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Que faut-il retenir des 6 mois d'Elon Musk à la tête de Twitter

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De l’esthétisme aux fonctionnalités en passant par le contenu: en six mois, Twitter a radicalement vu sa plateforme évoluer. Peut-être pour le meilleur, mais surtout pour le pire.

Jamais un réseau social n’avait connu autant de rebondissements en si peu de temps. Depuis son offre de rachat en avril 2022, Elon Musk a connu de multiples déboires à la tête de Twitter. Et rien qu’en six mois, depuis sa prise de fonction effective, l’application a été modifiée en profondeur, laissant utilisateurs, journalistes et annonceurs souvent pantois.

Twitter Blue, la grande révolution

C'est probablement le plus grand séisme de la plateforme: l’abonnement Twitter Blue. Annoncé moins de deux semaines après l'arrivée de Musk à la tête de Twitter, cet abonnement payant proposé à environ 10 euros par mois devait proposer une expérience plus complète pour les utilisateurs. Sauf que tout ne s’est pas passé comme prévu.

Lancé le 9 novembre, Twitter Blue génère en à peine quelques heures une véritable vague de faux comptes et autre usurpations d’identité. Présidents, chanteurs et même entreprises: des dizaines de personnalités et marques voient rapidement apparaître des doubles maléfiques publiant contenus offensants et parodiques.

Elon Musk décide alors de mettre fin au problème (en voyant apparaître de faux comptes de sa propre personne) le 22 novembre en mettant le projet sur pause. Quelques jours auparavant, le patron de Twitter avait déjà décidé que les nouveaux comptes ne pourraient souscrire à Twitter Blue qu’après 90 jours d’activité.

Après une phase de travail intense (20 jours), Twitter Blue fait son retour le 12 décembre. D’abord déployé aux Etats-Unis, au Canada, en Australie et Nouvelle-Zélande, l’abonnement arrive progressivement dans le monde entier, le 3 février en France.

Les utilisateurs peuvent alors tester ce nouvel outil, qui offre des fonctionnalités intéressantes et utiles (modification de tweets, accès anticipé aux nouveautés, moins de publicités) mais aussi des fonctions plus superflues et décriées, comme l’ajout de caractères aux tweets, passant de 280 à 4000 signes.

La pagaille des badges

Twitter Blue a également conduit à de multiples imbroglios autour d’un des éléments les plus mythiques de la plateforme: le badge bleu. A l’époque, cette coche distinctive permettait, en échange de l’envoi d’une copie de sa carte d’identité, d’être authentifié et assuré qu’aucune usurpation n’était possible. Attribuée aux stars, aux journalistes, aux médias et autres personnalités connues, il s’agissait alors d’un vrai gage de véracité.

Mais Twitter Blue est arrivé et avec lui ses nouveaux pictogrammes signalétiques. Dans un premier temps, Twitter décide de faire la distinction entre abonnés payants et comptes officiels grâce à un badge "Officiel", placé sous l’identifiant de l’utilisateur vérifié. Mais cette distinction sera finalement retirée au bout de quelques heures par Elon Musk, peu convaincu par son innovation.

Le badge gris d'authentification de Twitter
Le badge gris d'authentification de Twitter © BFMTV

Quelques semaines plus tard, de nouvelles couleurs font leur apparition sur les fils d’actualité des utilisateurs: l’or et le gris. La couleur dorée sera associée uniquement aux entreprises tandis que la grise sera réservée aux comptes gouvernementaux et politiques.

Tout se complique un peu plus il y a quelques semaines avec la décision de retirer les badges bleus d’avant l’ère Musk. L’annonce est faite dès la mi-décembre par Elon Musk qui considère que ces coches (pourtant gratuites) ont été données "de manière corrompue et absurde." Elles ont ainsi vocation à être remplacée par des coches payantes, qui n'impliquent aucune vérification d'identité.

D’abord prévu le 1er avril, le processus n’avait finalement pas été enclenché. Selon le journal américain Washington Post, ce faux-départ aurait en partie été causé par le caractère manuel de la suppression des badges de certification. Une manipulation au sein d'un document tellement bidouillé qu’il manque de tomber en lambeaux à chaque modification.

