Loi Santé: le don d'organes bientôt facilité?

Les prélèvements d'organes seront-ils bientôt facilités? (photo d'illustration) - Dominique Faget - AFP
Les dons d'organes seront-ils bientôt systématiques? Un amendement intégré au projet de loi Santé de Marisol Touraine a pour objectif de faciliter le prélèvement d'organes sur un individu décédé, si celui-ci n'a pas exprimé de souhait sur la question de son vivant. Adopté le 20 mars dernier par la commission des Affaires sociales de l'Assemblée, l'amendement, soutenu par le gouvernement, doit maintenant être adopté par le Parlement.
Consentement présumé
Si cet amendement, présenté par les députés Jean-Louis Touraine et Michèle Delaunay, venait à être définitivement adopté, il rendrait l'obtention d'organes plus facile, en renforçant l'idée de consentement présumé du défunt. Autrement dit, le médecin ne serait plus obligé de consulter la famille de la personne décédée pour obtenir une autorisation de prélèvement, et donc, de se heurter à un éventuel refus.
Selon cet amendement, qui entrerait en application en 2018, les proches du défunt seraient désormais simplement "informés des prélèvements envisagés" et de leur finalité. Objectif: lutter efficacement contre le manque d'organes disponibles pour des greffes.
Forte hausse des refus et augmentation de la demande
La loi actuelle prévoit déjà le consentement présumé au don d'organes, c'est-à-dire que le prélèvement peut être pratiqué dès lors que la personne décédée n'a pas fait connaître son refus de son vivant. Ce refus peut aujourd'hui être exprimé par tout moyen: l'inscription sur un registre national des refus, mais également par le biais des proches, systématiquement interrogés sur une éventuelle opposition au don d'organes exprimée de son vivant par le défunt (si son nom ne figure pas dans le registre national des refus).
Le taux de refus de prélèvement est passé de 9,6% en 1990 à 33,7% en 2012, voire à près de 40% si on s'en tient aux greffons utilisables, alors même que, selon un sondage réalisé en 2013 par Opinion Way, seuls 21% des Français seraient hostiles aux dons d'organes.
Pour la Fondation Greffe de vie, 19.000 personnes sont aujourd'hui en attente d'une greffe en France, un nombre qui augmente beaucoup plus vite que les greffons disponibles. "1% de refus équivaut à 100 greffons", relève la Fondation, qui estime qu'en réduisant le taux de refus, "on pourrait éviter que 500 à 700 personnes meurent chaque année par manque de greffons".
Les associations de greffés partagées
Les associations de greffés ont diversement accueilli l'amendement. "Cet amendement est capital, il va permettre de sauver des centaines de vies", a déclaré Jean-Pierre Scotti, président de la Fondation Greffe de vie, qui milite pour une modification de la loi actuelle. Mais il estime par ailleurs qu'il est très difficile pour des proches "dans la douleur" de répondre "oui" en l'espace de quelques instants. Par précaution, ils ont tendance à refuser le prélèvement, "quitte à le regretter par la suite", selon lui.
Pour Yvanie Caillé, la directrice de l'association de malades et greffés du rein Renaloo, court-circuiter l'avis des familles "n'est pas forcément la mesure la plus efficace et la plus souhaitable" pour augmenter les dons d'organes. "Je crains des réactions délétères des familles qui risquent de se sentir agressées par l'application stricto sensu de ce texte", relève-t-elle, en soulignant l'importance d'un "dialogue" entre les parents et les équipes de coordination, comme c'est le cas en Espagne, où le taux de refus atteint seulement 15%.
C'est en "accompagnant les familles plutôt qu'en leur extorquant un consentement" qu'on réussira, estime-t-elle, à faire augmenter les dons d'organes.