Mexique: après l'assassinat de plusieurs journalistes, un quotidien contraint de fermer

En 2016, neuf journalistes ont été assassinés au Mexique. (Photo d'illustration) - AFP
Au Mexique, la liberté de la presse est en danger. "Aujourd'hui, cher lecteur, je vous informe que j'ai décidé de fermer ce journal, car la garantie de notre sécurité pour continuer le journalisme n'existe plus", écrit le 2 avril Oscar Cantú Murguía, rédacteur en chef du quotidien régional Norte, rapporte le New York Times. Le journal existait depuis 27 ans.
Trois journalistes ont été assassinés dans le pays au mois de mars: Miroslava Breach Velducea, correspondante au quotidien national La Jornada, a été assassinée de trois balles dans la tête, à son domicile. A côté de son cadavre, un mot a été déposé: "Pour ta langue pendue", précise Le Monde. Il s'agit de la 103e journaliste assassinée dans ce pays d'Amérique latine depuis l'an 2000. Ricardo Monlui Cabrera, également journaliste, a été tué le 19 mars alors qu'il sortait d'un restaurant avec sa femme et son fils. Cecilio Pineda, 38 ans, directeur de La Voz de Tierra Caliente, a lui aussi été tué en plein jour. Leur point commun: ils enquêtaient sur la corruption politique et les cartels de drogue.
"Dans la vie, tout a un début et une fin, un prix à payer poursuit le rédacteur en chef de Norte. Si la vie est faite ainsi, je ne suis pas prêt qu'un de mes collaborateurs en paie le prix, et je ne le suis pas non plus".
Le Mexique, troisième pays le plus meurtrier pour la profession
Selon un rapport de Reporters sans frontières, le Mexique est le troisième pays au monde le plus meurtrier pour la profession, après la Syrie et l'Afghanistan.
"Les cartels criminels, au premier rang desquels Los Zetas, font régner la terreur dans les États du nord-est et du Golfe du Mexique pour dissuader quiconque de se pencher sur leurs affaires, multipliant séquestrations et actes barbares. Ils ciblent les journalistes tandis que les autorités policières et judiciaires, largement corrompues, ferment les yeux", précise le rapport.
Le Mexique connaît "une crise profonde de la liberté d'expression, analyse Carlos Lauría, directeur du Commitee to Protect Journalists (CPJ). Il y a un climat de violence grandissant et un terrible bilan d'impunité. Les journalistes sont terrifiés d'aller travailler", explique-t-il au New York Times.
En outre, la presse mexicaine doit également faire face à une importante pression financière. Dans une interview, Jesús Salas, reporter au quotidien Norte, affirmait lundi que les éditeurs avaient décidé de fermer la version papier du journal. Selon lui, les difficultés financières, les relations tendues avec les autorités et la vague de violence contre les journalistes en sont la cause.
Les journalistes mexicains manifestent
Le 25 mars, de nombreux journalistes se sont rassemblés à Mexico et dans plusieurs villes du pays, pour protester contre cette violence. "On ne tue pas la vérité en tuant les journalistes!" scandaient-ils, en réaction à l'assassinat de leur consoeur.
Un hashtag a même été lancé sur les réseaux sociaux ("#YaBastadeBalas", "il y en a assez des balles", ndlr). Amnesty International a décidé de réagir, dans un communiqué:
"La profession de journaliste ne devrait pas être mortellement dangereuse. Au lieu de détourner les yeux et de ne tenir aucun compte de ce bain de sang, les autorités devraient prendre des mesures concrètes pour protéger les journalistes et tous ceux qui osent parler des maux dont souffre le pays. Cette mort tragique doit faire sans délai l’objet d’une enquête, et les responsables présumés doivent être déférés à la justice".