Le Royaume-Uni hors d'Europe, une sortie "dangereuse" ?

David Cameron a promis d’organiser d’ici 2017 un référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne. Une sortie possible qui ne serait pas sans conséquences. Explications avec Jean-Dominique Giulani, fin connaisseur des rouages européens.

Dans son discours sur l'Europe maintes fois reporté, le Premier ministre britannique David Cameron a confirmé mercredi les craintes de ses partenaires européens. Il souhaite organiser un référendum national d'ici 2017 sur le maintien ou non du Royaume-Uni au sein de l'Union européenne (UE).

Une sortie de l'Union serait-elle possible ? Quelles en seraient les conséquences ? Jean-Dominique Giulani, président de la Fondation Robert Schuman et fin connaisseur des rouages européens, décrypte cette annonce.

Un pays membre peut-il quitter l'Union européenne ?

Oui, bien sûr, ceci est prévu par le Traité de Lisbonne, entré en vigueur en 2009. Il faudrait en revanche se mettre d'accord sur les modalités de sortie, car de nombreux liens et obligations unissent le Royaume-Uni à l'UE, qu'ils soient budgétaires, douaniers, diplomatiques… Ce serait une première, difficile à négocier, mais pas impossible.

Serait-ce dangereux pour la stabilité de l'UE ?

Ce n'est pas une bonne nouvelle pour l'Union, certes, mais ce serait plus dangereux encore pour le Royaume-Uni. Par exemple, plus de la moitié de son commerce se fait avec l'UE. S'il en sort, ces échanges seront taxés et lui coûteront cher. En réalité, David Cameron a insisté à trois reprises dans son discours : il ne veut pas sortir de l'UE, mais en grand démocrate qu'il est, il proposera un référendum sur l'Europe s'il est réélu. Les mises en garde n'ont pourtant pas manqué, que ce soit de la part de ses partenaires européens, ou même des Américains. David Cameron a tout de même cédé à la pression populiste, et demande aujourd'hui à renégocier le statut de son pays.

L'Union pourrait-elle accepter une telle négociation ?

L'usage veut que lorsqu'un gouvernement est faible, en proie à un populisme intérieur fort, l'UE se montre compréhensive. C'est d'ailleurs ce qu'a fait Angela Merkel, qui s'est dit prête à discuter des souhaits britanniques mercredi. Le problème, c'est qu'il n'y a pas de demande précise pour le moment, et que le Royaume-Uni bénéficie déjà de nombreuses exceptions en tant qu'adhérent à l'UE : il est exempté d'adopter l'Euro, il est déjà en dehors des accords de Schengen sur la libre circulation des personnes, il s'est exclu de l'Union bancaire à venir… Or, l'idée d'une Europe à la carte ne coïncide pas avec le concept d'une communauté.

Pourquoi Cameron lance-t-il un tel pavé dans la mare ?

Le Premier ministre britannique est en proie à une véritable crise intérieure. Il y a là-bas un euroscepticisme latent et permanent, emmené par quelque 80 députés conservateurs et une partie de la presse, très populiste. "Ils vont nous forcer à rouler à droite ! ", "Ils vont retirer la Reine de nos pièces de monnaie !"… C'est de ce niveau-là. Pour autant, je pense que si le peuple était soumis à ce référendum après un long et vrai débat, il préfèrerait rester dans l'Union. Il est trop dangereux pour eux d'être totalement isolés, et le peuple le comprendrait vite, malgré les discours de certains.

Alexandra Gonzalez