Anarchistes contre police: scène de guérilla urbaine à Athènes

Des violences ont éclaté entre les forces de police et des étudiants anarchistes, samedi à Athènes, en Grèce. - Alexandre Masson - Celsa
Des explosions et de la fumée grise. L’Université Techniques d’Athènes a été le théâtre de violents affrontements entre anarchistes et la police anti-émeute grecque, samedi en fin d'après-midi, à l'issue d'une manifestation près de l'ambassade d'Allemagne. Habillés tout en noir, cagoulés, la quarantaine d'anarchistes retranchés dans l'université a multiplié les jets de pierres, d'oranges et de bombes artisanales sur la centaine de policiers anti-émeute grecs postés derrière leurs boucliers, de l’autre côté de la rue.
L’université est le refuge historique des protestataires. Depuis la fin de la dictature des Colonels, la police n’a plus le droit d’y entrer. Seul leur gaz lacrymogène s’y infiltre. Les larmes aux yeux, chacun s’affaire. Pendant que certains cassent les dalles de la fac à coups de marteau, un groupe prépare les cocktails à base d’aluminium et d’acide chlorhydrique.
"Vous savez, nous les jeunes, on est plein de rage", souffle Jim. Un prénom d’emprunt pour ce technicien de 23 ans au chômage, qui hait les journalistes presque autant que la police, "la main armée du gouvernement." La manifestation anti-austérité a pris fin devant l’ambassade allemande depuis moins d’une heure, mais pour les plus virulents la vraie bataille commence. "Depuis l’arrivée de Syriza, soit-disant de gauche, la seule chose qui a changé pour nous, c’est que les flics nous tabassent moins devant les caméras", glisse, cynique, Jim.
Selon l’institut de statistiques grec, les violences policières ont augmenté de 114% en quatre ans. Mais les émeutes anarchistes perdurent. La plupart de ces radicaux ont passé "de mauvais quarts d’heures" au poste et sont fichés par les services. Alors mieux vaut rester discrets, même sur internet: en bon anarchistes, les rendez-vous se transmettent de bouche à oreille, personne ne connaît le vrai nom de ses camarades, ni leur vie personnelle. "On parle de l’action, on s’entraide, le reste n’a pas d’importance."
"C’est une génération sacrifiée"
Pendant plus d’une heure les deux camps jouent au chat et à la souris. Les anarchistes s’aventurent à l’extérieur des grilles, sur la rue Toussitsa, pour mieux viser les forces anti-émeutes, qui les chargent en guise de réponse. Les brigades anti-émeutes sont la principale cible des anarchistes.
Entre-temps, quelques étudiants, dont les militants de gauche radicale qui préparaient les banderoles de leur prochain concert-débat, ont tous pris la poudre d’escampette. La zone est quadrillée, la circulation détournée, mais journalistes et passants s’attroupent derrière les brigades anti-émeutes. Au milieu de la rue reste la carcasse d'un bus calciné par les flammes. Les anarchistes y ont mis le feu, après en avoir fait sortir le chauffeur.
Cette scène de guérilla au cœur d’Athènes, les Grecs y sont habitués. "Bienvenue en Grèce", rigole presque Makis, propriétaire d’un magasin de meubles du quartier pour qui tout ça, "c’est du théâtre, une manière de détourner l’attention des vrais problèmes.
La violence est pour certains le dernier recours possible. "C’est une génération sacrifiée, explique Philippe Le Bohec, un jeune entrepreneur français installé à Athènes depuis trois ans. Je les comprends un peu ces jeunes. A quoi bon faire des études si c’est pour finir au McDo? Droite, gauche, extrême gauche, pour eux rien ne change." Les anarchistes resteront là, protégés par les grilles de l’Université jusqu’à ce que la police s’en aille. Ils attendront la nuit s’il le faut. Avant de rentrer dans leur quartier, à Exarchia, là où la police n’ose plus patrouiller en uniforme.
Article publié sur le site Newsgreek.fr, le projet des étudiants en journalisme du Celsa à Athènes, en partenariat avec BFMTV.com.