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Allemagne: début des négociations pour une grande coalition

Angela Merkel serre la main à son rival Peer Steinbrück, quelques heures après la parution des premiers résultats de l'élection.

Angela Merkel serre la main à son rival Peer Steinbrück, quelques heures après la parution des premiers résultats de l'élection. - -

Vendredi à 13h, les premières discussions officielles commencent entre la CDU d’Angela Merkel et le SPD. Objectif: former une grande coalition. Mais les difficultés sont de taille, et les enjeux colossaux.

Les discussions promettent d’être longues. Vendredi en Allemagne, la CDU d’Angela Merkel va commencer à négocier avec les sociaux-démocrates du SPD, en vue de la formation d’une grande coalition de gouvernement. Car si la chancelière a obtenu lors des élections le score très satisfaisant de 41,5% des voix, elle est passée à côté de la majorité absolue, et se voit donc obligée de former une coalition pour gouverner. Ses deux partenaires potentiels? Le SPD, et les Verts.

Bien que les "Grünen" [les Verts] aient choisi de faire campagne contre la CDU et proche du SPD, en prônant par exemple des hausses d’impôts, ils restent un "plan B" pour la chancelière, au cas où les négociations avec le SPD n’aboutiraient pas. La CDU, son allié bavarois la CSU et les Verts se réuniront le 10 octobre prochain pour négocier, et examiner la possibilité d’une coalition.

Mais auparavant, la CDU se confrontera d’abord au SPD. En tout, 21 représentants se retrouvent vendredi, pour passer en revue les doléances et les sujets qui fâchent. Parmi eux, Angela Merkel mais aussi son rival malheureux, Peer Steinbrück.

CDU - SPD: les retrouvailles

Ce n’est pas la première fois que les deux partis sont amenés à négocier. En 2005 déjà, la CDU avait dû entamer de rudes négociations avec le SPD: au bout de deux mois et une semaine, les deux partis s’étaient mis d’accord sur un contrat de coalition. Quatre ans plus tard, à force de compromis et de querelles internes, le SPD en était ressorti divisé et affaibli – au point d’échouer aux élections législatives en 2009, et de permettre à Angela Merkel de gouverner avec les libéraux du FDP.

Cette fois, le SPD se méfie. Et a déjà décidé que si un contrat de coalition est trouvé avec la CDU, les sociaux-démocrates le feront d'abord approuver par leurs 470.000 adhérents dans un référendum et avant leur congrès, qui aura lieu du 14 au 16 novembre. Une situation sans précédent. D’après un sondage de l’institut Forsa pour le quotidien Die Welt, 65% des adhérents du SPD seraient contre une alliance avec la CDU.

Les sociaux-démocrates sont donc bien décidés à faire preuve de prudence avant de se jeter dans les négociations. Quitte à faire monter les prix. Et à faire le moins de concessions possibles sur les dossiers qu’ils défendent. 

La chasse aux ministères

Point essentiel des négociations: les portefeuilles des ministères. Johannes Kahrs, membre du SPD, a exigé mercredi 25 septembre la moitié des ministères, dont un poste-clé, celui de Wolfgang Schäuble, ministre des Finances. Schäuble, 71 ans, est proche de Merkel et ne semble pas du tout disposé à céder son poste. "En ces temps de crise de la dette, le ministre des Finances est une sorte de chancelier de l’ombre, sans lui, aucune promesse de campagne ne peut se réaliser", explique l'hebdomadaire Der Spiegel.

Raison de plus pour que les sociaux-démocrates cherchent à s’octroyer ce poste. En vue pour le briguer, Frank-Walter Steinmeier, chef du parti au Bundestag et ancien ministre des Affaires étrangères.

Autre portefeuille que pourrait réclamer le SPD, celui du ministère du Travail, hautement symbolique. C’est aussi le ministère qui dispose du budget le plus important. Les sociaux-démocrates ne voudront probablement pas y renoncer: ils en ont besoin pour appliquer leurs promesses électorales, et notamment l’instauration d’un salaire minimum.

Les sujets qui fâchent

Entre le SPD et la CDU, les divergences ne manquent pas. Celle dont parle toute l’Allemagne en ce moment concerne les impôts. Le SPD, comme d’ailleurs les Verts, veulent les augmenter pour les plus aisés, et se servir de cet argent au profit des infrastructures et de l’Education. Mais au sein de la CDU, les choses sont plus compliquées. Le sujet a fait l’objet de grands débats internes, et jeudi, le ministre des Finances Wolfgang Schäuble en a strictement rejeté le principe. "L’Etat doit faire avec ce qu'il a", a-t-il déclaré au quotidien Bild

Autre point d’accrochage, le salaire minimum: le SPD réclame un salaire minimum légal de 8,50 euros de l’heure pour les 6,9 millions de salariés allemands. La CDU, de son côté, veut faire avec ce qui existe déjà: elle exige que le salaire minimum soit défini par branche par les partenaires sociaux.

Enfin, la politique familiale représente un enjeu essentiel dans une Allemagne qui se dépeuple. Le SPD n’a jamais caché son hostilité au "Betreuungsgeld", l’allocation d'éducation, qui subventionne les parents souhaitant s’occuper de leur enfant de moins de six ans à domicile. Le SPD mise plutôt sur les structures d’accueil des tout-petits, et voudrait donc à terme supprimer le "Betreuungsgeld". C'est pourtant une mesure phare de la CSU, et il est peu probable qu’elle y renonce.

En moyenne, les négociations post-électorales pour former un gouvernement en Allemagne durent environ un mois. Mais lors de la précédente grande coalition, en 2005, elles avaient mis deux mois et quatre jours à se conclure. Cette fois, la numéro deux du SPD, Andrea Nahles, ne le cache pas: les discussions pourraient même durer jusqu'à janvier.

Ariane Kujawski