Sadiq Khan, un musulman à la tête de la ville de Londres?

Sadiq Khan est en bonne voie pour accéder au fauteuil de maire de Londres. - Justin Tallis - AFP
Sauf surprise de dernière minute, il devrait être le prochain maire de Londres. Agé de 45 ans, Sadiq Khan est le candidat travailliste à la mairie de la capitale britannique, et le favori des sondages, qui le place devant son adversaire conservateur, l'héritier d'une famille de milliardaires, Zach Goldsmith, alors que le maire sortant, Boris Johnson, a choisi de ne pas se représenter. Fils d'un chauffeur de bus pakistanais, Sadiq Khan est de confession musulmane. S'il l'emportait, il deviendrait le premier maire musulman de Londres, mais aussi d'une grande capitale européenne.
Père chauffeur de bus, mère couturière
Une particularité qui n'émeut pas les 5,6 millions d'électeurs londoniens, appelés aux urnes jeudi 5 mai, et qui le plébiscitent largement dans les sondages. Né à Londres au sein d'une famille de huit enfants, Sadiq Khan, fils d'immigrés pakistanais, a grandi dans un quartier populaire de la capitale britannique, avant de devenir avocat spécialisé dans les droits de l'Homme, puis député du Labour, en 2005.
"Mon père était chauffeur de bus, et ma mère couturière. On vivait dans un HLM du sud de Londres, avec mes parents, mes frères, mes soeurs. La mairie n'était qu'à quelques stations de métro au nord, mais pour un jeune comme moi, elle semblait être à des millions de kilomètres", explique le candidat travailliste.
En 2008, l'ancien Premier ministre Gordon Brown lui offre le poste de ministre chargé des communautés, puis celui des Transports l'année suivante. Sadiq Khan devient ainsi le premier musulman à siéger au cabinet d'un Premier ministre britannique.
Féministe et favorable au mariage homosexuel, Sadiq Khan se présente comme un musulman libéral et rappelle n'avoir "jamais cessé de dénoncer les extrémistes de façon très ferme". "J’ai même une fatwa contre moi pour mon combat en faveur du mariage homosexuel. C’est difficile. Mais mon expérience, en tant que musulman britannique, est que Londres est la seule ville au monde ou je veux élever mes filles", a-t-il souligné, au micro de la BBC. "Je veux être là pour tous les Londoniens, de toutes confessions, pour les millionnaires, les milliardaires, les chauffeurs de bus et les internes en médecine", a-t-il ajouté, dans les pages du quotidien The Daily Telegraph.
Pointé du doigt par ses détracteurs
Mais les opposants et détracteurs de Sadiq Khan, eux, n'ont pas hésité à user et abuser de l'argument religieux, pour tenter de le faire couler. Le député de Richmond, un arrondissement résidentiel du sud-ouest de la capitale, s'évertue ainsi depuis des semaines à convaincre que le candidat travailliste, ancien avocat des droits de l'Homme, a des affinités avec les extrémistes islamistes. Une accusation relayée par le Premier ministre David Cameron lui-même, qui a insinué que Sadiq Khan avait fréquenté un imam soutenant Daesh.
Des allégations auxquelles l'intéressé répond en introduisant chacun de ses meetings par un "salam alaykoum", le salut musulman, son "message traditionnel de paix". Car dans une ville cosmopolite comme Londres, Sadiq Khan est convaincu que l'élection d'un maire musulman est possible, et qu'elle peut même symboliser ce multiculturalisme.
Selon les observateurs de la vie politique, la stratégie de diabolisation adoptée par ses adversaires, jugée "minable" et "désespérée" par le camp Khan, pourrait bien se révéler contre-productive. "Khan est clairement un musulman moderne et progressiste. Si ses opposants s'aventurent trop sur ce terrain, ils risquent un retour de bâton", met en garde Tony Travers, professeur à la London School of Economics. Un avis partagé par l'éditorialiste du quotidien Evening Standard, Rosamund Urwin, pour qui Londres "veut des solutions, pas des accusations diffamatoires; un maire qui unit, pas un maire qui divise".