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"J'ai cru que c'était la fin": Ocasio-Cortez raconte sa peur durant les violences au Capitole

L'élue de New York Alexandria Ocasio-Cortez, au Congrès, à Washington, le 24 août 2020

L'élue de New York Alexandria Ocasio-Cortez, au Congrès, à Washington, le 24 août 2020 - Tom Williams © 2019 AFP

Lundi, Alexandria Ocasio-Cortez a fait le récit de la manière dont elle a vécu l'invasion du Capitole via un direct sur Instagram. Elle a raconté s'être cachée dans les toilettes, avoir cru que les manifestants étaient dans son bureau, avant d'aller trouver refuge chez une collègue. Elle a comparé les injonctions à oublier cet épisode à l'argumentaire des agresseurs sexuels.

Alexandria Ocasio-Cortez, représentante de New York, et figure éminente de l'aile gauche du Parti démocrate, n'a jamais caché la frayeur qui fut la sienne le 6 janvier dernier lors de l'envahissement du Capitole par des supporters de Donald Trump. Elle l'avait même évoquée une semaine après les violences. À cette occasion, elle avait glissé: "J'ai vécu un épisode assez traumatisant et à un moment j'ai vraiment cru que j'allais mourir". C'est cet instant dramatique qu'elle a finalement raconté lundi durant une retransmission en direct sur Instagram.

En plus de ce récit, elle a révélé avoir été par le passé la victime d'une agression sexuelle, et dit percevoir les échos de l'argumentaire des agresseurs dans les propos relativisant la gravité de cette intrusion collective au Congrès.

"Elle est où? Elle est où?"

L'invasion du Capitole l'a surprise dans son bureau, alors qu'elle revenait de sa vaccination contre le Covid-19, selon le contexte livré par le Guardian. Elle entend alors des coups retentir contre la porte de ses locaux puis son directeur législatif (un expert accompagnant un membre du Congrès dans son travail), Geraldo Bonilla-Chavez, lui ordonner, comme l'a relaté Newsweek: "Cache-toi, cache-toi! Cours et cache-toi!"

Sans demander son reste, la parlementaire se réfugie aussitôt dans ses toilettes. "Et j’ai réalisé immédiatement que je n’aurais pas dû me cacher dans les toilettes mais dans mon placard. Donc j’ouvre la porte et soudain j’entends que la personne qui cherchait à entrer est dans mon bureau. Donc je reviens sur mes pas et je me cache à nouveau dans les toilettes", a-t-elle d'abord retracé.

Une clameur vient redoubler sa peur: "J’ai commencé à entendre des cris qui disaient: 'Elle est où? Elle est où?'. Je me suis seulement dit: 'Ils ont réussi à entrer'", s'est-elle souvenue, continuant: "Donc je me cache derrière la porte. Comme ça (elle se lève, plaque son dos contre le mur, NDLR) et la porte des toilettes commence à faire ça (elle rapproche sa main de son visage, NDLR). Et j’entends seulement: 'Elle est où? Elle est où?' Et à cet instant, je me suis dit que tout était fini. Je veux dire, j’ai cru que j’allais mourir".

Face à face avec un policier

Les larmes aux yeux, les sanglots étranglant sa voix, elle a lancé: "J’ai eu le sentiment que si c’était la route que ma vie prenait, ce ne serait pas un problème: j’avais rempli ma mission."

Mais elle colle bientôt son nez à l'embrasure de sa porte, tentant d'évaluer le danger: "Je vois un homme blanc avec un bonnet noir entrer dans mon bureau et crier une fois de plus: 'Elle est où?' Je n’ai jamais été plus silencieuse de toute ma vie. Je ne sais même pas si je retenais mon souffle, j’étais seulement derrière la porte et je commençais à me laisser glisser lentement au sol."

Pourtant, une autre voix la tire du marasme: "J’entends un de mes collaborateurs dire : 'Hé, hé, hé, c’est bon, tu peux sortir!' Donc je sors et je me rends compte que l’homme dans mon bureau est un officier de police du Capitole".

Durant ce live Instagram, elle a cependant noté qu'à aucun moment l'agent ne s'était identifié, n'avait signalé sa qualité de policier. "Et à ce moment-là, ça ne me semblait pas normal parce qu’il me regardait avec une colère incroyable et une hostilité", a-t-elle assuré.

"J'ai besoin d'un endroit où me cacher"

L'homme ne lui donne de plus aucune autre consigne que celle de quitter les lieux, sans lui dire où aller, ni l'escorter. Elle finit par aller frapper sur l'huis d'une représentante démocrate de Californie, Katie Porter. Celle-ci a également témoigné lundi mais plus classiquement, à la télévision, sur MSNBC.

"D’abord, elle m’a vue, on s’est fait signe, et puis quelques secondes plus tard, elle a frappé et demandé: 'On peut entrer?' J’ai dit: 'Bien sûr!'. C’est comme si elle ne me parlait pas vraiment mais qu’elle ouvrait des portes. Et je lui disais: 'Je peux t’aider? Tu as besoin de quoi?' Et elle m’a répondu: 'D'un endroit où me cacher'", a décrit Katie Porter.

"J'ai survécu à une agression sexuelle"

Katie Porter a ensuite évoqué les "deux souvenirs" qui lui "resteront" de ces cinq heures de rang durant lesquelles elles se sont calfeutrées ensemble dans son bureau:

"Je lui ai dit: 'N’aie pas peur, je suis une mère de famille, je suis calme, j’ai tout ce qu’il faut, on pourrait vivre un mois ici'. Elle m’a répondu: 'J'espère que je pourrai être une mère un jour, j’espère que je ne vais pas mourir aujourd’hui'. La deuxième chose, c’est qu’elle portait des talons. Moi, j’avais des semelles plates. Et je me souviens qu’elle m’a dit: 'Je savais que je n’aurais pas dû porter des talons… Comment je vais faire pour courir maintenant?' Et on lui a trouvé une paire de baskets appartenant à l’un de mes collaborateurs pour qu’elle puisse courir s’il s’avérait qu’il fallait, littéralement, qu’elle coure pour sauver sa peau."

Alexandria Ocasio-Cortez a dressé un parallèle entre cette journée noire et un autre épisode malheureux de sa vie. " Ces gens qui nous disent de passer à autre chose, que c’est pas grand-chose, qu’on devrait oublier ce qu’il s’est passé, et nous demandant même de présenter nos excuses... ce sont les mêmes ficelles que les agresseurs", a-t-elle débuté, avant de pousuivre, sa voix se brisant brutalement: "J’ai survécu à une agression sexuelle et je ne l’ai pas dit à beaucoup de gens dans ma vie. Quand on endure un traumatisme, les traumas s’ajoutent aux traumas."

Robin Verner
Robin Verner Journaliste BFMTV