Vers une dissolution de "Génération Identitaire" ?

Manuel Valls - -
Va-t-on vers une dissolution de Génération Identitaire, ce groupuscule d’extrême-droite qui a envahi le toit de la grande mosquée de Poitiers le 20 octobre dernier? C’est en tout cas la volonté du Parti socialiste, du Parti communiste et des associations comme le MRAP, SOS Racisme, le Rassemblement des Musulmans de France (RMF).
Le gouvernement, en la personne de son ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, a prévenu mercredi que la dissolution du groupuscule "est étudiée". En cause, les "motivations évidentes" du groupe, explique le ministre, parlant de "provocation", de "diffusion d'un message de haine et d'intolérance" et de "volonté manifeste de faire parler d'eux".
Alors que quatre hommes ont été mis en examen et placés sous strict contrôle judiciaire lundi à Poitiers, le ministre de l’Intérieur souligne que si dissolution il y a, "elle devra se faire sur des fondements juridiques solides".
Comment peut-on dissoudre un mouvement comme Génération identitaire?
C’est le président de la République qui a le pouvoir de dissoudre un mouvement, depuis la loi relative à la lutte contre le racisme, dite loi Pleven (1972). Un amendement de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées, qui visait à l'origine les ligues d'extrême droite et qui fut porté, ironie de l’Histoire, par Pierre Laval.
Dernièrement, c’est le groupuscule islamiste Forsane Alissane qui a été dissous. Mais cette loi a aussi permis la dissolution, en son alinéa 6, d’Unité Radicale en 2002, groupuscule d’extrême-droite dont un des membres, Maxime Brunerie, avait tenté d’assassiner Jacques Chirac en juillet 2002.
Génération Identitaire pourrait aussi être menacée par le même alinéa car il indique que le président de la République peut dissoudre les groupes qui "soit provoqueraient à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, soit propageraient des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence".
C’est donc François Hollande qui porterait la décision de dissoudre ce mouvement. L'annonce, si elle a lieu, sera faite en Conseil des ministres. Une fois la décision prise, le groupe dissous peut saisir le Conseil d'État pour demander un recours en annulation. Ce dernier devrait alors statuer en urgence.
Quelle incidence sur le mouvement des Identitaires ?
Les créateurs du Bloc Identitaire, dont est issu Génération Identitaire, étaient auparavant des militants d’Unité Radicale. Fabrice Robert et Guillaume Luyt sont devenus en 2003 les responsables du mouvement des Identitaires, qui compte aujourd’hui à peu près 2000 membres. Ceux-ci sont très présents dans le sud de la France et notamment à Nice.
Le Bloc Identitaire a choisi la normalisation en octobre 2009 lorsqu’il a choisi de devenir un parti politique. Se réservant le droit d’organiser "l’apéro saucisson pinard" dans le quartier de la Goutte d’or à Paris ou d’effectuer des appels à la prière à Bordeaux. Des coups médiatiques afin de prévenir contre "le péril de l’Islam". Ce dernier "coup" sur les toits d’une mosquée est le choix des plus jeunes membres du Bloc et peut-être des moins expérimentés. A noter que Marine Le Pen, qui a souvent demandé au Bloc de s’associer au FN, a dit comprendre les préoccupations des manifestants. En son temps, Jean-Marie Le Pen s’était opposé à la dissolution d’Unité Radicale.
Jean-Yves Camus, chercheur associé à l'IRIS, spécialiste de l’extrême-droite, relativise l’importance des Identitaires, "on est loin d'un mouvement de masse et les résultats électoraux du bloc sont assez modestes. Mais il faut noter que lors de la convention du 3 et 4 novembre 2012 qui fêtera les dix ans du Bloc identitaire et se déroulera à Orange dans le Vaucluse, le député-maire Jacques Bompard sera présent ainsi que l'ancien député UMP du Nord Christian Vanneste. On ne peut donc pas parler de radicalisation ou de montée en puissance du bloc identitaire, mais plutôt d'une banalisation de ses idées".