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Le parti de Vladimir Poutine essuie plusieurs défaites consécutives en Russie

Vladimir Poutine a fait face à une fronde inhabituelle lors de son projet de réforme des retraites.

Vladimir Poutine a fait face à une fronde inhabituelle lors de son projet de réforme des retraites. - Armend NIMANI / AFP

Deux gouverneurs sortants affiliés à "Russie unie" ont déjà perdu leur poste aux dernières élections en ce mois de septembre, et le parti présidentiel devrait voir s'échapper encore deux régions dans les semaines à venir. La protestation s'empare d'une part de l'opinion en Russie, sur fond de contestation du relèvement de l'âge de départ en retraite.

Réélu à la tête de l'Etat il y a six mois, Vladimir Poutine est toujours prophète en son pays mais il ne l'est plus forcément dans ses régions. Si la Russie n'est plus une union soviétique englobant jusqu'aux pays baltes et au Kazakhstan entre autres, elle est toujours une fédération constituée de 85 "sujets" (c'est-à-dire des régions). A ce titre, les Russes étaient appelés le 9 septembre dernier à élire leurs gouverneurs ou patrons d'exécutifs régionaux respectifs. Et le scrutin, comme l'a remarqué notamment La Croix, a fait apparaître que "Russie unie", le parti de Vladimir Poutine, était en ce moment affaibli dans l'opinion.

Bien sûr, la formation présidentielle l'a emporté dans la plupart des entités mais ses candidats, gouverneurs sortants, ont été battus, ou sont sur le point de l'être, dans quatre provinces, situées de surcroît dans des zones géographiques très distinctes. 

Quatre défaites, quatre cas de figure

C'est d'abord le Parti libéral-démocrate russe, qui comme son nom ne l'indique pas forcément est un mouvement d'extrême-droite, qui a le plus bousculé les champions de Vladimir Poutine, comme le montrent les scores relevés par L'Opinion. A Vladimir, près de Moscou, et donc à l'ouest du pays, Vladimir Sipiaguine a défait Svetlana Orlova par 57% des voix environ contre 37,46%. Dans la région de Khabarovsk, une province se trouvant à l'extrême sud-est du pays et disposant d'une frontière avec la Chine, c'est Sergueï Fourgal, également inscrit chez les libéraux-démocrates, qui a brisé les espoirs du gouverneur "poutinien" Viatcheslav Chport par 69,57% contre 27,97%. 

Immédiatement au sud de Khabarovsk, s'étend la région de Primorie. La donne y est plus embrouillé mais pas plus brillante pour "Russie unie". Poussé dans un second tour déjà surprise par Andreï Ichtchenko du Parti communiste, le gouverneur et candidat du pouvoir Andreï Tarassenko a eu beau proclamer sa victoire au soir du scrutin, il a été contredit par les résultats sortis des urnes, et les fraudes massives en sa faveur ont été repérées. L'élection a donc été annulée et remise au mois de décembre.

Enfin, si l'on part cette fois-ci vers l'intérieur du pays, dans un coin de Sibérie appelé la république de Khakassie, on constate qu'un autre représentant communiste a aussi bousculé le parti de Vladimir Poutine. Valentin Konovalov a en effet mis douze points dans la vue à Viktor Zimine au premier tour. Un recul de nature à décourager ce dernier puisqu'il a annoncé dans la foulée qu'il se désistait. Le second tour aura lieu le mois prochain. 

Poutine affaibli

Comment expliquer ce recul de "Russie unie"? Le contexte politique russe du moment est largement dominé par la volonté de la direction de l'Etat, annoncée à la mi-juin, de relever l'âge de départ en retraite de 60 à 65 ans pour les hommes et de 55 à 60 ans pour les femmes. La nouvelle passe d'autant moins bien qu'en Russie, l'espérance de vie des hommes est de 67,5 ans et d'un peu plus de 77 ans pour les femmes. La mesure envisagée, corrosive pour le gouvernement, attaque la popularité de Vladimir Poutine elle-même. Le politologue Abbas Galliamov a ainsi analysé auprès de L'Opinion:

"Or, au cours des dernières années de son règne, Poutine s’est constamment présenté à la population comme le défenseur de la stabilité. Du coup, cette réforme peut apparaître comme une manifestation de faiblesse, une concession forcée : une partie de l’opinion peut croire que le président a décidé de changer sous la pression des libéraux, de l’Occident, de Navalny et d’autres “ennemis de la Russie”. C’est ce qui fait qu’aujourd’hui, il est plus difficile pour le gouvernement de gagner une quelconque élection". 

Des conséquences à tirer 

Dans son bulletin d'information consacré à l'événement, le site d'étude de l'actualité politique russe, R.Politik, a noté que ces régionales étaient la "pire élection pour le Kremlin et le parti au pouvoir de ces douze dernières années" et que, en-dehors même des zones où "Russie unie" a ou va laisser la victoire à d'autres, le mouvement de la majorité enregistre une chute de ses scores de 15 à 20% en moyenne à travers le pays. Le site liste trois tendances révélées ici par les mauvais résultats de "Russie unie". Tout d'abord, on évoque un "potentiel protestataire" en hausse, puis une érosion du soutien à la politique étrangère de Vladimir Poutine et un déclin de la confiance dans les programmes télévisés. 

Enfin, R.Politik invite à tirer et à suivre trois conséquences des résultats de ce scrutin: l'insatisfaction grandissante des "siloviki" (mot russe désignant les membres de l'appareil policier, militaire ou judiciaire de l'Etat russe) vis-à-vis de la partie civile de l'entourage de Vladimir Poutine, l'affaiblissement du lien entretenu par le Kremlin avec les régions, ainsi que la montée d'un débat autour d'une réforme politique. 

Robin Verner