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En Sicile, le pape déçoit les militants anti-mafia

La mafia est un "chemin de mort" que la jeunesse doit éviter, a déclaré Benoît XVI lors d'une visite dimanche en Sicile, où sa condamnation du crime organisé a pourtant été jugée trop timide par une partie de la population. /Photo prise le 3 octobre 2010/

La mafia est un "chemin de mort" que la jeunesse doit éviter, a déclaré Benoît XVI lors d'une visite dimanche en Sicile, où sa condamnation du crime organisé a pourtant été jugée trop timide par une partie de la population. /Photo prise le 3 octobre 2010/ - -

par Philip Pullella PALERME, Sicile (Reuters) - La mafia est un "chemin de mort" que la jeunesse doit éviter, a déclaré Benoît XVI lors d'une...

par Philip Pullella

PALERME, Sicile (Reuters) - La mafia est un "chemin de mort" que la jeunesse doit éviter, a déclaré Benoît XVI lors d'une visite dimanche en Sicile, où sa condamnation du crime organisé a pourtant été jugée trop timide par une partie de la population.

Le pape a célébré dans la matinée une messe en plein air devant plus de 200.000 fidèles rassemblés près du port de Palerme, la capitale sicilienne, puis s'est adressé dans l'après-midi à une foule de plusieurs dizaines de milliers de jeunes.

"Ne succombez pas aux tentations de la mafia, qui est un chemin de mort incompatible avec l'Evangile, comme vous l'ont tant de fois dit vos évêques", a-t-il lancé dans cette allocution consacrée aux valeurs de la famille.

C'est la seule fois que le souverain pontife a mentionné directement la mafia au cours de cette journée. Dans un discours aux évêques, toutefois, il avait auparavant rappelé le souvenir du père Pino Puglisi, assassiné par Cosa Nostra, la mafia sicilienne, en 1993.

Dans son homélie de la matinée, il avait seulement parlé du "crime organisé", ce qui avait déçu les militants anti-mafia.

"C'est bien qu'il ait finalement prononcé le mot (de mafia) mais je ne comprends pas son approche si timide de la question", a déclaré à Reuters Rita Borsellino, dont le frère Paolo, l'un des principaux juges anti-mafia, a trouvé la mort dans un attentat à la bombe en 1992 en plein centre de Palerme.

"Je m'attendais à ce qu'il s'étende bien plus sur ce problème, surtout dans son discours à la jeunesse", a-t-elle ajouté.

"IL A RATÉ UNE OCCASION"

Paolo Borsellino fut l'un des deux magistrats assassinés en 1992 par la mafia. L'autre était Giovanni Falcone, dont la voiture avait été détruite par une bombe d'une énorme puissance sur l'autoroute conduisant de l'aéroport de Palerme au centre-ville. L'épouse du juge et trois policiers de l'escorte avaient également péri.

En regagnant l'aéroport au terme de sa visite, Benoît XIV a déposé des fleurs au pied du monument érigé à la mémoire de Giovanni Falcone.

Si l'île ne connaît plus les hécatombes de "la guerre des clans" des années 1990, la mafia y poursuit ses activités criminelles lucratives - trafic de drogue, extorsion de fonds, corruption et marchés publics faussés au profit des sociétés qu'elle contrôle.

Dans son sermon dimanche matin, le pape avait cité les problèmes les plus pressants de la Sicile, notamment le chômage, la précarité et le drame de ceux qui "souffrent physiquement et moralement (...) en raison du crime organisé".

"Je suis ici pour vous encourager fortement à ne pas avoir peur de témoigner clairement des valeurs humaines et chrétiennes", avait-il dit.

Il avait émaillé son sermon de formules bibliques, faisant référence à "une épouvantable situation de violence" et à la nécessité d'"avoir honte du Mal".

Dino Paternostro, l'un des chefs de file de la mobilisation anti-mafia à Corleone, ville rendue célèbre par le film "Le Parrain" de Francis Ford Coppola, est également déçu que le pape n'ait pas été plus ferme dans sa dénonciation de la mafia.

"Je suis très déçu. Il a raté une occasion", a-t-il dit.

Lors d'une visite dans l'île en 1993, le prédécesseur de Benoît XVI, Jean Paul II, s'en était pris avec force aux mafieux. Avant de quitter la ville d'Agrigente, il les avait menacés de la colère divine s'ils ne se convertissaient pas au Bien, affirmant qu'ils auraient un jour des comptes à rendre à Dieu.

Quelques mois plus tard, des bombes explosaient dans deux églises de Rome, dont la basilique Saint-Jean-de-Latran, siège de l'évêché de la capitale italienne dont l'évêque n'est autre que le pape.

Guy Kerivel pour le service français