Mariage gay : comment un baiser lesbien a éclipsé les manifestations

Les deux jeunes filles ont soudainement eu envie de faire une petite provocation. - -
La journée du 23 octobre devait être LE grand moment des opposants à l’adoption par des couples gay. Mais par la simple diffusion d’une photographie, elle est devenue symbolique de la cause homosexuelle.
Partagée sur Twitter plus de 1.500 fois en quelques heures, 2.500 fois en moins d’une journée, l’image du photographe Gérard Julien a aussi été choisie par l’AFP comme photo du jour diffusée sur les réseaux sociaux. Le succès a traversé l’Atlantique puisque le réseau social Reddit, très populaire aux Etats-Unis, commente abondamment cette photo. Bfmtv.com vous dévoile les dessous de ce cliché.
La photo #AFP du jour par Gérard Julien. Où ? A Marseille (sud de la France). Qui ? Un couple de jeunes femmes... fb.me/1rYZBUF0f
— Agence France-Presse (@afpfr) October 24, 2012
"Maman, maman !"
Mardi, l’association pro-vie Alliance Vita organise une série de happenings dans 75 villes de France pour dénoncer l’adoption par des couples du même sexe. Au Mans, on peut notamment voir un homme en collants tituber, affublé d’ailes en papier. Sur la gauche est écrit "papa", sur la droite, "maman".
A mesure qu’il s’approche des uns ou des autres, les manifestants en rang d’oignon crient "maman" ou "papa".
>> Le Maine Libre a filmé la manifestation du Mans :
Ailleurs, les manifestants arborent des tee-shirt "un papa, une maman, on ne ment pas aux enfants !", slogan que la foule reprend en choeur. Mais à Marseille, deux jeunes femmes vont prendre le contre-pied de la manifestation. "J’ai vu deux jeunes filles remonter l’allée centrale et tout d’un coup, elles se sont embrassées. Ça a été très rapide, je crois que je suis le seul à avoir pu capter l’image", témoigne Gérard Julien, photographe chevronné de l’AFP.
Dans la boîte, le geste affectueux, mais aussi et surtout les grimaces involontaires des manifestants choqués, impuissants, dans l’arrière-plan. A ce moment, ils ne savent pas encore qu’ils se sont complètement fait voler la vedette.
Ce que l'image ne révèle qu'à demi-mots, ce sont les insultes que prononcent ces bouches outrées, entendues par les deux jeunes filles: "Vous êtes pas belles ! Vous êtes dégueulasses !", comme elles le racontent dans une interview au site web du magazine Têtu.
>> Une amie des deux protagonistes a filmé cette scène avec son téléphone :
Un conflit de génération
Pourquoi un tel succès ? Selon le photographe, c’est que l’image est elle-même un symbole : "Elle représente un vrai sujet de société, un vrai débat culturel et générationnel. C’est le contraste entre deux mondes, deux générations."
Le blogueur Romain Pigenel relève dans un billet que l’observateur de la photo est instinctivement porté à prendre parti pour les deux jeunes filles. La mise en scène les met en avant, toutes deux courageuses, devant cette foule de personnes désapprobatrices.
Leur message est plus clair et plus lisible sur l’image : on a d’un côté deux jeunes filles incarnant le désir, l’amour et la libéralisation des mœurs face à une foule de dames d’un certain âge, symbolisant la rigueur et la pensée unique. La subversion face à l’ordre.
Une mise en scène facile à tourner en dérision
"Ce n’est pas un coup monté !" tient à rappeler le photographe, qui voit déjà venir les accusations de manipulation. Déjà, sur place, des manifestants s’en sont pris à lui, croyant qu’il était de mèche avec les deux jeunes filles. Pour Gérard Julien, il n’est pas étonnant que cette manifestation se soit retournée contre ses organisateurs : "C’était prévisible, il était très facile de tourner en dérision cette mise en scène."
C’est également ce que racontent Auriane et Julia, les deux jeunes filles, à Têtu : "Pas très loin d’eux, on a rencontré une poignée de contre-manifestants. Ils avaient envie de répondre au rassemblement mais ils ne savaient pas comment…" L’une d’elle a lancé l’idée et en cinq minutes, l’affaire était faite et l’image dans la boîte.
Malgré ce succès, cette photo (et une autre presque identique) n’ont pas été très téléchargées par les médias. La plateforme d’achat de l’AFP, en tout cas, n’affichait en fin de matinée qu’une dizaine de téléchargements.