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Charles Jenkins, déserteur américain et prisonnier en Corée du nord depuis 39 ans, est mort 

Charles Jenkins.

Charles Jenkins. - Capture d'écran YouTube d'une vidéo d'AP.

Lundi, Charles Robert Jenkins s'est éteint au Japon. Déserteur de l'armée américaine dans les années 60, passé en Corée du Nord, où il a été retenu prisonnier pendant près de quatre décennies et où il a trouvé l'amour, sa vie ressemble à une intrigue de roman.

Charles Jenkins, un ancien soldat américain qui a passé 39 ans en Corée du Nord où il s'était réfugié en 1965, est mort lundi à 77 ans, a annoncé mardi la municipalité japonaise où il vivait ces dernières années. Il est mort lundi en raison de problèmes cardiaques dans un hôpital à Sado, a précisé la mairie de cette ville située sur une petite île du même nom dans le nord du Japon.

Acteur de films "anti-Yankees"

Après avoir quitté la Corée du Nord en 2004, à 64 ans, il avait été jugé en cour martiale pour sa désertion près de quatre décennies auparavant, plaidant coupable en grand uniforme et les larmes aux yeux. Il n'avait finalement écopé que de 30 jours d'arrêts symboliques et avait été libéré au bout de 25 jours en raison de sa bonne conduite. Originaire de Caroline du Nord, le soldat avait rejoint la Corée du Nord par une nuit glaciale du 4 janvier 1965, alors qu'il patrouillait le long de la frontière avec la Corée du Sud. Il avait expliqué plus tard qu'il voulait ainsi éviter d'être envoyé faire la guerre au Vietnam, qui battait alors son plein, et qu'il croyait naïvement que Pyongyang le livrerait à l'Union soviétique, d'où il pourrait regagner les Etats-Unis. Pour se donner du coeur à l'ouvrage, lit-on dans Paris Match, il avait bu une dizaine de bières avant de passer la frontière. 

Mais à la place, le déserteur s'est retrouvé retenu à Pyongyang, pour enseigner l'anglais à de jeunes officiers promis à une carrière d'espion. Il a aussi joué le "méchant Yankee" dans des films de propagande. Jenkins avait confié plus tard avoir souffert durant ce séjour, affirmant s'y être fait "battre comme plâtre". "On ne dit jamais non en Corée du Nord. Si on dit non, on peut commencer à creuser sa tombe parce que c'est foutu". En compagnie d'autres déserteurs américains, il est tenu d'apprendre la doctrine du régime. 

Une histoire d'amour en territoire hostile 

En 1980, il a rencontré puis épousé une jeune Japonaise, Hitomi Soga, enlevée au Japon par des agents nord-coréens deux ans plus tôt. Visiblement, l'union a été harmonieuse, malgré les difficultés du contexte. Les deux époux ont même eu deux filles, rappelle le Japan Times, Mika et Brinda. 

Le LA Times cite les phrases que Charles Jenkins avait consignées au sujet de sa femme dans ses mémoires: "Je savais à quel point le Japon manquait à ma femme, et peu après notre mariage, je lui demandais comment on disait 'bonne nuit' en japonais. A partir de ce moment, chaque soir, je l'embrassais trois fois en lui disant: 'Oyasumi'. Alors, elle me répondait 'Good night'. On faisait ainsi pour ne jamais oublier qui nous êtions et d'où nous venions". 

Le Japon comme terre d'accueil 

Hitomi Soga avait été autorisée à rentrer au Japon en 2002, comme quatre autres Japonais kidnappés dans les années 1970 et 1980. Selon les autorités japonaises, au moins 17 civils japonais ont été enlevés par Pyongyang durant cette période, tandis que la Corée du Nord a reconnu 13 enlèvements de ce type. Charles Jenkins a tardé à rejoindre sa femme au Japon, par peur de la justice militaire américaine, avant de s'y résoudre notamment pour le bien de leurs deux filles, dont il craignait qu'elles soient recrutées de force par les services d'espionnage nord-coréens.

Après cette saga familiale au parfum de Guerre froide qui avait passionné les Japonais pendant des mois, l'ancien déserteur américain avait reçu un statut de résident permanent au Japon pour y vivre avec sa famille. Ces dernières années, Jenkins travaillait à Sado dans une boutique de souvenirs, a précisé le maire de la ville dans son communiqué de condoléances à ses proches.

Robin Verner avec AFP