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Zalando, La Redoute, Cyrillus... La seconde main séduit les enseignes de prêt-à-porter

Une employée de la Croix-Rouge britannique range les vêtements donnés, le 25 juin 2020 à Londres

Une employée de la Croix-Rouge britannique range les vêtements donnés, le 25 juin 2020 à Londres - JUSTIN TALLIS © 2019 AFP

Estimé à plus d'un milliard d'euros, le marché de la seconde main connaît un essor sans précédent. Même les grandes marques de prêt-à-porter sont désormais obligées de proposer leur propre service d'occasion.

Zalando, La Redoute, CDiscount, Ikea, Décathlon... Pas une semaine ne passe sans qu'une enseigne annonce se lancer sur le marché de la seconde main. A raison. Kantar, qui a réalisé deux ans de suite une étude sur ce marché du vintage dans la mode, l'estime à 1,160 milliard d’euros. Plus d'un Français sur quatre (29%) en âge d’acheter, s'est déjà offert au moins un article d'occasion.

Il suffit de regarder le succès de Vinted pour comprendre le phénomène. Le site lituanien de revente entre particuliers est devenu en quelques années le troisième site de e-commerce en France, derrière Amazon et CDiscount, taclant ainsi la Fnac et Veepee (ex Vente Privée).

A cause du coronavirus, le marché a connu une légère baisse cette année. l"'épidémie a en effet conduit à la fermeture des brocantes et des vides greniers.

On compare le phénomène de la seconde main à celui d’internet il y a quelques années, quand on se demandait s'il fallait ou non avoir son site en propre, détaille Mélanie Vinçot, cheffe de groupe textile chez Kantar. Aujourd’hui c’est un réflexe, et c’est dans ce sens-là que l’on voit la seconde main. Ce n’est pas une alternative au neuf, il faut l’avoir, ça crée du trafic. Et dans tous les cas, ça existe, sur Vinted ou ailleurs, donc autant en profiter soi-même."

Sur Vinted par exemple, des milliers d'annonces pour des articles Petit Bateau sont en ligne. La marque aurait donc tort de laisser échapper ce marché.

Toutes les enseignes qui se mettent à la seconde main ne choisissent pas la même formule. Certaines optent pour une plateforme de revente entre particuliers quand d'autres vendent des vêtements de toutes marques confondues, fournis par des partenaires. A chacun son approche.

Auchan vend de tout, à petit prix

L'enseigne de grande distribution Auchan a par exemple lancé une expérimentation en février dans cinq magasins. Le succès fut au rendez-vous. Désormais, 57 magasins Auchan disposent d'un corner de seconde main. On y trouve toutes les marques, y compris du Zara et du H&M, à petit prix. Les t-shirts sont vendus moins de 5 euros, les pulls une dizaine d'euros et les manteaux, à peine 20 euros.

Auchan s'est associé pour l'occasion à Patatam, une friperie en ligne créée en 2013, qui écoule chaque mois plus de 40.000 pièces, confiait son patron à LSA en février. L'entreprise fournit des stocks de vêtements à Auchan et récupère ceux confiés par les clients grâce à la partie collecte qui donne droit à un bon d'achat à dépenser chez Auchan.

Auchan s'est associé à Patatam pour lancer des corners de seconde main dans ses magasins
Auchan s'est associé à Patatam pour lancer des corners de seconde main dans ses magasins © Auchan

Le concept a trouvé preneur. Plus de 68.000 pièces de seconde main ont été vendues depuis février, révèle Auchan à BFM Business. Et 4000 sacs de collecte ont été déposés dans les 57 magasins disposant d'un corner vêtement de seconde main, soit 72.200 articles.

Quasiment toutes les enseignes de la grande distribution comme Cora, Leclerc et Carrefour font appel à Patatam, commente Mélanie Vinçot, de chez Kantar. C'est une bonne stratégie pour faire revenir les clients dans les hypermarchés où le drive se développe beaucoup. Les rayons de seconde main génèrent de la flânerie en magasin. C'est comme les fruits et légumes qui sont très peu commandés en drive car les clients ont besoin de les voir et de les toucher".

Cyrillus et Petit Bateau, de particulier à particulier

Dans le domaine, Petit Bateau fut prescripteur. Dès 2017, l'enseigne française mise sur la seconde main en ouvrant un espace dédié dans son application. La marque ne sert que d'hébergeur pour les annonces des particuliers, qui s'arrangent entre eux pour l'envoi et le paiement des articles. On n'y trouve bien sûr que des produits de la marque.

Un modèle qui semble un peu désuet aujourd'hui. Contacté par BFM Business, Petit Bateau se refuse à tout commentaire, précisant lancer un "projet global de seconde main" l'année prochaine.

Même concept du côté de Cyrillus avec son service "Seconde Histoire". Un site dédié qui héberge les annonces de particuliers. Deux options s'offrent aux vendeurs: récupérer l'argent ou opter pour une carte cadeau Cyrillus. Pour encourager les utilisateurs à choisir le bon d'achat, Cyrillus majore de 50% le montant de la vente.

Seconde Histoire, le site internet de Cyrillus qui héberge les annonces des particuliers
Seconde Histoire, le site internet de Cyrillus qui héberge les annonces des particuliers © Cyrillus
A l'origine, les initiatives comme celles de Petit Bateau et Cyrillus servaient à prouver la qualité des vêtements. Aux Etats-Unis, Patagonia faisait la même chose", précise Mélanie Vinçot.

Zalando

Le géant allemand du prêt-à-porter en ligne Zalando a lancé fin septembre son service de seconde main. Mais son fonctionnement reste encore un peu flou. Sur son site, Zalando explique permettre à ses clients "d'échanger les vêtements que vous ne portez plus contre des cartes cadeaux" mais ne détaille pas où ni comment les envoyer.

L'onglet seconde main est accessible directement sur le site. Zalando ne précise pas si les articles ont été confiés par des particuliers ou non. Certaines marques reviennent cependant souvent, ce qui pourrait laisser penser que Zalando achète des stocks.

La Redoute et "La Reboucle"

De son côté, La Redoute vient de lancer "La Reboucle", sa propre plateforme d’échange de produits d’occasion entre particuliers. Elle sera effective en janvier mais il est déjà possible de mettre en ligne ses annonces. Toutes les marques seront acceptées, y compris les produits non vendus sur La Redoute.

Comme Cyrillus, La Redoute propose aux vendeurs de récupérer l'argent ou d'opter pour un bon d'achat, d'une valeur majorée de 25%. Pour un article vendu 10 euros, le vendeur obtiendra un avoir de 12,50 euros.

Deux raisons principales expliquent le choix de la seconde main pour les consommateurs. Selon Kantar worldpannel, le motif est économique pour 69% des acheteurs, et écologique pour 45% d'entre eux, c’est dix points de plus que l’année dernière. Mais la seconde main est-elle vraiment bénéfique à la planète?

Vinted a monétisé et donné une valeur marchande à un t-shirt Kiabi. Et on peut se poser la question, est-ce vraiment écologique d’acheter un tshirt deux euros qui va faire le tour de France? Je ne sais pas, il va falloir y réfléchir et sensibiliser les consommateurs", conclut Mélanie Vinçot, cheffe de groupe textile chez Kantar.
https://twitter.com/Pauline_Dum Pauline Dumonteil Journaliste BFM Tech