L'Islam du Kosovo et le terrorisme: rien à voir, ou presque

Un adjoint de l'imam dans la mosquée Sinan Pacha, au Kosovo, enseignant la prière à des femmes - Harold Hyman - BFMTV
De tous les pays majoritairement musulmans au monde, le Kosovo et l'Albanie sont de loin les plus sécularisés. Mais en matière de terrorisme, il se passe ici des choses troublantes. Il y a plusieurs années, dans la période après la guerre de 1998-2001, les Occidentaux, c'est-à-dire l'OTAN, l'ONU et les ONG, ont favorisé toute aide de toute origine vers le jeune État.
Des imams étrangers sont venus, ainsi que des ONG islamiques porteurs d'un projet radical. Leur aide était la bienvenue, mais elle était perverse, car s'ils ont donné des ordinateurs portables par exemple, ce n'était qu'à quelques imams wahhabites, et seulement à ceux-là. Les orphelins étaient pris en charge ensuite par ces sectateurs de l'islamisation radicale.

Les imams "ordinaires" fragilisés
L'enseignement de style wahhabite a pu commencer. L'organisation officielle islamique du Kosovo, avec son Moufti au sommet, était en mal de financement et aurait couvert cette arrivée rampante d'imams wahhabites et de fonds pour construire des mosquées. Les imams ordinaires, tenants d'un islam traditionnel modéré, s'en sont trouvés politiquement fragiles: ils n'avaient pas l'argent, et le Moufti dans la capitale Prishtina en avait besoin pour faire vivre son institution délaissée par l'Etat laïc.
C'est ainsi que dans plusieurs villes du Kosovo, le Moufti n'a pas renouvelé certains imams jugés trop hostile aux wahhabites. C'est le cas de la mosquée historique Sinan Pacha de la petite ville de Kaçanik. Homme au grand prestige, Musli Vërbani, diplômé de la prestigieuse Université Al-Azhar du Caire et ancien combattant de la résistance aux forces de sécurité serbes, a été révoqué. Cet homme, que nous avons rencontré, est le point central de la résistance morale à ce wahhabisme qui vise à atteindre d'abord la tête -- le Moufti -- plutôt que les ouailles.

Réaction gouvernementale au jihadisme au Kosovo
En mars, le gouvernement a enfin décidé d'agir. Une loi rendant le "jihad" en Syrie passible d'emprisonnement, et une série de plusieurs dizaines d'arrestations d'imams radicaux wahhabites, ont momentanément paralysé le système de radicalisation. Une loi pour limiter les financements de l'étranger de la religion suit son chemin.
Le réveil gouvernemental est certes dû aux gens comme l'imam Musli Vërbani, mais il est également dû à l'enquête journalistique menée par Arbana Xharra, actuelle rédactrice en chef d'un journal de référence, Zeri. "Lorsque j'ai dénoncé cette présence généralisée d'islamistes radicaux, j'ai commencé à recevoir des tweets et des appels téléphoniques inquiétants. Les menaces ont même désigné mes enfants, j'ai dû les changer d'école", explique-t-elle à BFMTV.com.
Pour elle, le gouvernement a encore et toujours des réticences à se mêler de religion: l'Etat est laïc, les Kosovars albanais sont superficiellement islamiques, et trop se focaliser sur le problème serait un aveu d'échec. Les Occidentaux qui passent en coup de vent dans ce pays montagneux verront surtout un peuple très peu moyen-oriental ou maghrébin dans son islam, et qui accepte parfaitement les agnostiques et les athées. En revanche, plusieurs centaines de mosquées neuves de style saoudien, quasiment vides, sont là pour montrer que l'argent de l'étranger ne manque jamais.