Une nouvelle date est alors fixée, le 20 avril, en référence à une blague liée au cannabis appréciée par Elon Musk. Cette fois-ci, pas de rétractation, les comptes auparavant vérifiés perdent un à un leur certification (enfin presque, Elon Musk ayant décidé de forcer les utilisateurs de plus d’un million d’abonnés à tester Twitter Blue).

Nouveaux affichages

Outre Twitter Blue, Elon Musk a aussi décidé de changer peu à peu l’interface de son réseau social. L’affichage des interactions a ainsi été modifié le 22 décembre, ajoutant au passage le nombre d’impressions sur chaque tweet.

Le nouvel affichage des interactions sur Twitter
Le nouvel affichage des interactions sur Twitter © Capture d'écran

Le fil d’actualité des utilisateurs a aussi vu apparaître une nouvelle section début janvier 2023, "Pour vous", qui compile les tweets susceptibles de plaire à l’utilisateur, le tout basé sur des décisions algorithmiques. Ce fil de recommandations est d’ailleurs imposé comme l’affichage principal lors de l’ouverture de l’application. Pour voir les publications des personnes suivies, il est nécessaire de sélectionner l’onglet "Abonnements".

Modération disparue

Twitter version Elon Musk ne permet donc plus de voir autant les personnes que l’on souhaite, mais offre aussi un accès plus ouvert aux fausses informations. L’amnistie et le pardon ont en effet été deux des maîtres-mots d’Elon Musk, qui a décidé quelques jours après sa prise de fonction d’offrir une réactivation générale aux comptes suspendus avant son arrivée.

Près de 70.000 comptes suspendus pour incitation à la haine, désinformation ou propos racistes qui ont ainsi pu revenir peu à peu sur le réseau social. C’est notamment le cas de l’ancien président américain Donald Trump, qui a vu son compte rétabli grâce à un sondage d’Elon Musk auprès de ses abonnés. L’ancien président n’a toutefois pas tweeté depuis son retour.

Faute de modération (en raison des milliers de licenciements réalisés depuis l’arrivée d’Elon Musk), Twitter a ainsi laissé libre cours au harcèlement et aux fausses informations. Il y a quelques jours, la plateforme a par exemple supprimé de ses conditions d’utilisation l’interdiction des attaques envers les personnes transgenres. L’équipe chargée chez Twitter de contrer les opérations informelles d’Etats, comme la Russie ou la Chine, a également été démantelée. Ces licenciements ont ainsi ouvert les portes de Twitter à l’ingérence étrangère.

L’Europe a ainsi rappelé à l’ordre Elon Musk à plusieurs reprises sur la modération des contenus. Thierry Breton, commissaire européen chargé du numérique, a notamment indiqué au patron de Twitter que la plateforme allait devoir revoir sa copie en termes de gestion des contenus publiés, surtout à l’approche de l'application de la nouvelle législation européenne sur les plateformes en ligne (DSA).

Des changements peu fructueux

Elon Musk a pourtant bien procédé à une certaine modération des contenus: celles des comptes automatisés. Qu’ils servent à suivre les trajets en jet privé des milliardaires ou à faire des blagues chaque jour, ces comptes ont vu un obstacle apparaître en février: l’accès désormais payant de l’API de Twitter.

Cette interface de programmation d’application permettait à l’époque d’utiliser l’interface de Twitter gratuitement pour créer ces comptes automatisés. De nombreux comptes ont ainsi décidés de disparaître plutôt que de payer le réseau social.

Ces (très) nombreux changements n’ont donc eu de cesse de rythmer le quotidien de Twitter ces derniers mois, avec à la clé une situation toujours bancale pour le réseau social: seulement 0.25% des utilisateurs de Twitter ont souscrit à l’abonnement payant Twitter Blue. Des prédictions envisagent une perte de 32 millions d’utilisateurs d’ici 2024 et des centaines d’annonceurs ont décidé d’arrêter leurs publicités sur le réseau social.

Reste à voir quelles nouveautés Elon Musk trouvera dans les jours, semaines et mois à venir pour espérer redresser la barre. Lui-même l’a avoué dès son arrivée: "Twitter fera beaucoup de choses stupides dans les mois à venir. Nous garderons ce qui fonctionne et changerons ce qui ne fonctionne pas."

Julie Ragot