Les Bleus en finale du Mondial 2018: pourquoi cet engouement populaire?

Le 10 juillet, des milliers de personnes sont descendues dans la rue pour célébrer la victoire de la France sur la Belgique - Éric Feferberg - AFP
Des scènes de liesse, partout en France. Mardi soir, à l'issue de la victoire de la France face à la Belgique en demi-finale de la Coupe du monde 2018, ils ont été des milliers à sortir dans les rues de l'Hexagone pour laisser exploser leur joie. Parmi les fêtards, des fans de football confirmés, bien entendu. Mais aussi des supporters occasionnels, pas toujours concernés par le ballon rond mais portés par un élan populaire hors du commun.
C'est la force des grandes compétitions, et peut-être particulièrement de celle-ci: leur capacité à transformer un sport en phénomène de société. Comment l'engouement lié au Mondial réussit-il à se répandre jusqu'aux plus récalcitrants, menant tous les âges et toutes les classes sociales à se réunir pour agiter drapeaux tricolores et fumigènes devant l'Arc de triomphe, dans les rues de Lyon ou celles de Marseille?
"Le sport c’est un des seuls endroits où on peut vivre les mêmes émotions au même moment et ensuite les partager", explique Nicolas Hourcade, sociologue spécialiste des supporters de foot, à BFMTV. "Quand il y a le but, (...) immédiatement l’émotion est très forte et elle est partagée avec nos voisins, notre famille, nos amis, les gens qui sont autour de nous."
Une cohésion sans pareil
Ce sont les montagnes russes émotionnelles, que les supporters rencontrent collectivement face aux matches, qui forgent aussi la cohésion des spectateurs. C'est ce qu'affirme Robert Zuili, psychologue clinicien spécialiste des émotions et auteur de Les Clés de nos émotions, en prenant pour exemple la tension suscitée par le but tardif de la France face à la Belgique. Et la peur, presque immédiate, de voir cet avantage perdu:
"Quand vous êtes spectateur de quelque chose comme cela vous êtes en quelque sorte redevable de ceux qui vous confrontent à ça. Ce sont des artistes, ils sont capables de susciter en vous une émotion que vous ne maîtrisez pas (...) Le footballeur vous fait partager quelque chose d’intense malgré vous."
Et même les supporters les moins assidus se prennent au jeu, "parce que c’est agréable de voir des gens sourire":
"Vous vous retrouvez dans la rue avec des gens que vous ne connaissez pas et vous êtes prêts à les serrer dans vos bras (…) Vous avez besoin de partager ça, vous avez besoin de regarder dans le regard de l’autre ce qui se passe chez vous aussi. Et c'est ça qui est magnifique."
Une équipe fédératrice
La liesse populaire tient sûrement aussi au capital sympathie de la sélection de Didier Deschamps. Griezmann, Mbappé, Pavard et autres Lloris: des joueurs jeunes et appréciés, autant par le public que par leurs prédécesseurs. "Ils font un groupe merveilleux", s'enthousiasme Bruno Bellone, ancien joueur de l'équipe de France de football, sur BFMTV. "On voit qu'ils s'entendent bien, et quand on rentre sur le terrain on ne se pose pas de question. On voit ce que ça donne: aujourd'hui, on est en finale."
Cette nouvelle génération jouit aussi d'une force que le précédentes compositions n'avaient pas; elle représente tout le monde:
"Dans les années 1990, il y avait un clivage qui était lié aux tensions entre le PSG et l’OM; une partie de la France ne se reconnaissait pas dans une partie de l’équipe" décrypte Nicolas Hourcade. "Maintenant que la plupart des joueurs jouent à l’étranger et que ces clivages se sont un peu atténués, on peut se reconnaître dans l’équipe."
Souvenir pour les uns, promesse pour les autres
Depuis 20 ans, l'histoire mouvementée des Français avec la Coupe du monde travaille l'affect des citoyens. Remportée en 1998, loupée de peu en 2006 lors d'une finale contre l'Italie marquée par un coup de sang de Zinedine Zidane, une victoire en 2018 aurait à la fois un goût de revanche collective et de retour à de grandes heures. "On est des récidivistes, on était déjà là en 1998, ça nous rappelle de bons souvenirs", confiait Thomas, 40 ans, au Parisien mardi soir sur les Champs-Élysées.
Herman, de 16 ans son cadet, avait 4 ans lorsque les Bleus ont remporté le sacre ultime. Selon lui, c'est son tour:
"Vingt ans après, notre génération va enfin avoir sa Coupe du monde", se réjouissait-il dans les colonnes du quotidien régional. "Pour nous, enfants d'immigrés, cela veut dire quelque chose. Qu'est-ce que c'est beau de voir Paris comme ça."
De quoi laisser rêveur quant aux célébrations à prévoir en cas de victoire de la France, dimanche. Les Bleus affronteront l'équipe qui remportera le match de ce mercredi soir, qui verra s'opposer l'Angleterre et la Croatie.