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Corée du Nord

Corée du Nord: "il n'y a pas grand-chose à faire à part attendre"

Le leader nord-coréen Kim Jong-Un

Le leader nord-coréen Kim Jong-Un - -

INTERVIEW - Les menaces de Pyongyang contre les Etats-Unis sont montées d'un cran mardi soir. Comment gérer un tel "ennemi" et faut-il craindre une escalade entre les deux pays? La réponse avec Valérie Niquet, de la Fondation pour la recherche stratégique.

"Nous sommes préoccupés par toute menace brandie par les Coréens du Nord. Nous prenons très au sérieux tout ce qu'ils disent et font". Mardi soir, les Etats-Unis ont réagi avec prudence aux nouvelles menaces proférées par Pyongyang. D'autant que celles-ci sont montées d'un cran dans leur virulence puisque la Corée du Nord menace désormais de frapper les îles américaines de Guam et de Hawaï.

Comment gérer un tel "ennemi" et faut-il craindre une escalade entre les deux pays? La réponse avec Valérie Niquet, spécialiste de l'Asie à la Fondation pour la recherche stratégique.

"La Corée du Nord dispose de nouveaux moyens militaires et nucléaires"

Mardi soir, la Corée du Nord a menacé de frapper les Etats-Unis. Faut-il prendre ces dernières déclarations au sérieux?

La Corée du Nord nous habitue régulièrement à cette réthorique très violente, lorsqu'elle est insatisfaite de la stratégie des Etats-Unis et de la Corée du Sud. Or, nous sommes dans une période de manoeuvres militaires communes entre les Américains et les Sud-coréens, ce qui énerve Pyongyang.

La Corée du Nord a-t-elle les moyens de frapper les Etats-Unis?

Le pays dispose de nouveaux moyens militaires et nucléaires. Le test nucléaire réalisé en février dernier a souligné les progrès du régime en la matière. En théorie, les îles de Guam et de Hawaï se trouvent à portée de missiles nord-coréens. Toutefois, je ne crois pas Pyongyang capable de frapper les Etats-Unis. Il lui faut encore être en mesure de miniaturiser une bombe nucléaire pour la mettre sur un missile et disposer d'un système de guidage performant pour atteindre ces cibles. J'ai des doutes sur ses capacités, donc je pense que nous n'irons pas plus loin.

"Les Etats-Unis n'ont aucune raison de se lancer dans un conflit ouvert"

Les Etats-Unis peuvent-ils se permettre une riposte militaire?

Non, ils n'ont aucune raison de se lancer dans un conflit ouvert avec la Corée du Nord. Et dans le cas où celle-ci mettrait ses menaces à exécution et frappait effectivement les îles de Guam et de Hawaï, les Etats-Unis disposent de tels moyens de riposte, notamment via le bouclier anti-missile qu'ils déploient depuis des années, que cette dissuasion suffit à elle-seule pour faire réfléchir par deux fois Pyongyang.

Quelle attitude adopter face à la Corée du Nord et sa stratégie du fou?

Depuis l'arrivée au pouvoir de Barack Obama, la stratégie américaine est d'attendre et de se dire ouvert au dialogue si la Corée du Nord donne des gages de dénucléarisation. Il n'y a donc pas de dialogue pour l'instant, au grand dam de la Chine qui souhaiterait un retour aux pourparlers à six (qui avaient abouti à l'accord de Pékin en 2007, ndlr), dans lesquels elle apparaissait comme leader. Mais entre-temps, la Corée du Nord a poursuivi sa course au nucléaire et les Etats-Unis préfèrent attendre en misant sur un scénario à la birmane, c'est-à-dire attendre un signe fort de conciliation de Pyongyang pour reprendre le dialogue. Il n'y a pas grand-chose d'autre à faire sauf si Pékin lâche la Corée du Nord, qui est un allié historique, ce qui signifierait l'effondrement du régime. Mais cela n'est pas d'actualité. La Chine ne veut pas d'une Corée réunifiée et la Corée du Nord reste stratégique dans la géopolitique chinoise.

Quel est l'intérêt pour Kim Jong-Un de proférer de telles menaces alors?

Il s'agit d'un jeune dirigeant qui a besoin de s'affirmer comme un chef de guerre. Kim Jong-Un est arrivé au pouvoir à 29 ou 30 ans dans une société où l'âge est élément de crédibilité et de pouvoir. En outre, malgré l'opacité du régime nord-coréen, il semble qu'il existe des dissensions entre les partisans d'une politique de plus grande ouverture, voire de normalisation des relations, et ceux qui prônent la fermeture du pays. Kim Jong-Un doit donc asseoir son pouvoir.

Propos recueillis par Sandrine Cochard