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Veufs et veuves, ils nous racontent comment ils ont retrouvé l'amour.

PIERRE-OSCAR BRUNET / BFMTV

"Être seule était devenu invivable": veufs et veuves, ils ont reconstruit leur vie sentimentale

Quelques mois ou quelques années après la perte de leur partenaire, ces veufs et veuves précoces ont retrouvé l'amour. Un besoin "vital", une solitude criante, ou une rencontre inattendue... À l'occasion de la Saint-Valentin, ils nous racontent.

Depuis sa maison à Tanger au Maroc, Philippe, 83 ans, se livre sur la relation "harmonieuse" et "pacifiée" qu'il a tissée avec Isabelle. Cela fait 27 ans qu'ils sont mariés. Pourtant, le chemin a été semé d'embûches. L'octogénaire a eu du mal à renouer avec l'amour après la perte de sa femme lorsqu'il avait 51 ans.

C'était le 31 janvier 1993. Il se rappelle encore du signal rouge de son répondeur qui s'est transformé en "un coup de tonnerre dans son ciel bleu". On lui apprend que son épouse et la mère de son fils, âgée de 48 ans, est morte dans un accident de voiture à Tanger, où ils vivaient déjà. De là, s'enclenche un très long processus de deuil.

"C'était une grande histoire d'amour, elle était essentielle dans ma vie", assure l'ancien chef d'une entreprise parisienne. Il s'essaye à quelques liaisons, sans succès.

"J'étais ligoté sexuellement, j'avais l'impression que je trompais ma femme", raconte Philippe.

"La relation a été maintenue grâce à elle"

Quatre ans plus tard, c'est une annonce parue dans le Nouvel observateur qui permet à sa vie d'entamer un virage. S'il n'avait pas l'habitude de lire ces pages et encore moins d'y répondre, il saute le pas.

Après plusieurs échanges de lettres, Isabelle vient lui rendre visite à Tanger, dans cette maison où les photos de sa femme décédée ornent les moindres recoins. Philippe n'est pas encore prêt pour une nouvelle relation. "Après avoir maturé pendant un mois, je l'ai rappelée et je lui ai demandé de venir passer la fin de l'année à Tanger", explique l'octogénaire. Ce qu'elle a accepté.

Au début, la situation reste difficile. "Je me sentais capable de construire une histoire, mais j'étais surtout désagréable, en retrait. Je crois que j'avais encore un sentiment de culpabilité et que le deuil n'était pas totalement digéré. Il était encore sur le dos, sur le cœur, sur le ventre", image Philippe. Mais voyant "une lumière au bout du tunnel", Isabelle a "persévéré".

"Elle a supporté beaucoup de choses. La relation a été maintenue grâce à elle", avance-t-il, et maintenant, il se sent "très bien".

Si ses amis ont pleinement adopté Isabelle, ce n'est pas le cas de l'un de ses fils, âgé de 28 ans au moment du décès de sa mère, qui a "très mal pris" leur relation à ses débuts. Le temps a estompé les dissensions mais "il reste toujours un petit quelque chose", remarque Philippe.

"C'est un élan vital"

Catherine aussi a rencontré des difficultés avec ses cinq enfants lorsqu'ils ont découvert de manière "implicite" et très rapidement sa nouvelle histoire. "Je pense que ça a été très très dur pour eux", soutient l'ancienne professeure de français.

Comme ses amis, ses enfants avait une sensation de "remplacement". Mais Catherine l'affirme: après la mort de son mari dans un accident lorsqu'elle avait 47 ans - un "homme et père formidable" qu'elle a rencontré à 15 ans - le besoin d'une nouvelle relation était de "l'ordre de la survie".

"C'est un élan vital quand vous êtes dans un élan mortifère", décrit-elle. "Personne ne peut se rendre compte de la détresse dans laquelle on est". Du haut de ses 47 ans, elle ne voulait pas être assignée à son rôle de grand-mère et de veuve.

"Des mots lourds à porter qui renvoient à l'image d'une vieille mamie en chignon. Ce n'était pas du tout le plan", rit Catherine, installée à l'époque à l'étranger avec sa famille.

