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Des embryons cochon-humain pour faire pousser des organes

L'un des cochons élevés par l'université de Californie pour ses recherches.

L'un des cochons élevés par l'université de Californie pour ses recherches. - University of California

Elever des embryons d'animaux capables de fabriquer des organes humains que l'on pourrait se faire transplanter? Cette idée de science-fiction, trois équipes de chercheurs américains sont en train de l'expérimenter.

Cela fait plusieurs années qu'il est possible de se faire greffer une valve cardiaque de porc. Mais au chapitre de la greffe entre deux espèces, trois équipes de chercheurs américains vont beaucoup plus loin: elles explorent l'idée controversée de faire pousser des organes compatibles dans des embryons d'animaux.

Une enquête du Massachussetts Institute of Technology publiée dont Technology Review se fait l'écho révèle que ces biologistes ont réussi à fabriquer, à cet effet, 20 embryons cochons-humains et moutons-humains. Autrement dit, des chimères.

Le principe à l'origine de cet exploit peut être décrit de manière simple: il s'agit d'ajouter à un embryon des cellules-souches humaines, puis d'attendre le terme de la grossesse. L'animal chimérique possède en lui l'organe dont vous avez besoin. La réalisation est évidemment beaucoup plus complexe et profite des dernières avancées de la recherche génétique.

Un foie tout neuf

La technique, ainsi que l'explique 20 Minutes, tire parti des découvertes du Nobel de médecine 2012, Shinya Yamanaka. Il a découvert que des cellules adultes de peau ou de sang pouvaient être reprogrammées et transformées en "cellules-souches pluripotentes induites". Elles peuvent remplacer ainsi les cellules-souches provenant d'embryons humains, réglant ainsi l'un des problèmes éthiques posés par cette technique.

Pour aboutir à cet exploit, faire pousser des organes compatibles avec l'homme dans un animal, les chercheurs doivent modifier l'ADN d'un embryon de cochon. Ils identifient une séquence qui pilote la formation de certains tissus, la désactivent, et la remplacent par les cellules-souches humaines capables de se transformer en n'importe quel organe. Et fabriquent ainsi, selon les besoins, un foie ou un cœur tout neuf.

Cette pratique est sujette à de nombreuses polémiques tant les interrogations éthiques qu'elle soulève sont nombreuses. L'une d'entre elles serait de créer par mégarde des animaux en partie humains, et en partie conscients. Le National Institute of Health, l'administration chargée de contrôler le secteur de la recherche biomédicale, a pour cette raison mis son holà en décidant de mettre fin à tout subventionnement dans cette branche:

"Le spectre d’une souris intelligente coincée dans un laboratoire en hurlant "Laissez-moi sortir" serait troublant pour de nombreuses personnes."

"On ne peut être absolument sûr de rien"

Pour le professeur Hiromitu Nakaguchi, qui compte parmi les pionniers de cette discipline, cette éventualité est une grossière exagération tant que la quantité de cellules humaines introduites reste réduite, comme 0,5%. "Si la proportion devient grande, comme, mettons, 40%, là nous devrions agir." Pablo Ross, biologiste de l'université de Californie, se montre, lui, plus circonspect:

"Et si ces 5% contribuent à 100% du cerveau? Que se passera-t-il si l'embryon qui se développe devient, pour sa plus grande part, humain? C'est quelque chose à quoi on ne s'attend pas, mais personne n'a jamais fait cette expérience, donc on ne peut être absolument sûr de rien."