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Santé

Nanoparticules: présentes en masse dans l'alimentation... mais pas sur les étiquettes

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Les nanoparticules peuvent être utilisées pour rendre plus attractif un produit en modifiant sa couleur, son goût ou sa texture. Alors que plusieurs associations mettent en garde contre leur présence trop importante dans les produits alimentaires malgré une absence d'étiquetage, une analyse de la Répression des Fraudes a confirmé cette défaillance.

Si en médecine les nanoparticules suscitent de grands espoirs, elles posent problèmes quand leur présence est décelée dans l'alimentation. Les nanoparticules sont des particules dont la taille est inférieure à celle d’une cellule qui se présentent sous la forme de poudres, de gel ou de solutions et qui, du fait de leurs propriétés inégalées, sont actuellement utilisées par de nombreuses industries (cosmétiques, vêtements, alimentation, emballages).

Comme l'explique l'ONG Générations Cobayes, "la très grande majorité des nanomatériaux utilisés par les industries cosmétiques et alimentaires sont les nanoparticules de dioxyde de titane, les nanoparticules de silice et les nanoparticules d'argent." Ces dernières sont en effet susceptibles d'être présentes sous la forme d’additifs dont le plus connu est donc le dioxyde de titane (E171) qui se retrouve dans les confiseries et chewing-gums.

En juin 2016, l'ONG Agir pour l'Environnement publiait une analyse révélant que quatre échantillons de produits alimentaires testés en contenaient, mais que pas un seul d'entre eux présentait une étiquette sur laquelle figurait la mention "nano" comme l'oblige la réglementation européenne. Plus d'un an après, celle-ci vient de révéler que la Répression des Fraudes (DGCCRF) a mené et présenté des résultats de ce même type d'analyse à l'occasion des Etats Généraux de l’Alimentation.

Le règlement européen INCO n'est pas respecté

Ses conclusions ont permis de confirmer "la présence quasi systématique de nanoparticules dans les produits alimentaires contenant certains additifs.", explique l'ONG. Sur les 114 prélèvements opérés, la répression des fraudes a présenté les résultats de 19 analyses. Parmi celles-ci, 17 produits contenaient des nanoparticules, soit près de 9 produits sur 10. Un seul échantillon respectait le règlement européen INCO sur l’information du consommateur, qui oblige les industriels à apposer cette mention "nano" sur l’étiquette.

"94% des produits utilisant des additifs contenant des nanos ne respectent donc pas le règlement européen sur l’étiquetage.", estime-t-elle. L'AFP a également confirmé que la DGCCRF a présenté lors des Etats généraux de l’alimentation "un point d’avancement de ses contrôles concernant les nano-ingrédients". Et apporte une petite précision liée à ces analyses: les produits en cause étaient notamment des confiseries, des sauces, des épices et des décorations pour pâtisserie.

Si la totalité de ces résultats est attendue d'ici la fin de l'année, c'est la première fois que sont rendus publics des contrôles officiels sur la présence de nanoparticules dans l’alimentation. Pour Agir pour l'Environnement, ces analyses confirment celles qu'elle a elle-même menées en juin 2016 mais aussi celles de 60 millions de consommateurs publiées en septembre 2017: l'association avait recherché la présence de nanoparticules dans 18 produits alimentaires sucrés.

Un manque d'informations sur les risques pour la santé

Les résultats ont montré que 100% de ces produits en contiennent, sans qu’aucun ne le mentionne sur leur étiquetage. "L’innocuité de ces nouveaux matériaux est pourtant loin d’être garantie.", faisait-elle savoir. Si l'ONG comme l'association demandent que l’obligation d’étiquetage en vigueur depuis décembre 2014 soit suivie à la lettre, la DGCCRF a annoncé qu’elle comptait prendre contact avec ses homologues européens afin de présenter ses résultats.

"Elle n’a pas évoqué le principe de procédures contentieuses ou de sanctions à l’encontre des fabricants fautifs. De nombreux produits alimentaires sont concernés.", estime Agir pour l’environnement qui, à ce jour, dit avoir identifié plus de 300 produits alimentaires susceptibles de contenir des nanoparticules. Or, un sondage Ifop mandaté par cette dernière en octobre dernier montrait que 67% des Français indiquent être inquiets par leur présence dans les produits alimentaires courants.

Par ailleurs, 86% des personnes interrogées déclaraient ne pas se sentir suffisamment informées sur les risques des nanoparticules dans l’alimentation. Sur ce sujet, l'Anses* précise que "les incertitudes restent importantes quant aux effets des nanomatériaux". Ce qui est sûr en revanche, c'est qu'ils ont la capacité de "passer les barrières physiologiques, sachant qu’il n’existe pas à l’heure actuelle de données directement sur l’homme.", affirme-t-elle.

Si l'obligation d'étiquetage n'est pas toujours respectée, c'est aussi en raison d'un désaccord entre les instances européennes en ce qui concerne le seuil de nanomatériaux à partir duquel il faut signaler leur présence. 60 millions de consommateurs précise en effet que, l'EFSA** plaide en faveur d’un seuil de 10 % "en raison de l’incertitude actuelle sur les risques sanitaires des nanotechnologies" quand la Commission européenne souhaite un seuil de 50%.

*Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail
**Autorité européenne de sécurité des aliments

Alexandra Bresson