Nommé par Trump, anti-mariage gay: qui est le juge à l'origine de la suspension de la pilule abortive aux États-Unis?

Un juge fédéral américain a décidé de suspendre vendredi la prescription de la mifépristone, la principale pilule abortive dans tout le pays. Une décision qui a fait du bruit, jusqu'à faire réagir l'exécutif américain, alors que celle-ci était agréée depuis plus de 20 ans et utilisée chaque année par un demi-million d'Américaines.
Toutefois, cette décision est peu surprenante dans la mesure où elle vient d'un homme qui a fait de la restriction de l'accès à l'avortement un combat depuis des années. Le conservateur Matthew Kacsmaryk a été nommé en 2017 comme juge fédéral par Donald Trump, alors président des États-Unis.
Un magistrat "radical" pour les militants pro-IVG
Ces dernières semaines, les projecteurs étaient braqués sur cet homme de 45 ans, depuis qu'une coalition de militants anti-IVG a déposé plainte à Amarillo, au Texas, contre l'Agence américaine du médicament (FDA) à qui ils reprochent d'avoir autorisé la mifépristone il y a plus de 20 ans.
Matthew Kacsmaryk étant le seul juge fédéral dans cette ville, le dossier, qui porte sur une agence fédérale, avait naturellement atterri sur son bureau. Et son profil avait immédiatement suscité des sueurs froides chez les défenseurs du droit aux interruptions de grossesse.
"Dans un univers rationnel, cette plainte serait balayée en riant pour de multiples raisons", avait souligné Jennifer Dalven de l'ACLU, en notant que la mifépristone - qui s'utilise en combinaison avec un autre cachet - avait prouvé depuis l'an 2000 son innocuité et son efficacité.
Malgré tout, "nous sommes inquiets" parce que les plaignants "ont pu sélectionner leur juge" et ont choisi un magistrat "radical", avait-elle ajouté sur le site de cette organisation de défense des droits.
La suite a justifié ses inquiétudes. En même temps les rangs conservateurs ont apporté un franc soutien au magistrat. "Le juge Kacsmaryk est la dernière cible d'intimidation judiciaire" et son "seul tort est d'avoir défendu les libertés religieuses devant la justice", a notamment écrit Carrie Severino, qui dirige le lobby Judicial Crisis Network.
Ex juriste d'une organisation défendant la droite religieuse
De fait, les positions de ce juge conservateur sur l'avortement sont bien connues aux États-Unis. En 2015, Matthew Kacsmaryk, juriste au sein d'une organisation chrétienne opposée à l'avortement, regrettait notamment que les foetus "passent après les désirs érotiques" des adultes.
Avant d'être nommé juge fédéral par l'ex-président républicain Donald Trump, en 2017, Matthew Kacsmaryk a été juriste au sein du First Liberty Institute, une organisation qui défend les vues de la droite religieuse devant les tribunaux.
Elle a ainsi représenté par exemple des pâtissiers qui, au nom de leur foi chrétienne, ne voulaient pas faire de gâteau de mariage pour un couple homosexuel, ou encore un entraîneur sportif dans une école publique licencié après avoir prié avec des élèves.
À ce poste, Matthew Kacsmaryk a décrié la décision historique de la Cour suprême de légaliser le mariage homosexuel et s'est opposé à l'usage par les personnes transgenres des toilettes du sexe auquel ils s'identifient.
Dans un article publié en 2015, il a décrié la "révolution sexuelle (...) prônée par des libertaires athées", pour qui "le mariage, la sexualité, le genre, l'identité et même l'enfant passent après les désirs des adultes".
Un drame personnel
Le combat du juge pour restreindre le droit à l'avortement n'est pas récent et naît d'un drame personnel. En 2006, son épouse Shelly Kacsmaryk donne naissance à une petite fille mort-née.
Bouleversé par cet événement, Matthew Kacsmaryk choisit ensuite de rejoindre une association texane chrétienne qui fournit des services d'adoption et un logement aux femmes concernées par une grossesse non désirée. Objectif: convaincre ces femmes de renoncer à avorter, raconte le New York Times.
Autre moment fondateur survenu dans la vie familiale du conservateur: la grossesse de sa soeur à l'âge de 17 ans, évoque le Washington Post. Afin d'éviter les regards réprobateurs de son entourage, elle part accoucher loin de chez elle d'un petit garçon au Texas.
Matthew Kacsmaryk était présent et a tenu son jeune neveu dans les bras avant de le confier à une famille d'adoption. Selon sa soeur, cet épisode marquant a également renforcé la conviction du juge que chaque grossesse devrait être préservée, même celles qui sont inattendues.
"Une hostilité envers la communauté LGBTQ"
Lors de son processus de confirmation au Sénat - compétent aux États-Unis pour avaliser les juges choisis par les présidents -, il a été malmené par les démocrates.
"M. Kacsmaryk a manifesté une hostilité envers la communauté LGBTQ qui frôle la paranoïa", a notamment lancé le sénateur Chuck Schumer.
Lui a juré qu'une fois en poste, il jugerait en toute impartialité sans laisser ses convictions influencer ses décisions. Depuis qu'il a pris ses fonctions à Amarillo, il a surtout géré des affaires de droit commun.
Mais il a donné tort à l'administration du président Joe Biden dans un dossier migratoire et raison à un père qui attaquait un programme fédéral finançant la contraception de mineurs sans l'accord de leurs parents.
Sa soeur avait estimé qu'il était la bonne personne pour trancher le dossier mifépristone. "Il est fait pour ça", avait déclaré Jennifer Griffith, qui reste opposée à l'avortement, dans un entretien accordé au Washington Post. "Il est exactement là où il doit être".