Après le décès "inattendu" de son mari, elle noue une forte amitié avec un homme qui lui aussi traverse une situation difficile. Une amitié qui se transforme rapidement et qui dépasse le stade de la "légère aventure". "On a très rapidement pris la décision de s'engager", raconte Catherine, depuis devenue psychologue. Notamment en raison de la présence - d'un côté comme de l'autre - d'enfants dans l'équation.

Elle qui accorde facilement sa confiance estime, avec du recul, qu'elle était assez "équipée" pour surmonter le deuil. Sa nouvelle relation est apparue comme "quelque chose qui relève de l'évidence" avec "beaucoup de synchronie".

Si son conjoint actuel est "très différent" de son ancien mari, tant mentalement que physiquement, elle refuse la comparaison et se réjouit de ces deux "belles histoires". "Autour de moi, il n'y a pas un seul homme qui me paraisse aussi bien que ceux que j'ai eus, mais quel bol! Comment font les autres?" plaisante-t-elle.

"Je n'en pouvais plus d'être toute seule"

Chez Dominique, les sentiments sont moins brûlants aujourd'hui. Elle ne vit pas le "grand amour" avec son deuxième mari et père de son deuxième enfant, Christian, avec qui elle en couple depuis 40 ans.

"Le grand amour, je l'ai vécu avant. Là, c'est un amour plus raisonnable, plus mature, plus calme", dépeint la retraitée de 74 ans qui ne peut s'empêcher de comparer ses deux relations.

Contrairement à son premier mari "très protecteur" qui s'occupait de tout, Christian est "rêveur, un peu poète". Si elle se réjouit de "vieillir avec lui", elle dit "regretter" son ancien amour.

Dominique est devenue veuve à 27 ans, son mari est mort à 31 ans d'une crise cardiaque "en une dizaine de minutes sous ses yeux". Elle s'est alors retrouvée seule avec leur petit garçon de quatre ans. Et ce, pendant huit ans. "J'étais jeune, je voulais refaire ma vie", confie la Parisienne maintenant retraitée dans le Lot. "Je n'en pouvais plus d'être toute seule, c'était devenu invivable. J'avais aussi très envie d'un deuxième enfant, mais il n'était pas question de l'avoir seule."

Elle rencontre alors Christian, "très sociable et très serviable", chez une amie commune autour d'un café. Très bon bricoleur, il accepte de venir chez elle lui "donner un coup de main" à plusieurs reprises. Ils se trouvent alors "quelques points communs". Mais elle croit "surtout qu'ils avaient tous les deux une grosse solitude".

"On ne peut pas passer le reste de ses jours à pleurer sur un fantôme"

La solitude, c'est aussi ce qui a poussé Jérémie, aujourd'hui âgé de 46 ans, à se lancer en quête d'une nouvelle relation amoureuse. En 2016, sa première épouse Gaëlle, alors enceinte de 8 mois, est victime d'une rupture d'anévrisme causant de "manière quasi instantanée sa mort et celle de son enfant".

Après une longue et compliquée période de deuil impliquant une dépression et des traitements, Jérémie réalise, deux ans plus tard, qu'il ne "pleure plus la mort de sa femme et de son enfant" mais sa "solitude". "Cela veut dire que j'étais prêt à une vie à deux", estime-t-il, étant alors père d'une fille de 7 ans. Cette situation, sans réellement pouvoir l'imaginer, il en avait parlé avec la femme qui partageait son quotidien depuis plus de dix ans.

"On s'était dit qu'il fallait recommencer sa vie. On ne peut pas passer le reste de ses jours à pleurer sur un fantôme", tranche-t-il.

Jérémie essaye de faire "jouer le hasard", de "regarder autour de lui" dans l'espoir de décrocher l'amour, mais ça "ne donne rien". L'ancien ingénieur "en béton armé" devenu technicien dans l'informatique recourt alors à une agence matrimoniale. La première rencontre est la bonne: pendant plusieurs mois, Véronique et lui ne cessent de discuter en arpentant les rues et les parcs de Paris.

Son entourage se montre "soulagé" de voir qu'il "recommence à être heureux". Sa fille aussi qui "montrait le besoin d'une figure maternelle". Devenu père de deux nouveaux enfants et beau-père d'un enfant, Jérémie se dit "très heureux de nouveau". Et la mort, il n'y pense pas. "Ça voudrait dire que je ne pourrais pas vivre intensément."

Juliette Brossault