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"Nous n'avons pas de marge de sécurité": Philippe Juvin redoute une reprise de l'épidémie de Covid-19

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Invité de Ruth Elkrief, le rendez-vous, le chef des urgences à l'hôpital Pompidou et maire LR de la Garenne-Colombes approuve les récentes annonces de l'exécutif, mais juge que la lutte contre le virus demeure inefficace.

Pour le Professeur Philippe Juvin, "la situation est critique". Invité de Ruth Elkrief, le rendez-vous ce samedi, le chef des urgences à l'hôpital Pompidou, par ailleurs maire Les Républicains de la Garenne-Colombes, s'inquiète de l'évolution de l'épidémie de Covid-19 en France.

"On espérait que la seconde vague puisse s'amoindrir et qu'il y ait moins de patients dans les hôpitaux; on voit bien que la courbe de décroissance est beaucoup moins rapide que prévu en Île-de-France", rappelle-t-il.

Plus grave selon lui est le fait que notre système hospitalier soit toujours saturé, "ce qui signifie qu'on n'a pas de marge de sécurité".

"Si l'épidémie reprenait, (...) le risque serait d'être rapidement submergé parce que nous n'avons pas vidé nos lits. Et c'est une des conditions du déconfinement: c'est d'avoir repris de l'oxygène dans les capacités (...) d'accueil à l'hôpital", prévient Philippe Juvin.

"On a toujours un temps de retard"

D'après le médecin, "le gouvernement a eu raison d'annoncer (...) qu'il fallait remettre à plus tard le déconfinement total". Il émet toutefois un lourd bémol sur sa gestion de l'épidémie dans sa globalité:

"J'avoue que j'ai toujours un peu de mal à comprendre pourquoi nous en sommes toujours aussi peu loin en matière de lutte contre le virus. (...) Le confinement, c'est un pis-aller, c'est quand vous ne pouvez plus faire autrement. (...) Notre système hospitalier est trop petit, nous n’avons pas suffisamment de lits", déplore-t-il.

Philippe Juvin regrette par exemple qu'il n'y ait pas eu de "plan de mobilisation des hôpitaux", même s'il reconnaît qu'il est très difficile de former rapidement les personnels soignants.

"Le virus court très vite et nous, on est derrière et on a toujours un temps de retard. (...) On confine les commerces par exemple. Certes, mais où sont les données scientifiques qui permettent de dire, 'oui, tel commerce il faut le fermer, tel autre il faut pas'? On n'a pas ces données", constate l'élu LR.

"Hyper-bureaucratisation" 

Le médecin reconnaît toutefois que "le Ségur de la santé a été une très grande chose pour les rémunérations du personnel" non médecin, où les rémunérations sont très inférieures à la moyenne de l'OCDE. L'effort budgétaire consenti par le gouvernement, à savoir 8 milliards d'euros mis sur la table, a été considérable selon lui.

"Le drame de l'hôpital public, c'est l'hyper-bureaucratisation, c'est ça le sujet. Et ça, malheureusement, on ne s'y est pas encore attaqué", tempère-t-il.

Interrogé sur la polémique autour des instructions données par Jérôme Salomon et révélées par la commission d'enquête du Sénat, Philippe Juvin manie la litote: "Dire que la direction de la santé a été bonne dans cette crise serait peut-être exagéré."

"On a commencé la crise avec quasiment pas de masques. (...) Qu'est-ce qu'on a fait entre fin décembre et mi-mars? (...) Est-ce que la DGS a envoyé des gens dans les pays où il y avait l'épidémie pour voir comment ça se passait? Est-ce qu'on a appuyé sur un bouton en commandant des masques? Est-ce qu'on a commandé des tests?", se demande-t-il, pour conclure.
Jules Pecnard Journaliste BFMTV