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"Elle était recouverte d'escarres": des enfants de personnes placées en résidence Orpea témoignent

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La publication du livre-enquête Les Fossoyeurs a entraîné la libération de la parole chez de nombreuses familles, évoquant les maltraitances subies par leurs aînés dans les résidences du groupe.

Quand elle place en mars 2020 sa mère dans un établissement Orpea, Isabelle Schwartz est sereine. Après tout, elle a déjà eu des retours positifs sur les établissements du groupe, et sa mère, encore très autonome, ne doit y rester que quelques mois. Mais deux jours plus tard, le premier confinement entre en vigueur. "Et là, c'est la descente aux enfers", explique-t-elle au micro de BFMTV.

Quelques jours après son arrivée, sa mère fait une chute au sol, et a saigné abondamment. A-t-elle reçu des points de suture? A-t-elle fait une radio? Ses questions restent sans réponse. Le personnel lui indique simplement que la moquette est tâchée, et "qu'ils n'ont pas réussi à la ravoir".

"Elle n'avait plus de dents"

Depuis la publication le 26 janvier du livre-enquête Les Fossoyeurs écrit par Victor Castanet, mettant en lumière les maltraitances subies par les résidents des Ehpad du groupe Orpea, les témoignages allant dans ce sens se multiplient dans les médias. Mettant tous en lumière les dérives et maltraitances subies par de nombreux résidents, mais également leur récurrence.

Car c'est à de multiples reprises qu'Isabelle Schwartz a retrouvé sa mère souffrante. Trois semaines après sa chute sur la tête, la résidente profite d'une visite de sa fille pour lui montrer que ses dents sont cassées.

Chirurgienne-dentiste de profession, Isabelle Schwartz n'en revient pas. "Elle avait des facettes, et là, catastrophe, elle n'avait plus de dents. Sur place, je lui mets des dents provisoires. Après, comment ses dents ont cassé, je ne sais pas. Médicalement, je n'ai jamais vu ça", commente-t-elle aujourd'hui, alors qu'elle n'a toujours pas plus d'informations sur l'origine de l'incident.

"Personne n'a rien vu"

Sophie Mayer, invitée sur le plateau de BFMTV, a, elle aussi, constaté de nombreux incidents suite au placement de sa mère dans un établissement du groupe Orpea, situé au Pré-Saint-Gervais, en Seine-Saint-Denis. En novembre 2018, "c'est une aide-soignante qui m'appelle à 17h, pour me dire que maman est tombée la veille, et que comme elle a l'air de souffrir un petit peu, ils vont quand même l'envoyer à l'hôpital". Résultat, les deux jambes de la vieille dame sont fracturées.

"C'est totalement inacceptable, et c'est vrai que ça donne à réflexion. Maman serait donc restée 24h avec les deux jambes cassées, dans d'ignobles souffrances, et personne n'a rien vu, personne n'a rien entendu", s'émeut Sophie Mayer.

Un encadrement médical insuffisant, alors que la chambre de sa mère coûtait 3800 euros mensuellement, et que l'établissement possède un accès spécifique à une clinique.

"Elle était recouverte d'escarres. Et le médecin qui l'a reçu à l'hôpital Saint-Antoine a dit qu'il n'était pas question de la renvoyer car il y avait suspicion de maltraitance", explique Sophie Mayer.

Désinvolture des encadrants

Face aux remontées des familles, c'est la désinvolture supposée des dirigeants qui choque d'autant plus. Quand elle se plaint de la situation de sa mère, Sophie Mayer est convoquée face à un collège de sept personnes, s'attachant à démonter une à une ses inquiétudes. La directrice de l'établissement va même jusqu'à lui expliquer que "les personnes âgées ne ressentent pas la douleur".

Et alors que la mère d'Isabelle Schwartz a les deux épaules fracturées suite à une nouvelle chute, l'équipe soignante prend tout de même le soin de déshabiller la vieille dame pour la mettre au lit, avant de ne prévenir sa fille que le lendemain. "Quand j'appelais, on me disait que tout allait bien, ou bien 'elle est tombée'". Jamais plus d'explications, et alors que sa mère "ne tombait jamais avant".

Alors que certaines familles parlent déjà de se regrouper dans une action collective en justice, Sophie Mayer a déjà pris sa décision, elle dont la mère est décédée en 2019. "Je vais porter plainte, pour maltraitance, non-assistance à personne en danger, et homicide involontaire", déclare-t-elle.

Avant d'ajouter: "Ces personnes âgées, à qui nous sommes redevables, c’est nous demain. C’est non seulement leur bien-être, mais également l’avenir de toute une société qui est en jeu".
Jules Fresard