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Près de la moitié des détenus suivis par une étude américaine ont assisté à un meurtre dans l'enfance

Entrée d'une prison américaine. (Photo d'illustration)

Entrée d'une prison américaine. (Photo d'illustration) - Jose CABEZAS / AFP

Une étude réalisée auprès d'anciens détenus dans un État du Massachusetts montre qu'une proportion conséquente d'entre eux avaient au préalable assisté à un meurtre dans leur enfance.

C'est une étude qui tend à rebattre les cartes ou plutôt à façonner un autre regard sur le milieu carcéral et les raisons pour lesquelles un individu peut se retrouver derrière les barreaux, signalée ici par le New York Times. Les conclusions d'une enquête conduite par des chercheurs aux Etats-Unis auprès d'un panel de 122 hommes et femmes, ancien détenus à peine libérés du système pénitentiaire du Massachusetts, ont montré que près de la moitié de ces derniers avaient assisté dans leur enfance à un meurtre, avant de commettre eux-mêmes un crime ou un délit assez grave pour les envoyer en prison. 

Ces chercheurs affiliés à la Boston Reentry Study (Etude pour la Réinsertion à Boston, en français) avaient noté que les souvenirs de scènes violentes, parfois de meurtres, revenaient souvent dans la bouche de ces anciens incarcérés retrouvant à peine la société et l'air libre. Ils ont fini par en faire une question à part entière du questionnaire proposé aux personnes suivies: "Avez-vous vu, enfant, quelqu'un se faire tuer?" Ils sont 42% à avoir répondu "oui".

Le sociologue de l'université Harvard, Bruce Western, a tiré un livre intitulé Homeward (que l'on pourrait traduire par Le bercail) de ces recherches. Il a évoqué sa surprise auprès du quotidien new-yorkais: "Je n'ai jamais vu personne se faire tuer. J'ai 54 ans, et je ne pense pas que ça m'arrivera un jour. Et il s'avère que c'était incroyablement commun dans la vie des participants auxquels nous avons parlé". Il a d'ailleurs observé que parmi ces nombreux "oui", on trouvait plusieurs personnes ayant assisté à plus d'un meurtre. 

Le plus grand des traumatismes

Ce constat édifiant tend à remettre en cause voire à estomper, selon les chercheurs, la frontière sur laquelle le système judiciaire donne l'impression d'être fondé, la dichotomie victimes/agresseurs. Les scientifiques à l'origine de l'étude mettent à nouveau en évidence les fléaux qui frappent de préférence les individus ayant connu des traumatismes durant leur enfance: l'asthme, la dépression, le chômage, l'addiction aux drogues. Et le risque augmente suivant l'importance des chocs infantiles. Il semble cependant qu'aucun traumatisme n'altère davantage la vie des personnes que le fait d'avoir assisté à un meurtre ou à un assassinat, selon les résultats de l'étude. 

Bruce Western s'appuie sur celle-ci pour lancer un plaidoyer. Il faudrait selon lui tenir compte des réminiscences de ces spectacles mortifères, qui surgissent le plus souvent dans des milieux modestes, lors des procès, de la même manière que les tribunaux prennent parfois en compte l'exemplarité d'un parcours de vie ou les promesses de l'avenir au moment de juger un accusé jusque-là inconnu de la justice.

Robin Verner