L'extrême droite aux portes du pouvoir en Autriche

C'est un scrutin inédit qui se tiendra dimanche en Autriche pour le second tour de l'élection présidentielle. Les deux rivaux, l'écologiste et le candidat d'extrême droite, incarnent deux cultures politiques, deux générations, deux tempéraments qui polarisent la société autrichienne.
Pendant le mois de campagne entre les deux tours, ils ont arpenté les médias et ont débattu ensemble prononçant rarement un mot plus haut que l'autre. Alexander Van der Bellen, 72 ans et Nobert Hofer, 45 ans, l'universitaire à la retraite et l'ex ingénieur aéronautique, n'ont rien de jouteurs endiablés.
Nobert Hofer, le candidat d'extrême droite quasi inconnu du grand public, a pu se présenter aux électeurs comme quelqu'un de "neuf, honnête, compétent", malgré plus de vingt années de responsabilités politiques dans l'ombre du FPÖ (parti de la liberté).
Vice-président du parlement depuis 2013, cet élu toujours souriant, se déplace avec une canne à la suite d'un accident de parapente en 2003, mais aussi parfois avec un pistolet, revendiquant être amateur de tir.

La question migratoire au centre de la campagne
La campagne qui s’achève a été dominée par les questions migratoires et identitaires. Ce pays de 8,5 millions d'habitants a accueilli 90.000 demandeurs d'asile, près de 1% de sa population, en 2015.
"Voyez-vous, je pourrais vous raconter des histoires, mais si je respecte les musulmans en tant qu’individus, et j’ai même des amis qui le sont, mais je ne pense pas que l’islam fasse partie de l’Autriche", a lancé ainsi Nobert Hofer lors d'un débat à Craz, le 13 mai dernier, auquel BFMTV a assisté.
En face, le candidat vert - dont la famille a fui l’URSS - a rappelé son propre passé d’enfant de réfugiés, et insisté sur la tradition d’accueil de l’Autriche.
"Beaucoup de réfugiés sont des gens qui ont perdu leur patrie, Moi, on m’a offert l’Autriche comme patrie. Je ne le cache pas, je suis un enfant de réfugiés. Je suis né en Autriche il y a 72 ans, on m’a accueilli dans le Tyrol, on ne m’a pas discriminé", a répliqué Alexander Van der Bellen.

Hofer: un style policé mais une culture d'extrême droite
En Autriche, Norbert Hofer ne fait presque plus peur. Son style apparemment policé lui a valu un succès au-delà des espérances au premier tour.
"Norbert Hofer correspond très bien à l’image que les Autrichiens se font d’un président de la République, mais idéologiquement il vient du cœur du FPÖ et n’a pas de différence fondamentale avec les autres de son parti", explique Laurenz Ennser-Edenastik: politologue, université de Vienne.
Le parti FPÖ est eurosceptique, anti-islam et autoritaire. Il est dirigé depuis plus de 10 ans par Hans Christian Strache, connu pour ses sorties virulentes. Il a par exemple récemment traité Merkel et Renzi de passeurs.
"On pourrait comparer Strache et Hofer à Jean-Marie Le Pen, le méchant, et Marine le Pen, qui avec un gentil visage veut la même chose que son père. Deux faces d’un même programme", explique Nina Horaczek, journaliste au magazine der Falter.
Car derrière une image lisse et un visage souriant se cache un pur produit de l’extrême droite: adhérent du FPÖ depuis ses 18 ans, Norbert Hofer fait partie d’une confrérie étudiante pangermaniste, adepte des duels à l’épée. Il en porte chaque année les couleurs, lors du contesté bal de l’extrême droite.
Norbert Hofer revendique même de porter depuis plusieurs mois un pistolet à la ceinture, avec lequel il se sentirait plus en sécurité.
Pas de front républicain
Norbert Hofer a promis, en cas d’élection, de durcir considérablement les conditions d’asile. Il menace même de fermer la frontière avec l’Italie, d’où arrivent une partie des réfugiés.
Dimanche, l'écologiste ne pourra pas compter sur un front républicain. Aucun des candidats éliminés au premier tour n’a appelé à voter pour l’écologiste. Les ténors des conservateurs ne donneront pas de consigne de vote.
Les médias ont cessé de passer commande aux instituts de sondage qui se jugent incapables d’établir un pronostic face à la situation actuelle inédite, ce qui laisse le suspense total.
En cas de victoire de Norbert Hofer dimanche soir, ce serait la première fois depuis la seconde guerre mondiale qu’un pays démocratique d’Europe occidentale élit un président l’extrême droite.