TOUT COMPRENDRE - Qu'est ce que le One Ocean Summit, qui débute ce mercredi à Brest?

Un bateau de pêche et un porte-conteneurs au large du Sri-Lanka - Ishara S. KODIKARA / AFP
"Un sommet pour agir face aux menaces sur l'océan." C'est ce mercredi que s'ouvre, à Brest, le One Ocean Summit, qui selon son site officiel a comme grand objectif de "mobiliser la communauté internationale et agir concrètement à réduire ces pressions sur l’Océan." Durant trois jours, plusieurs événements et ateliers seront organisés tandis que différents chefs d'État auront viendront avec l'objectif de s'engager fortement pour l'une des grandes échéances climatiques des années à venir.
• Comment s'articule le sommet?
L'événement devrait se diviser en deux parties, réparties sur trois jours. Les 9 et 10 février tout d'abord, une trentaine d'ateliers, forums ou encore rencontres vont être organisés et porteront sur plusieurs thèmes "de portée globale pour aborder l’océan dans toutes ses dimensions et porter, en plus des constats déjà faits, des solutions."
Par exemple, dans le programme mis en ligne par l'organisation du sommet, sont prévus ce jour plusieurs ateliers autour de "l'économie du tourisme durable qui protège l'océan" ou encore un rendez-vous consacré à "la gouvernance de l'océan face au changement."
Actuellement, la haute mer commence où s'arrêtent les zones économiques exclusives des États, soit à maximum 200 milles nautiques des côtes (370 kilomètres, ndlr); elle n'est sous la juridiction d'aucun État. Elle représente plus de 60% des océans et près de la moitié de la planète, et a longtemps été ignorée, l'attention se concentrant sur les zones côtières et quelques espèces emblématiques.
• Qui participe au rendez-vous?
Le 11 février dans la matinée, l'événement prendra donc une envergure plus politique. Ce jour-là, Emmanuel Macron devrait réunir plusieurs chefs d’États et de gouvernements ainsi que des "responsables d’institutions multilatérales, de chefs d’entreprises, de décideurs de la société civile" afin de lancer plusieurs initiatives importantes sur la protection des écosystèmes marins et la pêche durable ainsi que sur la pollution.
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le président du Conseil européen Charles Michel sont annoncés. Côté entreprises, les dirigeants des géants européens du transport maritime par conteneurs CMA CGM, Maersk, Hapag-Lloyd et MSC sont également attendus.
Plusieurs associations, dont France Nature Environnement (FNE), comptent par ailleurs remettre aux responsables français et européens une pétition signée par plus de 460.000 personnes contre les captures accidentelles de dauphins communs, tués dans des engins de pêche au large des côtes françaises.
Deux manifestations sont prévues vendredi à l'appel de l'association Pleine Mer, regroupant citoyens et pêcheurs artisanaux, et de Greenpeace. Des syndicats, dont la CGT, Solidaires 29 et FSU et des collectifs ont prévu de manifester de leur côté.
• Quels sont les enjeux?
Après des années de négociations, les défenseurs des océans espèrent désormais un coup de pouce politique pour faire enfin aboutir un traité destiné à protéger la haute mer. Ainsi, la France espère que de nouveaux pays ratifieront l'Accord du Cap, destiné à renforcer la sécurité des navires de pêche et à lutter contre la pêche illégale, pour qu'il puisse entrer en vigueur.
"La présidence de l'Union européenne est une occasion qu'il ne fallait pas rater", explique à l'AFP Olivier Poivre d'Arvor, ambassadeur pour les pôles et les enjeux maritimes. "Plutôt que d'organiser un sommet européen classique, nous avons choisi de prendre un groupe de dirigeants engagés", poursuit-il.
De leur côté, les ONG espèrent des annonces fortes, tout en regrettant que des questions aussi essentielles que la surpêche ne soient pas à l'ordre du jour. La France possède la deuxième plus grande zone économique exclusive (ZEE) au monde, qui recouvre les eaux jusqu'à 200 milles nautiques au large de ses côtes, grâce aux outre-mer. Avec 23% de ses eaux protégées, mais seulement 1,6% en protection stricte, "la France n'est pas forcément un modèle", commente Jérôme Petit de l'ONG Pew.
Il espère que le gouvernement confirmera l'extension de la réserve naturelle nationale des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) sur un million de km2, dont une zone de protection forte de 250.000 km2.
Pew espère également la création de zones exclusivement dédiées à la pêche artisanale autour des îles de Polynésie française. Le président de la Polynésie française Edouard Fritch fera d'ailleurs le déplacement à Brest.
Une coalition d'ONG demande des avancées sur le traité international pour mieux protéger la haute mer, au-delà des juridictions nationales, qui couvre près de la moitié du globe. "Les discussions sont retombées à un niveau très juridique, il n'y a pas de portage politique", reconnaît Olivier Poivre d'Arvor, qui promet que le One Ocean Summit permettra de remobiliser les États.
•Quels sont les points de discorde?
À date, il reste encore plusieurs points sensibles à régler. Notamment la question de la répartition des possibles bénéfices issus de l'exploitation des ressources génétiques de la haute mer, où industries pharmaceutique, chimique ou cosmétique espèrent découvrir des molécules miraculeuses.
Les pays pauvres "veulent que tout gain financier tirant ses origines de ressources de la haute mer tombe sous un régime de partage de bénéfices", explique à l'AFP Andre Abreu, de la Fondation Tara Océan.
Preuve des divergences: dans le dernier projet de texte, datant de l'automne 2019, une grande partie des articles liés au sujet sont entre crochets. Tout comme la référence au principe de "patrimoine commun de l'humanité" revendiqué par les pays du Sud pour la haute mer, alors qu'il ne s'applique aujourd'hui qu'aux fonds marins (ceux-ci étant déjà gérés par une autorité appelée l'International Seabed Authority).
Les négociations doivent se conclure en mars.