Brexit: ce qui attend le Royaume-Uni après un premier vote contre un "no deal" avec l'UE

Entrée de la chambre des Lords. - AFP PHOTO / JESSICA TAYLOR /UK PARLIAMENT
A tout seigneur, tout honneur. C'est à présent au tour des Lords britanniques d'entrer dans la danse infernale que sont devenues les tractations politiques autour du Brexit. Mercredi soir, la chambre des Communes a infligé à Boris Johnson deux défaites, plus prévisibles que le désaveu de la veille lors duquel le gouvernement avait perdu le contrôle de l'ordre du jour.
Les anti-"no deal" doivent encore convaincre l'Europe
Les députés ont rejeté le projet du Premier ministre de convoquer des élections générales anticipées pour se tirer enfin de l'ornière. L'ensemble de l'opposition, grossie des "rebelles tories", les conservateurs qui ont fait défection, a également voté par 327 voix contre 299 une motion repoussant du 31 octobre au 31 janvier la date butoir du Brexit sauf si un accord était trouvé avec l'UE d'ici aux derniers jours d'octobre.
Quoi qu'il arrive, il faudra déjà convaincre les 27 autres Etats-membres d'accepter un tel report. A en juger par la réaction française, il n'est pas dit que l'idée d'un nouveau délai suscite leur enthousiasme. Sur Radio Classique ce jeudi, Amélie de Montchalin, secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, a posé que ça ne "changerait rien au problème", ajoutant: "Il faut que les Britanniques sachent nous dire ce qu'ils veulent".
Les Lords ont promis d'examiner le texte dans les temps
Sur la scène intérieure non plus, le texte anti-No Deal n'est pas encore gravé dans le marbre. Pour ce faire, il a besoin d'être adopté également par l'autre chambre de Westminster, la basse, celle des Lords, où les détracteurs de la ligne portée par Boris Johnson ont là aussi remporté un premier succès.
Certains d'entre eux craignaient que les aristocrates jouent la montre et délayent leurs discussions sans approuver définitivement le texte avant la suspension des travaux parlementaires, qui doit débuter la semaine prochaine et prendre fin au 14 octobre. Mais les Lords ont d'ores et déjà signifié qu'ils rendront leur décision dans les temps, à l'issue d'un débat qui les a mobilisés jusqu'à 1h30 ce jeudi matin, relaté ici par le Guardian.
Lord Thomas Henry Ashton baron de Hyden, le whip en chef conservateur (la personne en charge de la discipline de parti au sein du Parlement) a déclaré que l'examen du texte serait mené ce jeudi et achevé d'ici vendredi 17 heures. Il reviendra alors à la chambre des Communes pour une ultime lecture. Celle-ci devrait avoir lieu lundi et la motion définitive présentée dans la foulée à la "Sanction royale", qui la transformera stricto sensu en loi.
En attendant, Johnson cible son rival Corbyn
Si cette perspective fait peu de doute, dans la mesure où l'opposition domine à la chambre des Lords, Boris Johnson se retrouve encore le bec dans l'eau d'un autre marigot parlementaire. Son désir de renvoyer les députés devant les électeurs pour qu'ils tentent d'être reconduits dans leur mandat ou laissent au contraire leur siège à d'autres personnalités plus en phase avec la volonté générale a été retoqué par les Communes. Il lui fallait réunir deux tiers des représentants, un seuil qui s'est révélé inaccessible à ses forces du moment.
Sans le soutien des travaillistes à cette version britannique de la dissolution, la tentative était vouée à rester lettre morte. D'où l'agacement et la frustration qui ont percé dans la parole publique de Boris Johnson dès mercredi à la chambre des Communes. Durant cette séance mouvementée, il a notamment qualifié Jeremy Corbyn, chef de file des travaillistes, de "poule au chlore". Depuis lors d'ailleurs, le Premier ministre ne cesse de s'en prendre à la lâcheté supposée de son opposant.
Le Parti conservateur a ainsi présenté l'alternative suivante sur Twitter:
"La motion de capitulation de Jeremy Corbyn, c'est plus de discussion, plus de retard, plus d'indécision. Boris Johnson va obtenir le Brexit le 31 octobre pour remettre le pays sur les rails d'un avenir plus radieux".
Le Premier ministre doit s'exprimer dans l'après-midi
Le porte-parole du 10 Downing Street a également signalé que Boris Johnson s'adresserait à la population dans l'après-midi, dans le Yorkshire, résumant même le contenu du discours:
"Il défendra l'idée que la motion de capitulation de Jeremy Corbyn forcera le Premier ministre à aller à Bruxelles et à accepter toutes leurs exigences. Et ça privera de sa substance le vote le plus démocratique de notre histoire, le référendum de 2016. Le Premier ministre ne fera pas ça. Il est évident que la seule action possible est de se tourner à nouveau vers le peuple pour lui donner l'occasion de dire ce qu'il veut: que Boris aille à Bruxelles et en revienne avec un accord ou que nous nous quittions l'Union européenne le 31 octobre, ou bien que Jeremy Corbyn vienne à Bruxelles avec sa motion de capitulation mendier un délai supplémentaire, un supplément de crise et accepter tous les termes que Bruxelles imposerait à notre nation. Que Jeremy Corbyn continue d'éviter l'élection serait une lâche insulte à la démocratie".
Le temps presse pour organiser de nouvelles élections
L'exécutif fait pression sur Jeremy Corbyn mais celui-ci n'est pas rétif par principe à l'organisation de nouvelles élections. Bien au contraire, il devrait, selon The Independent, soutenir lundi une seconde tentative de mettre sur pied un scrutin. Il est, en effet, sur le point d'obtenir ce qu'il cherchait, l'adoption du texte avant la suspension.
Ne manque plus que la "Sanction royale", censée empêcher un Brexit sans accord le 31 octobre, pour pousser plus ouvertement à la tenue d'élections. Le temps presse. Boris Johnson a signalé qu'il comptait peupler les isoloirs le 15 octobre. Or, passé lundi, le délai sera trop bref pour maintenir cette date.