa May avait même recueilli un plus grand capital que son successeur auprès des parlementaires.
Forts de ce précédent, les détracteurs conservateurs du Premier ministre ont prédit une trajectoire très sombre à l'ex-maire de Londres. Ces deux témoignages de députés relayés dans les médias sont particulièrement éloquents. "C'est le début de la fin", juge l'un. "Boris Johnson se survit", enterre l'autre.
Des assurances-vie fragiles
Au fond, l'intéressé ne dispose que de deux assurances-vie et aucune n'est franchement réjouissante. D'une part, l'opposition travailliste n'est pas la plus déterminée à l'évincer pour le moment. Alors que les Tories ont été défaits lors de récentes élections partielles et locales, le Labour se voit bien attendre les prochaines élections générales - qui doivent se tenir d'ici au 24 janvier 2025 - histoire de laisser ses adversaires s'enfoncer chaque mois un peu plus, et s'assurer un triomphe.
D'autre part, les "camarades" de Boris Johnson ne savent pas à quel saint se vouer, ou plutôt par quelle personnalité le remplacer. Dans un réflexe tout britannique, The Independent s'en est remis aux bookmakers pour jauger les cotes des candidats potentiels à la fonction de chef du gouvernement. Un palmarès dans lequel le ministre de la Défense Ben Wallace, et le député et vétéran de l'armée, Tom Tugendhat, ont dernièrement fait leur trou, à l'occasion du contexte ouvert par la guerre en Ukraine. Liz Truss, qui dirige la politique étrangère du Royaume-Uni, bénéficie des mêmes circonstances.
Mais l'étoile du Chancelier de l'Echiquier - équivalent de notre ministre des Finances - Rishi Sunak, qui a longtemps fait figure de dauphin, a nettement pâli en revanche, en raison de son implication, et de celle de sa famille, dans un scandale fiscal.
Incendie aux Communes
On pourrait par conséquent imaginer Boris Johnson poursuivre à son poste par défaut, dans une longue agonie politique. Sauf qu'un incendie menace sur un autre front.
Le Premier ministre est actuellement sous le coup d'une enquête parlementaire qui vise à établir s'il a, ou non, menti devant la Chambre des Communes lorsqu'il a assuré ne pas avoir enfreint personnellement les mesures de lutte contre le Covid-19. Ces travaux doivent aboutir à l'automne. Si le mensonge éventuel était avéré, c'est simple, il n'aurait alors plus d'autre choix que de démissionner.
