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"Il est impossible de faire interdire ce numéro de Minute désormais"

La Une de Minute, publié mardi

La Une de Minute, publié mardi - -

Le Premier ministre a saisi la justice dans l'affaire de la une de "Minute". En temps normal, cette procédure doit être faite par la ministre de la Justice, mais sur le fond, cela n'en reste pas moins identique.

Une enquête préliminaire pour injure publique à caractère racial a été ouverte mercredi sur la une de Minute comportant le titre "Maligne comme un singe, Taubira retrouve la banane". Si la Garde des Sceaux s'est refusée à réagir, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a saisi la justice, comme les associations SOS Racisme et le MRAP.

Sur BFMTV, le président du MRAP a assuré vouloir "anéantir la diffusion" de l'hebdomadaire d'extrême droite. C'est aussi l'objectif avoué du ministre de l'Intérieur Manuel Valls lorsqu'il évoque "des moyens d'agir" contre le numéro insultant Christiane Taubira.

"Il est impossible de faire interdire ce numéro désormais", estime Delphine Meillet, avocate spécialiste du droit de la presse. "Mais une condamnation après coup est possible". D'autant que cette affaire intervient dans un contexte de racisme à l'endroit de Christiane Taubira.

"On se sert du droit"

Jean-Marc Ayrault, lui, a justifié son action judiciaire en s'appuyant sur l'article 40 du code de procédure pénale qui permet de "porter des faits susceptibles de constituer l'infraction d'injure publique à caractère raciste". Dans cette situation, le procureur de la République reçoit les éléments mais reste seul juge des suites à donner à l'affaire. Une procédure soutenue par son adversaire politique Jean-François Copé mais aussi par l'ensemble des partis politiques français.

Néanmoins, "voir cette démarche faite par le Premier ministre est absolument exceptionnelle", explique Delphine Meillet à BFMTV.com. "On se sert du droit parce que l'on a pas réagi avant", estime l'avocate.

Le seul exemple existant d'un interdiction par intervention ministérielle d'un titre de presse serait celle du journal Hara-Kiri, notamment après sa une - "Bal tragique à Colombey: un mort" - sur le décès du général De Gaulle.

Un "écho à l'émotion du pays"

"La voie habituelle c'est que ce soit la ministre de la Justice qui demande au parquet d'étudier les faits, mais là, elle est dans une situation inconfortable", explique à BFMTV Richard Malka, avocat spécialiste du droit de la presse. Une ou plusieurs associations peuvent aussi le faire, c'est le cas pour la une de Minute.

"Si la procédure est inhabituelle sur la forme", reconnaît donc Richard Malka, "elle fait écho à l'émotion du pays. Surtout, le résultat sera le même. La suite de cette affaire sera à l'appréciation du parquet et le jugement sera rendu par des juges".

"Minute" ne craint pas la justice

Après les dénonciations dont a fait l'objet l'hebdomadaire, l'enquête a été confiée par le procureur de la République à la Brigade de répression de la délinquance contre la personne de la police judiciaire parisienne.

Mercredi matin, l'hebdomadaire était disponible dans les kiosques et, à l'instar du distributeur Presstalis, la rédaction a affirmé n'avoir reçu aucun document judiciaire allant dans le sens d'une interdiction. Dans Les Inrockuptibles, elle préfère se féliciter d'un "coup de pub à zéro euro", affirmant "ne pas craindre les répercussions judiciaires".

Pour autant, la défense d'une "une satirique" serait "difficile à defendre", prévoit Delphine Meillet.

Samuel Auffray