L'Allemagne renforce sa législation antiviol...mais la loi laisse un goût d'inachevé

Une jeune femme dans une manifestation dénonçant les violences sexuelles faites aux femmes en 2011 à Berlin. - MICHELE TANTUSSI - AFP
L’Allemagne a renforcé sa législation punissant le viol. Les 601 députés du Bundestag ont voté le 7 juillet à l’unanimité une loi pénalisant tout acte "commis contre la volonté identifiable d’une personne". Une formulation qui a valu au texte d’être surnommée la loi "Non, c’est non".
Cette mesure, qui n’est pas encore officiellement adoptée car elle ne sera discutée au sein de la chambre haute du Parlement (le Bundesrat) qu’à l’automne, intervient dans le débat allemand dans le sillage de deux événements aussi distincts que frappants: les agressions sexuelles de Cologne dans la nuit du Nouvel an et le procès, qu’elle a perdu, de Gina Lisa Lohfink, une vedette de télé-réalité qui accusait deux hommes de l’avoir violée (la vidéo de l’acte sexuel la montre disant "non" à plusieurs reprises).
Le droit allemand jusqu'ici laxiste sur la question
La nouvelle disposition, une fois promulguée, viendra corriger les lacunes de l’article 177 du Code pénal allemand faisant jusqu’ici autorité en matière de viol. Cet article définissait le viol comme "une relation sexuelle obtenue par la violence, par une menace portant sur la vie ou l’intégrité corporelle" ou encore lorsque la victime se trouve "sans défense".
Autant dire que la formule ne disait rien des nombreux viols où la violence physique n’est pas directement engagée, ni des rapports obtenus grâce à un chantage quelconque (dans le monde du travail par exemple). L’insuffisance de cette catégorisation était devenue criante depuis que l’Allemagne avait signé la convention d’Istanbul, visant à sanctionner toute relation sexuelle non consentie.
Une nouvelle étape
Si on juge que la nouvelle loi adopte une vision plus large du viol et une plus grande considération de la victime, il n’en reste pas moins que le texte est critiqué. En Allemagne, on craint même qu’il ne change pas grand-chose.
En effet, l’enquête sur Cologne a buté sur l’absence de suspects identifiables plutôt que sur des difficultés légales. Un Irakien et un Algérien ont écopé jeudi d'un an de prison avec sursis pour leur implication dans les agressions sexuelles commises le soir de la Saint-Sylvestre.
En France aussi, la mesure suscite des doutes, comme le montre cette tribune de la juriste Catherine Le Magueresse publiée dans Le Plus de L’Obs. Pour elle, le droit doit franchir une nouvelle étape et mettre l’accent non plus sur le fait d’être simplement à l’écoute du refus éventuellement opposé à des avances mais sur la nécessité d’obtenir explicitement le consentement de l’autre.
"Pour être permissif de l’accès à l’intimité de l’autre, le consentement donné doit donc présenter des qualités : il doit être donné explicitement ("qui ne dit mot ne consent pas"), librement (et non sous contrainte). Il est en outre révocable (dire "oui" à un moment n’est valable que pour ce moment)", écrit-elle.