Immigration et quotas en France: entre fantasmes et réalité

Des immigrés font la queue devant la préfecture de Bobigny, en Seine-Saint-Denis, pour la régularisation de leurs papiers. - Crédits photo : nom de l'auteur / SOURCE
Le peuple suisse a révélé dimanche sa volonté de mettre fin à "l'immigration de masse". Depuis, les esprits s'agitent en France, et certains hommes politiques, comme l'UMP François Fillon, affirment vouloir suivre l'exemple helvète.
En réalité, la Suisse applique déjà des quotas d'immigration depuis l'année dernière, remarque la chercheuse Virginie Guiraudon, spécialiste des politiques d'immigration européennes au CNRS, jointe par BFMTV.com. "Le gouvernement helvète a fait passer une circulaire en mai dernier. Elle concerne la période de juin 2013 à mai 2014, pour les ressortissants de 17 pays membres de l'UE: la France, l'Espagne, l'Italie..."
"Dans ce texte", poursuit la chercheuse, "les autorités limitent à 53.712 unités le nombre d'autorisations de séjour de plus d'un an, délivrées pour les personnes qui prennent un emploi en Suisse, ou qui s'y installent. En réalité, ce texte voté par référendum dimanche ne fera que rendre permanent un seuil limite, là où jusqu'à présent, il ne devait durer qu'un an".
> Existe-t-il des quotas en France?
Il n'y a aucun quota en France, quel que soit le type d'immigration - étudiante, familiale ou économique. De même, il n'existe aucun quota de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière.
En revanche, pour les ressortissants non-membres de l'Union européenne, il existe une liste de métiers par région pour lesquels l'offre est jugée supérieure à la demande. Si le poste n'est pas sur cette liste, l'employeur doit apporter la preuve qu'il a échoué à trouver quelqu'un sur le marché national avant de recruter un étranger.
La liste de ces professions, une trentaine par région, pour lesquels les Français ne sont pas obligatoirement prioritaires par rapport aux étrangers, a été établie en 2008 et est consultable ici.
> Est-il possible d'en instaurer en France?
Virginie Guiradon n'y croit absolument pas. "Le droit européen prime sur le droit national, il faudrait donc que ces quotas concernent des pays avec lesquels l'UE n'a pas d'accords spécifiques".
Autre frein pour une partie de la droite, seule à vouloir s'engager sur le sujet, l'hostilité du patronat à ces quotas. "Les grands patrons veulent bénéficier d'une souplesse dans le recrutement, quelle que soit la nationalité du salarié, et que ce soit dans le bâtiment ou dans la recherche", indique la chercheuse.
Ainsi, en Suisse, le patronat helvète s'était fortement mobilisé contre le texte voté dimanche lors du référendum. Pour les élus français, il faudrait donc passer outre le Medef pour instaurer de tels quotas.
> Les Roumains et les Bulgares ont-ils des restrictions en France?
Jusqu'au 1er janvier 2014, les citoyens roumains et bulgares, pourtant membres de l'Union européenne, étaient considérés comme en "période transitoire". Ils étaient sous le coup de restrictions, qui ont pris fin depuis le début de l'année.
Ils peuvent désormais circuler et travailler librement en France sans demander d'autorisation de travail, comme c'était le cas auparavant lorsqu'ils voulaient exercer une profession hors de la "liste des 292 métiers" qui leur étaient accessibles.
> Quels pays appliquent des quotas?
"Ce sont les Américains qui ont instauré de façon très restrictive les quotas d'immigration dans les années vingt, pour diminuer le flux européen. Aujourd'hui, les quotas sont plus souples mais existent toujours", explique Virginie Guiraudon.
Le Canada fixe également des quotas pour les étrangers, tout comme l'Australie. "Les systèmes sont généralement basés sur des points, que l'on obtient selon son statut marital, son diplôme, son domaine de travail. La France ne voit absolument pas les choses de cette manière en matière d'immigration. Le modèle français est plutôt d'accueillir et de régulariser", conclut la directrice de recherches.