Egypte : l’opposition craint une Constitution "liberticide"

Au Caire, les opposants au régime manifestent contre l'extension des pouvoirs du Président - -
Révolution égyptienne, acte 2 ? Élu démocratiquement en juin dernier, le président Mohamed Morsi a déclenché la colère d’une partie du peuple après l’annonce le 22 novembre dernier d’un décret renforçant ses pouvoirs : toutes ses décisions, ainsi que la commission chargée de rédiger la future constitution, sont désormais à l'abri de tout recours en justice.
Des appuis solides pour Morsi
L'opposition l’accuse de s'être engagé sur la voie d'un régime dictatorial. Mohamed Morsi affirme que ses pouvoirs élargis sont "temporaires", et qu’ils sont destinés à accélérer une transition tumultueuse. Pour Gilles Kepel, politologue spécialiste de l’Islam, l’opposition manifeste car elle craint ce projet de constitution qui va "renforcer son caractère islamique". Cette nouvelle constitution leur apparaît comme "liberticide", selon le politologue.
Le peuple peut-il faire tomber Mohamed Morsi, comme il l’a fait il y a près de deux ans avec Hosni Moubarak ? Pour Gilles Kepel, rien n’est moins sûr : "Pour l’instant il dispose quand même d’appuis solides. Il a la légitimité de l’élection", affirme-t-il. Et puis, les forces armées, qui avaient soutenu le peuple pendant la révolution, "ne sont pas en position de renverser" le président, selon lui.
Un référendum le 15 décembre
Gilles Kepel souligne aussi que le référendum organisé le 15 décembre sur le projet de loi fondamentale, adopté en toute hâte par une commission dominée par les islamistes, pourrait accroître sa légitimité : "Il espère que la masse organisée par les frères (musulmans) et les salafistes vont aller voter et que d’autre part, les Egyptiens qui en ont marre du chaos vont faire passer leurs intérêts immédiats, c’est-à-dire le retour de l’ordre", estime le politologue. Le président Morsi devra aussi miser sur les divergences politiques au sein de l’opposition, qui rassemble l’extrême gauche, les libéraux et les partisans de l’ancien Raïs Hosni Moubarak.
Pour l’heure, les violences continuent : les affrontements dans la nuit de mercredi à jeudi ont fait cinq morts parmi les manifestants, selon l'agence officielle Mena. Le ministère de la Santé a indiqué que près de 450 personnes avaient été blessées. Les Frères musulmans, dont est issu le président, ont également fait état des décès, indiquant avoir perdu cinq de leurs partisans.
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