Les migrants de La Chapelle: "C'est interminable notre problème"

Comme un éternel retour au point de départ. Plusieurs dizaines de migrants ont été délogés lundi d'un quartier populaire du nord de Paris par les forces de l'ordre. Depuis le démantèlement le 2 juin du campement de La Chapelle, clandestins et policiers jouent au chat et à la souris. Escorté par des CRS et des gendarmes, un bus rempli de migrants avait quitté la bibliothèque Vaclav-Havel, rue Pajol, peu après 16 heures
Plusieurs de ces migrants évacués manu militari par les forces de l'ordre et depuis relâchés, ont expliqué à BFMTV les difficultés qu'ils s'efforcent de surmonter au quotidien et le traitement dont ils ont été l'objet. "On cherche un endroit où dormir, ce harcèlement de la police nous épuise. Ils nous expulsent, nous mettent dans des bus, c'est interminable notre problème. On est à bout", témoignait lundi soir Idriss, réfugié érythréen qui est en France depuis 5 ans. Ballottés comme lui d'évacuation en évacuation, des migrants expulsés une semaine plus tôt étaient revenus à leur emplacement initial, affirmant n'avoir nulle part où aller.
"J'ai refusé de monter dans le bus et après un CRS m'a frappé avec sa matraque", témoigne encore Mokhtar, un autre Erythréen, évacué de la rue Pajol. Il explique qu'il garde encore l'espoir d'obtenir l'asile politique.
Omar réfugié soudanais explique sa désillusion: "Je veux juste un abri et vivre comme un être humain. J'ai essayé d'appeler le 115, mais dans les centres il y a des cas sociaux, des alcooliques, c'est difficile de dormir là-bas".
Le préfet dénonce une "instrumentalisation" des migrants
Selon le préfet de police de Paris Bernard Boucault, 84 personnes ont été emmenées au commissariat où il leur a été demandé, avec l'aide de cinq interprètes, s'ils souhaitent solliciter l'asile. "Maintenant on applique la loi. Ceux qui ne veulent pas demander l'asile n'ont pas vocation à rester sur le territoire", a-t-il affirmé lors d'un point-presse. Aucun des migrants interrogés - essentiellement des Erythréens, des Soudanais et des Ethiopiens - n'a selon lui souhaité s'engager dans une procédure.
"Qu'un Érythréen ne demande pas l'asile est incompréhensible", a-t-il ajouté, en s'interrogeant sur une "instrumentalisation" des migrants. Venus les soutenir lors de l'évacuation, une quarantaine de militants et d'élus arborant des écharpes tricolores ont crié leur "solidarité avec les réfugiés". Les forces de l'ordre ont brièvement fait usage de gaz lacrymogène pour disperser le rassemblement, interpellant plusieurs militants.
Un lieu d'accueil réclamé
Mais selon le préfet d'Ile-de-France Jean-François Carenco, il ne s'agissait "pas nécessairement" des personnes qui se trouvaient auparavant à La Chapelle. "Nous avons un problème à gérer mais la France est une terre d'asile", a-t-il assuré. En amont de l'évacuation du campement de La Chapelle "nous avions pris un engagement pour 376 personnes, nous avons offert 100 places de plus entre temps. L'humanité de l'administration est entière", a martelé Bernard Boucault.
Les pouvoirs publics avaient assuré que chacun se verrait pris en charge en fonction de sa situation (demandeurs d'asile, familles avec enfants...). La Ville de Paris a jugé que les personnes délogées lundi de la rue Pajol "sont soit des personnes évacuées de La Chapelle et qui n'ont pas accepté l'offre d'hébergement, soit de nouveaux arrivants, car chaque jour Paris accueille de nouveaux migrants".
L'adjoint PCF à la mairie du 10e arrondissement Dante Bassino affirme au micro de BFMTV qu'il faut "la police arrête d'harceler et que les personnes arrêtées lundi après-midi soient libérées. Il faut un lieu d'hébergement pour tous le temps que chacun se pose et que la centaine de migrants qui sont ici voient leurs situations examinées et qu'ils puissent bénéficier des droits des demandeurs d'asile pour ceux qui le demandent."